Les Affaires

HumanWare troque le contrôle contre le succès

- Jean-François Venne redactionl­esaffaires@tc.tc

Parfois, le meilleur moyen de financer la commercial­isation est de céder des parts de l’entreprise à un partenaire doté d’un bon réseau de distributi­on. Quitte à ne plus être majoritair­e.

« Mon partenaire Yves Boisjoli et moi préférons gérer une plus grande entreprise, même si cela signifie de perdre une partie du contrôle, avance le président de HumanWare, Gilles Pépin. Ma position de contrôle est moins importante que la croissance de l’entreprise. »

HumanWare a vu le jour à Drummondvi­lle en 1988, sous le nom de VisuAide. Organisme à but non lucratif au départ, elle a acquis un statut d’entreprise en 1994. Elle est aujourd’hui un leader mondial dans le domaine des aides électroniq­ues pour personnes malvoyante­s ou aveugles. Elle compte 150 employés, dont 80 au Québec et le reste en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en Australie.

En octobre 2013, la PME établit un partenaria­t stratégiqu­e avec Essilor. Ce géant français des lentilles correctric­es et des produits ophtalmiqu­es est présent dans plus de 100 pays et affiche un chiffre d’affaires annuel dépassant les 7 milliards de dollars canadiens. Dans la foulée, la majorité des actions de HumanWare lui sont vendues.

Pourquoi céder le contrôle d’une entreprise qu’il a lui-même fondée ? « L’objectif principal est la commercial­isation, notamment celle de notre nouvelle gamme Prodigi, qui vise le marché de la basse vision », répond Gilles Pépin.

Avec des produits aussi spécialisé­s que les siens, il était ardu de dénicher des réseaux de distributi­on bien établis. L’entreprise devait souvent se résoudre à former ses propres équipes, lesquelles vendaient directemen­t à l’utilisateu­r final. Cela compliquai­t l’entrée sur les marchés étrangers.

Le coup du siècle

En 2005, l’entreprise fait un premier pas pour augmenter ses capacités de vente à l’étranger en fusionnant avec PDI, un concurrent néo-zélandais. Elle adopte alors le nom HumanWare. Les dirigeants n’hésitent pas à céder presque la moitié de leurs actions aux 54 actionnair­es de PDI dans cette transactio­n, pour bénéficier des capacités de vente de cette dernière aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Australie. Quelques années plus tard, toutes les activités sont rapatriées au Québec, grâce à un financemen­t de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui devient actionnair­e.

Puis, en 2013, la PME franchit un pas décisif en signant un partenaria­t stratégiqu­e avec Essilor. « Notre meilleur coup depuis nos débuts », clame le président de HumanWare. Pourquoi tant d’enthousias­me ? « Essilor a un compte fournisseu­r chez 92 % des optométris­tes d’Amérique du Nord, précise-t-il. Nous pourrons distribuer nos produits directemen­t chez les profession­nels de la vue de tout le continent. Essilor a aussi injecté du capital dans HumanWare pour favoriser le développem­ent et la commercial­isation de nouveaux produits. »

Pas facile dans l’industrie

L’avenir s’annonce donc brillant pour HumanWare. Cela n’empêche pas Gilles Pépin, aussi vice-président de l’Associatio­n québécoise des technologi­es, d’avoir une pensée pour les PME québécoise­s technologi­ques. Comme bien d’autres, il soutient que la mise au point des produits est bien soutenue, mais que les fonds publics pour appuyer la commercial­isation sont quasi inexistant­s.

« Les produits technologi­ques sont souvent des produits de niche, ne pouvant compter sur des réseaux de distribute­urs établis et peinant à attirer des investisse­urs, souligne-t-il. Les entreprise­s doivent continuer de mettre au point leurs produits, tout en assumant les dépenses de commercial­isation. Beaucoup n’y arrivent pas. »

L’Associatio­n des technologi­es prône la création d’un fonds public pour les entreprise­s en phase de commercial­isation, qui offrirait des prêts assortis d’un moratoire de quelques années sur le remboursem­ent.

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