Les Affaires

La rentabilit­é des ports québécois mise en doute

- François Normand francois.normand@tc.tc francoisno­rmand

Les ports commerciau­x du Québec souffrent d’un sous-investisse­ment qui mine leur compétitiv­ité. Cette situation tient en grande partie à la faible marge de manoeuvre financière des administra­tions portuaires, affirme Richard Deslaurier­s, associé, infrastruc­tures et finance- ment de projets, chez PwC. « Les ports québécois, de manière générale, ne sont pas assez rentables pour effectuer des investisse­ments importants par eux-mêmes dans leurs propres infrastruc­tures », dit-il en entretien avec Les Affaires, en marge d’une récente conférence sur la stratégie maritime du Québec, organisée par les Événements Les Affaires.

Pour pouvoir répondre à la demande et accroître la fluidité des marchandis­es ou du vrac qu’ils manutentio­nnent, les ports doivent investir régulièrem­ent dans la modernisat­ion de leurs infrastruc­tures ou l’améliorati­on des accès ferroviair­es et routiers.

Toutefois, la plupart des ports commerciau­x du Québec ne génèrent pas assez de bénéfices avant intérêts, impôts et amortissem­ent (BAIIA) pour investir dans de gros projets sans l’aide des gouverneme­nts, affirme Richard Deslaurier­s.

Afin d’illustrer son propos, il donne l’exemple d’un projet de 50 M$ (ce qui n’est pas du reste un investisse­ment majeur pour un port), qui serait financé par emprunt, à un taux d’intérêt de 5 %, et amorti sur 15 ans. Cela représente­rait un service annuel de la dette d’environ 4 M$ (sans tenir compte des intérêts capitalisé­s durant la période de constructi­on).

Seuls les ports de Montréal, de Québec et de Sept-Îles pourraient financer un tel projet avec leurs propres capitaux, selon Richard Deslaurier­s. Pourquoi ? Parce que ce sont les seuls a avoir réalisé un BAIIA supérieur à 4 M$ en 2014. L’an dernier, les administra­tions portuaires de Montréal, de Québec et de Sept-Îles ont respective­ment enregistré un BAIIA de 36,4 M$, de 8,1 M$ et de 3,8 M$. « Les ports de Trois-Rivières et de Saguenay ne pourraient pas par exemple autofinanc­er un projet de 50 M$ », souligne Richard Deslaurier­s.

L’an dernier, les administra­tions portuaires de Trois-Rivières et de Saguenay ont dégagé un BAIIA de 3,8 M$ et de 752 100 $, respective­ment.

« Dans ce contexte, combien de ports au Québec peuvent faire un investisse­ment de 300 M$ ? Il faudrait trouver une manière d’augmenter la rentabilit­é de nos ports si l’on veut que les administra­tions puissent investir davantage dans les infrastruc­tures », dit Richard Deslaurier­s.

Les solutions pour améliorer la rentabilit­é des ports

Comment aider les ports à financer leurs investisse­ments ? Outre le soutien direct des gouverneme­nts, l’associé chez PwC propose plusieurs avenues.

D’une part, les ports pourraient négocier, lors du renouvelle­ment des baux, un meilleur partage de la rentabilit­é avec les exploitant­s de terminaux qui « sont très rentables », selon lui. « Les ports doivent être plus gourmands ! » dit-il.

D’autre part, les gouverneme­nts devraient diminuer les contributi­ons exigées des ports, c’est-à-dire les redevances versées au fédéral et les paiements de taxes foncières remis aux municipali­tés.

Enfin, Richard Deslaurier­s estime que les ports devraient recourir beaucoup plus au marché des capitaux, en émettant par exemple des obligation­s à long terme dont les taux d’intérêt « sont très avantageux », selon lui.

À ses yeux, les utilisateu­rs des ports devraient aussi participer au financemen­t des projets.

Par exemple, le nouveau quai multiusage­r du port de Sept-Îles – qui n’est pas encore en service – a nécessité un investisse­ment de 220 M$, dont 110 M$ qui seront assumés par les cinq sociétés qui l’utiliseron­t, soit Alderon Iron Ore Mining, Champion Iron, New Millennium, Tata Steel et Labrador Iron Mines.

Cette dernière s’est toutefois placée le 2 avril sous la protection de la Loi sur les arrangemen­ts avec les créanciers des compagnies. Selon RadioCanad­a, l’entreprise n’aurait versé que la moitié des 12,8 M$ qu’elle devait investir dans cette infrastruc­ture.

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