« Tout se joue dans les 10 premières minutes » – Jean-François Bernier, président, Alfred
Les gamins qui renversent le petit-déjeuner dans la publicité d’Hertel, le type au hautparleur qui traverse des paysages de rêve pour Sail, ou encore le gars en sarrau blanc qui fait « Ah ! Ha ! » pour Familiprix... Tout ça est signé par l’agence montréalaise Alfred, qui dit avoir gagné « 100 % des pitchs » auxquels elle a participé depuis 18 mois. Une réussite spectaculaire qui ne doit rien au hasard, comme l’explique son président.
LES AFFAIRES – Qu’est-ce qu’un bon pitch? JEAN-FRANÇOIS BERNIER – C’est avant tout une question de chimie. Il faut absolument qu’il se passe quelque chose entre nous et notre interlocuteur, presque dès le premier coup d’oeil. Quelque chose qui est de l’ordre de la séduction. De façon caricaturale, on peut voir ça comme une femme qui entre dans un bar avec l’intention de séduire et qui, si elle s’y prend bien, va faire chavirer des coeurs.
L.A. – Que doit-elle faire pour bien s’y prendre ?
J.-F.B. – Il y a les femmes qui misent tout sur un décolleté vertigineux, mais qui, selon moi, dévoilent trop leur jeu pour espérer trouver ainsi l’homme de leur vie. Nous, chez Alfred, nous ne montrons jamais ce que le client aimerait qu’on lui présente d’emblée, à savoir nos idées créatives appliquées à son cas. Car cela ne ferait que l’aguicher, et non pas le toucher au plus profond de son être : nous ne voulons pas d’une histoire d’un soir, mais d’une relation à long terme. Voilà pourquoi notre truc, c’est plutôt de miser sur l’élégance et l’attirance, bref, sur le désir.
L.A. – Une bonne présentation se limite donc à une histoire de coup de foudre ?
J.-F.B. – Non, pas du tout. Ça, c’est l’étincelle dont dépend tout le reste. Tout se joue alors dans les 10 premières minutes. En pitch, je ne me tiens jamais debout à côté d’un écran géant pour faire un show au client; je m’assieds plutôt à la table et on jase en prenant un café. C’est tout. C’est comme ça qu’on voit si on est fait l’un pour l’autre ou pas. Rien ne vaut l’authenticité, j’en suis persuadé.
L.A. – Et vous parlez de quoi ?
J.-F.B. – J’écoute surtout. Pour montrer mon intérêt. Et pour signifier que mon but premier est d’avoir une compréhension parfaite de mon interlocuteur. Puis, je lui indique subtilement que je suis à la hauteur de ses attentes, par exemple en lui dévoilant notre tableau de chasse, c’est-à-dire les réalisations d’Alfred qui correspondent à peu près à ce qu’il aimerait qu’on fasse pour lui. Ça ne loupe presque jamais, ses yeux se mettent à briller à ce moment-là. Si on arrive jusque-là, on peut considérer que c’est dans la poche.