Les Affaires

François Pouliot

- François Pouliot françois.pouliot@tc.tc Chroniqueu­r | f_pouliot

Bombardier est-elle maintenant une occasion d’achat ?

Québec au secours, le titre en vrille. À quoi les actionnair­es de Bombardier peuvent-ils s’attendre au cours des prochains mois? Et l’action est-elle maintenant à un prix intéressan­t? Bombardier a procédé à d’importante­s annonces ces derniers jours.

1) L’appui du gouverneme­nt du Québec, qui injecte 1,3 G$ dans une société en commandite pour le CSeries; 2) l’abandon du programme Learjet; 3) la radiation des deux tiers de la valeur aux livres du CSeries.

L’arrivée du gouverneme­nt du Québec aurait normalemen­t dû être saluée par le marché, étant donné l’injection de liquidités dont avait maintenant besoin l’avionneur. La radiation de valeur du CSeries de même que les nouvelles perspectiv­es à l’égard du projet sont cependant venues tout gâcher. À 1,40$, le titre est à un nouveau bas.

Paul Tellier avait raison d’avoir un « sain scepticism­e » à l’époque de la réflexion sur le lancement du CSeries. Financière­ment, ce programme aura été un échec retentissa­nt. La radiation signifie que Bombardier a perdu confiance de récupérer tout l’argent qu’elle a investi dans l’aventure.

L’arrivée de Québec vient aussi confirmer que, lorsqu’elle s’est refinancée il y a huit mois, l’entreprise a mal évalué sa situation et ses besoins financiers. La vente d’une participat­ion dans la division transport et le financemen­t de 1,1 G$ devait permettre de couvrir les besoins futurs de développem­ent du CSeries. La société a admis la semaine dernière qu’elle s’est plus tard aperçue que le marché des avions d’affaires Global 5000-6000 était en train de tomber. Elle a réduit sa cadence de production de 80 à 50 appareils, ce qui s’est traduit par des revenus futurs moindres. Conséquenc­e, le fameux manque à gagner de 1 G$.

Cela dit, avec tous ces changement­s, quel est aujourd’hui le potentiel de Bombardier?

On s’est attardé à faire le tour de chacune des divisions et à tenter de leur attribuer une valeur. L’exercice est appuyé sur les prévisions et les multiples utilisés par la Financière Banque Nationale, Raymond James et le Credit Suisse.

Les jets régionaux et le CSeries C’est la division la plus difficile du groupe. Les commandes de jets régionaux ne sont pas très bonnes. Et le nouveau partenaria­t pour le CSeries est rempli de points d’interrogat­ion.

En conférence téléphoniq­ue, la direction a indiqué que les flux de trésorerie de la société en commandite pour le CSeries (qu’elle contrôle à 50,5%) devraient atteindre l’équilibre en 2020. Elle a de même précisé qu’il lui faudrait y ajouter 1 G$ US en cours de route (qui pourrait provenir de la vente d’une participat­ion dans la division Transport ou d’un autre partenaria­t). C’est pour le moins lointain. Et incertain. Bombardier évaluait initialeme­nt le marché du créneau de 100 à 150 passagers à environ 7000 appareils sur 20 ans. Le géant montréalai­s visait une part de marché de 50 % (3 000 à 3 500 appareils). De discussion­s avec Québec et la direction, il semble que le marché en vue aujourd’hui tourne davantage autour de 5 000 à 6000 appareils.

Cette évaluation est à mettre en parallèle avec une autre, de RBC Marchés des Capitaux, qui s’appliquait récemment à recenser le nombre d’appareils de 100 à 150 passagers vendus dans les 15 dernières années. La maison projetait ensuite le résultat moyen obtenu par année sur 20 ans. Nombre total de ventes espérées : 3000.

C’est la moitié moins. Il n’est pas impossible que la demande grimpe en raison de l’arrivée d’un appareil plus performant. Il faudra vraiment que les sociétés aériennes soient charmées par le CSeries.

Pour l’instant, il vaut mieux inscrire une valeur de zéro aux activités de la division des jets commerciau­x.

La division des jets d’affaires Les jours ont déjà été plus beaux de ce côté aussi. Le projet de Learjet est totalement abandonné et, comme on l’a vu, Bombardier a dernièreme­nt réduit la cadence de production des avions d’affaires Global 5000 et 6000 de 80 à 50 appareils.

Cela dit, il se fait de l’argent ici. En adoptant la prévision 2016 moyenne pour le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissem­ent (BAIIA) des trois firmes (560 M$ US) et un multiple moyen de 8, on en arrive à une valeur de 4,5 G$, ou 2$ US par action. La division transport Les choses ont déjà été mieux ici aussi, mais elles ont déjà été pires. Bombardier veut travailler sur ses marges. Certains semblent croire que l’améliorati­on surviendra en 2016, d’autres sont moins sûrs.

Retenons un bénéfice moyen de 628 M$ US au BAIIA et un multiple de 8. C’est une valeur moyenne de 2,25$ US par action.

La division ingénierie et aérostruct­ures C’est la nouvelle division de Bombardier, qui produit des pièces pour les appareils de l’entreprise et d’autres à l’externe. L’avionneur veut augmenter ses expédition­s pour des clients externes, mais la preuve reste à faire. Il y a quand même une certaine rentabilit­é. À un multiple de 7,5, la division est en moyenne évaluée à 0,50$ US par action.

Le grand total Total global de l’évaluation des divisions ? 4,75$ US ou, une fois le taux de change compris, 6,30$ CA.

Il faut cependant retrancher la dette nette. Personne n’a vraiment le même chiffre. Mais on a retenu celle de Raymond James, à 7,2 G$ US, qui prend aussi en compte les actions privilégié­es. C’est 3,26$ US ou 4,35$ CA.

Total de la valeur actuelle des divisions de Bombardier, une fois cette dette soustraite: 1,95$ CA par action.

Tentant, mais… Avec un titre à 1,45$, ça peut être tentant.

Mieux vaut cependant être prudent. Une partie de la division Transport doit être essaimée. L’argent recueilli sera vraisembla­blement investi dans le CSeries. Mais cela ne veut pas dire que le marché accordera pour autant de la valeur à la division des jets commerciau­x, puisqu’il se pourrait, qu’au final, cet argent soit tout simplement perdu. Pendant ce temps, la division transport pourrait bien avoir perdu 20% de ses revenus et, conséquemm­ent, de sa valeur. Prenons la ponction. Ça nous ramène à 1,35$ CA. C’est sous le cours actuel (1,38$). Sans compter le fait qu’il semble encore y avoir des discussion­s avec Ottawa et la Caisse pour des injections supplément­aires. Il n’est pas clair si ces injections auraient, comme dans le cas de la division Transport, un effet négatif supplément­aire.

On éviterait le titre.

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