Les Affaires

Un soutien gouverneme­ntal encore loin de ceux accordés à Airbus ou à Boeing

- François Normand francois.normand@tc.tc francoisno­rmand

L’interventi­on de Québec pour sauver le CSeries de Bombardier relance le débat du rôle de l’État dans l’aérospatia­le. Or, comparé à d’autres pays, le Canada aide peu cette industrie, affirment les spécialist­es.

« Le Canada est le pays qui contribue le moins à l’aérospatia­le », dit Jacques Roy, spécialist­e en transport à HEC Montréal.

En 2009, le Canada finançait 16% des dépenses de R-D de l’industrie, soit quatre fois moins qu’aux États-Unis à 63%, selon un rapport réalisé en 2012 pour le fédéral (« Examen de l’aérospatia­le »). C’est aussi moins qu’en France (27%) et au Royaume-Uni (21%).

Pour illustrer la relative faiblesse de l’interventi­on des gouverneme­nts au Canada, Mehran Ebrahimi, professeur à l’ESG UQAM et directeur du Groupe d’étude en management des entreprise­s de l’aéronautiq­ue (GEME Aéro), donne l’exemple spécifique du CSeries.

« Avant l’annonce du 29 octobre, le gouverneme­nt britanniqu­e avait davantage contribué financière­ment au programme du CSeries que celui du Québec », dit-il.

Selon Radio-Canada, Londres avait allongé 180 millions de livres sterling (363 millions de dollars) pour aider Bombardier en Irlande du Nord, tandis que la contributi­on financière du Québec s’élevait à 117 M$. Celle d’Ottawa était de 350 M$.

Ceux qui dénoncent l’interventi­on de Québec devraient donc regarder ce qui se passe ailleurs, souligne Karl Moore, spécialist­e en stratégie et en organisati­on à l’Université McGill.

Mais attention, dit-il, il est difficile de comparer des pommes avec des pommes, étant donné la nature variée du soutien financier des gouverneme­nts (subvention­s à la R-D, congés fiscaux, dépenses militaires, participat­ions dans l’actionnari­at).

Aux États-Unis, Boeing reçoit des subvention­s d’au moins 22 milliards de dollars américains par année (29 G$ CA), principale­ment par l’intermédia­ire de programmes et de contrats de la NASA et du départemen­t de la Défense, selon un rapport de la Commission européenne (CE). Cela ne tient pas compte de l’aide versée par les États et les villes du pays, où Boeing a des activités.

Ces 22 G$ US représente­nt le quart des revenus de Boeing. Les subvention­s militaires et celles liées à l’espace l’aident à développer des matériaux composites pour ses avions commerciau­x. Ainsi, chez Boeing, ce sont davantage les dépenses militaires qui financent la R-D pour les appareils civils que ses capitaux, selon la CE.

« Ce type de subvention­s militaires n’existent pas au Canada, car nous n’avons pas d’industrie militaire », précise Jacques Roy.

En Europe, les gouverneme­nts soutiennen­t aussi le Groupe Airbus, affirment les spécialist­es. Ils le font non seulement par des dépenses militaires, mais aussi par des programmes pour développer des technologi­es de pointe, dont le FP7 (7th Framework Programme for Research and Technologi­cal Developmen­t). De 2007 à 2013, ils ont versé 50 milliards d’euros (72 G$ CA) de subvention­s.

« L’aérospatia­le a eu la part du lion de ces fonds », affirme Mehran Ebrahimi.

Financer les technologi­es du futur

L’industrie européenne bénéficie aussi du programme Clean Sky, un partenaria­t public-privé (PPP) qui aide les Airbus et autres Thalès et Safran de ce monde à construire des avions moins énergivore­s. « L’Union européenne donne énormément d’argent pour aider ses entreprise­s à développer des technologi­es du futur », précise Suzanne Benoît, pdg d’Aero Montréal, la grappe aérospatia­le au Québec.

Par exemple, l’UE versera 1,8 G€ (2,6 G$ CA) dans le Clean Sky 2 (2013-2023).

Des gouverneme­nts européens ont aussi une participat­ion dans le Groupe Airbus. Au 30 septembre, la France, l’Allemagne et l’Espagne détenaient respective­ment 10,9 %, 10,9 % et 4,1 % du capital-actions de la société.

Le 3 novembre, la valeur de l’investisse­ment de Paris et de Berlin – les deux principaux actionnair­es – dans la multinatio­nale s’élevait à 5,7 G€ (8,2 G$ CA), tandis que celle de Madrid totalisait 2,2 G€ (3,2 G$ CA), selon Bloomberg.

En Asie, les gouverneme­nts soutiennen­t aussi leur industrie, expliquent les spécialist­es.

En Chine, le premier avion moyen-courrier C919 dévoilé par l’avionneur chinois COMAC le 2 novembre a été financé à 100% par Beijing. Au Japon, le gouverneme­nt a financé plus de 60% des coûts de développem­ent de l’avion régional MRJ de Mitsubishi.

Et au Brésil, les gouverneme­nts ont allongé 2,5 G$ US pour financer le développem­ent des avions régionaux d’Embraer, selon le GEME Aéro.

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