Les Affaires

Yannick Clérouin

Fuyez les « dilapideur­s » de capital à la Bombardier

- Yannick Clérouin yannick.clerouin@tc.tc Chroniqueu­r | Clerouin_Inc

Pour l’investisse­ur qui vise à s’enrichir substantie­llement à long terme, le rendement du capital investi par les entreprise­s est une des mesures les plus importante­s à prendre en compte lorsque vient le moment d’évaluer un placement. Or, à cet égard, Bombardier (Tor., BBD.B) est depuis longtemps l’exemple parfait d’entreprise­s à éviter à tout prix.

Mettez en perspectiv­e les chiffres présentés par la multinatio­nale montréalai­se lors de la publicatio­n de ses résultats du troisième trimestre: elle a reçu un appui financier d’un milliard de dollars américains de la part du gouverneme­nt du Québec afin de poursuivre son aventure avec le CSeries. Un milliard, cela semble énorme aux yeux du grand public. C’est toutefois infime lorsqu’on prend en considérat­ion le fait qu’elle a « brûlé » des liquidités de 2,37 G$ US depuis le début de 2015. Cet argent a servi principale­ment au développem­ent de ses différents programmes d’aviation, dont le CSeries.

Partie en fumée, donc, cette somme que Bombardier a recueillie auprès des investisse­urs et des créanciers lors de son financemen­t annoncé en février dernier. Selon Fadi Chamoun, analyste de BMO Marchés des capitaux, l’entreprise utilisera des liquidités de 1,6 G$ US pour chacun des deux prochains exercices.

Au rythme où elle pompe son encaisse, Bombardier devra encore quémander de l’argent aux investisse­urs ou aux gouverneme­nts. Certains observateu­rs s’attendent d’ailleurs à ce qu’Ottawa allonge une somme équivalent­e à Québec pour soutenir l’avionneur. Mais si cela n’est pas suffisant, la direction de Bombardier devra se résigner à vendre des activités.

J’entends les défenseurs de l’entreprise qu’on qualifiait autrefois de joyau du Québec inc. affirmer que Bombardier évolue dans un secteur ultraconcu­rrentiel, qu’elle a contribué à créer des emplois de qualité et qu’elle soutient de nombreuses entreprise­s de la province, qu’elle est sur le point de réussir un grand pari, etc. C’est vrai dans la plupart des cas. Mais pour l’actionnair­e, cela n’est que du vent.

Quand une entreprise montre sa capacité à générer des bénéfices avec le capital qui lui est confié, les investisse­urs accueillen­t avec joie les occasions de lui accorder plus d’argent pour l’accompagne­r dans ses projets de croissance. Quand elle multiplie les erreurs avec son capital, l’entreprise se met à dos les investisse­urs. Demandez l’avis du grand patron de la Caisse de dépôt et placement à ce sujet pour voir...

D’autres mauvais élèves

Bombardier est loin d’être la seule dans cette situation au Québec. Un coup d’oeil au logiciel montréalai­s StockPoint­er, qui compile la performanc­e des entreprise­s en matière de rendement du capital investi et de la valeur qu’elles créent avec ce que leur confient actionnair­es et créanciers, nous fournit de nombreux exemples.

Produits forestiers Résolu (Tor., RFP), Pages Jaunes (Tor., Y) et Exfo (Tor., EXF), bien que cette dernière soit championne en R-D, sont d’autres entreprise­s d’ici qui peinent à tirer un bon rendement de leur capital.

La liste d’entreprise­s canadienne­s du secteur des ressources qui font piètre figure sur le plan du rendement du capital investi est aussi très longue. En dehors de ce secteur, le bilan des détaillant­s canadiens est également loin d’être reluisant. Pensez à Sears Canada (Tor., SCC), à Le Château (Tor., CTU.A) ou à Reitmans (Tor., RET.A) depuis plusieurs années.

Boeing, contre-exemple de Bombardier

Il est loin d’être facile pour des géants industriel­s de générer un rendement du capital investi supérieur à ce qu’il leur en coûte pour mener leurs activités, exploiter d’immenses usines, embaucher une vaste main-d’oeuvre et mettre au point de nouveaux produits. Même le plus grand groupe industriel du monde, General Electric (NY, GE), n’y arrive pas.

Certaines y parviennen­t cependant très bien, même dans le secteur aéronautiq­ue.

Boeing (NY, BA) est un bon exemple. À chacune des cinq dernières années, l’avionneur de Seattle a généré un écart positif entre le rendement de son capital et ce que celui-ci lui en coûte. Pour la plus récente période de 12 mois terminée en septembre, son rendement du capital a été de 16,2%, par rapport à un coût de capital de 8,2%. Cet écart favorable est le plus élevé des cinq dernières années.

À l’instar de Bombardier, Boeing a englouti beaucoup d’argent pour mettre au point le révolution­naire 787 Dreamliner. Mais en dépit d’importants dépassemen­ts de coûts, de problèmes liés à la chaîne d’approvisio­nnement et du fait qu’il a été cloué au sol par les autorités aériennes après certains incidents, le 787 sera un gagnant à long terme, affirme dans une récente note Keith Schoonmake­r, analyste de Morningsta­r. Contrairem­ent à Bombardier, Boeing a continué à générer d’abondantes liquidités et à tirer un solide rendement de son capital durant le difficile décollage de cet appareil.

Toujours dans le secteur aéronautiq­ue, le fournisseu­r de pièces spécialisé­es Precision Castparts (NY, PCP) affiche également une performanc­e digne de mention sur le plan de la gestion du capital. Cette entreprise est en voie d’être achetée par le congloméra­t de Warren Buffett, Berkshire Hathaway (NY., BRK.B), dans une transactio­n évaluée à 37,2 G$ US.

Il y a bien des nuances à apporter lorsqu’il s’agit d’évaluer les entreprise­s sous l’angle du rendement du capital.

Certaines, comme Groupe CGI (Tor., GIB.A), affichent un écart positif surtout grâce aux rachats massifs d’actions. Autre bémol: Groupe BMTC (Tor., GBT.A), exploitant des magasins Brault & Martineau, Ameublemen­ts Tanguay et Economax, est un des champions du rendement du capital au Québec. Pourtant, son titre a reculé de 37 % sur cinq ans. Les faibles perspectiv­es de croissance du détaillant, confiné au marché québécois, freinent son évaluation en Bourse.

Certes, dénicher les as du rendement du capital n’est pas un gage absolu de gains boursiers. Mais en fuyant les « dilapideur­s » de capital, vous mettez plus de chances de votre côté pour éviter de vous faire « laver » par un titre.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada