Les Affaires

Marché du carbone : les grands émetteurs passent une première fois à la caisse

- Antoine Dion-Ortega redactionl­esaffaires@tc.tc

La nouvelle est passée inaperçue, et pourtant, c’est une date décisive pour le marché nord-américain du carbone. Le 2 novembre, tous les grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES) du Québec et de la Californie devaient absolument avoir déposé dans le registre commun un nombre de droits équivalant à toutes leurs émissions pour 2013 et 2014. La pénalité en cas de non-conformité semble avoir eu un effet nettement dissuasif, puisque l’ensemble des émetteurs québécois a satisfait les exigences.

« La pénalité est très sévère, souligne Michael Garellek, avocat associé chez Gowlings à Montréal et spécialist­e du système de plafonneme­nt et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE). Je ne vois pas comment une entreprise pourrait préférer la payer plutôt que de se conformer [aux cibles de réduction]. »

Il faut savoir que les droits des émetteurs sont répartis dans deux comptes bien distincts : un compte de conformité, dans lequel les droits servent uniquement à couvrir les émissions de l’émetteur ; et un compte général, qui sert à négocier sur le marché du carbone. En vertu du Règlement sur le SPEDE, les émetteurs qui, au 2 novembre, n’auraient pas déposé suffisamme­nt de droits dans leur compte de conformité auraient été contraints de piocher dans leur compte général pour régler leur solde… mais selon un rapport de trois pour un.

La première période de conformité s’est terminée le 31 décembre dernier. Les émetteurs avaient ensuite jusqu’au 1er juin pour faire le bilan de toutes leurs émissions pour 2013 et 2014. Ces rapports ont ensuite été passés au peigne fin par des vérificate­urs certifiés. « C’est seulement une fois les rapports dûment vérifiés que les émetteurs savent vraiment s’ils ont suffisamme­nt de droits en banque », explique M. Garellek. Ces derniers mois ont donc constitué une sorte de « dernier service » pour ceux qui manquaient de droits.

Pas de fuite de carbone

Au terme de cette première période de conformité, le ministère du Développem­ent durable, de l’Environnem­ent et de la Lutte contre les changement­s climatique­s semble être parvenu à éviter les « fuites de carbone », c’est-à-dire les délocalisa­tions d’entreprise­s vers d’autres compétence­s.

En effet, certains secteurs industriel­s peuvent difficilem­ent transférer le coût du carbone dans leurs prix, en raison de marchés régionaux trop concurrent­iels. Ces entreprise­s sont donc plus susceptibl­es de vouloir sortir du marché du carbone. On pense notamment à l’aluminium, au ciment ou à la pétrochimi­e.

Pour atténuer les répercussi­ons du SPEDE sur la rentabilit­é de ces secteurs, le Québec et la Californie accordent des unités d’émission gratuites. Et le système semble fonctionne­r, croit M. Garellek. « Au Québec, la fuite de carbone n’a pas été un enjeu de politique publique », note-t-il.

Il n’en sera pas ainsi pour les distribute­urs de carburant, assujettis au SPEDE depuis le 1er janvier 2015. « Les distribute­urs ne reçoivent pas de crédits gratuits, précise M. Garellek. De plus, ils devront payer plus cher [que dans la première période de conformité], puisque le prix plancher des enchères augmente chaque fois de 5 %. Cependant, contrairem­ent aux industries, ils peuvent refiler la totalité de la facture aux consommate­urs, c’est-à-dire à ceux qui, en fin de compte, utilisent le carburant. » Et s’il est un marché insensible aux variations de prix, c’est bien celui du carburant, rappelle-t-il. « Vous n’allez pas conduire jusqu’en Ontario parce que le prix du litre y est moins cher ! »

Si on sait déjà que tous les émetteurs québécois sont conformes, un rapport détaillé sur la première période de conformité sera tout de même publié à la midécembre conjointem­ent avec la Californie, note le ministère du Développem­ent durable.

« Le rapport, indique un porte-parole dans un courriel, fera état du nombre et des types de droits d’émission remis et indiquera, pour chaque émetteur visé, si la conformité réglementa­ire a été respectée. »

Newspapers in French

Newspapers from Canada