Céragrès : un repli stratégique qui porte ses fruits
été difficiles dans les secteurs de la construction qui constituent les principaux marchés de Céragrès. Mais l’entreprise, qui en a vu d’autres, a profité de ce ralentissement pour revoir du tout au tout sa stratégie de commercialisation.
Le spécialiste de la céramique a osé le grand ménage et a réduit de plus de moitié la taille de son réseau de distribution. Des 300 points de vente dont l’importateur et distributeur de céramique pouvait se vanter il y a moins d’un an, Céragrès n’en compte plus que 125. « La décision n’a pas été facile. Et son exécution encore moins, a confié en entrevue avec Les Affaires le président-fondateur de l’entreprise de Montréal, Guy Gervais. C’est le genre de geste qui comporte des risques financiers importants. Mais après coup, je ne le regrette pas. Il fallait agir. »
Fondée il y a 25 ans, Céragrès s’est lancée dans la distribution au détail il y a 15 ans. Au fil des ans, en plus d’ouvrir six boutiques d’entreprise, à Montréal, Québec, Brossard, Ottawa et Toronto, et de développer des liens étroits avec le milieu des professionnels de l’architecture, du design et de la construction, l’entreprise s’est dotée d’un imposant réseau de distribution de 300 détaillants partenaires dans tout le Québec.
Un tel réseau se justifiait lorsque l’économie allait bon train. Les problèmes ont commencé à partir de 2013, explique le fondateur. « La commission Charbonneau et le ralentissement de la croissance des ventes ont fini par provoquer des guerres de prix entre détaillants partenaires. C’est là que nous avons constaté qu’avoir quatre détaillants partenaires dans une même municipalité comme Drummondville était devenu intenable », explique M. Gervais.
Intenable, d’abord du point de vue financier. Des ventes insuffisantes ne parvenaient plus à justifier les coûts fixes de plus de 10 000 $ (présentoirs, tablettes d’échantillons, représentations, services divers) par année que Céragrès investissait par magasin.
Intenable, aussi, du point de vue du message aux consommateurs. Une trop grande distribution créait une incohérence sur le plan de l’image de marque de l’entreprise. « Nous ne sommes pas Jean Coutu. Tu ne peux pas prétendre proposer un produit supérieur tout en étant partout à la fois, chez BMR comme dans les boutiques de décoration spécialisées. »
Jugement sans appel
C’est alors qu’est entrée en fonction, il y a un an, Dominique Bouchard à la vice-présidence, marché du détail. Directrice générale de Lacoste Canada pendant plus de 15 ans, c’est à elle que l’on doit la relance de la griffe française au pays.
Comment s’est-elle attaquée aux problèmes de Céragrès ? Essentiellement en rétablissant l’équilibre entre l’offre et la demande. Quatre mois et quelque 40 000 km de route plus tard, la nouvelle vice-présidente dénombre 175 partenaires sur 300 qui n’ont plus leur raison d’être.
Son jugement est tranchant, presque sans appel. « Ce n’est pas un travail facile, admet-elle. Avant de décider, j’ai visité chacun de nos 300 détaillants. Mais contrairement à d’autres, moi, j’adore dire non ! »
Pour ce faire, Mme Bouchard s’appuie sur un ensemble de critères, dont les résultats des ventes, la localisation du détaillant, son modèle d’entreprise, voire sa simple intuition. « Il n’y a pas d’équation parfaite », reconnaît-elle.
Un contrat de partenariat de trois ans, assorti d’objectifs de ventes minimums, a été proposé aux partenaires choisis. En échange, Céragrès en a profité pour rafraîchir ses Espaces Céragrès, des espaces-boutiques ( shop-in-the-shop) de 250 à 500 pi2, d’une valeur moyenne de 25 000 $ par magasin.
« À 300 partenaires, il est difficile d’entretenir de bonnes relations avec chacun. À 125, triés sur le volet, qui croient vraiment à la marque et sont prêts à s’investir pour elle, c’est possible, explique le pdg. Ils deviennent de vrais partenaires, plus seulement des distributeurs de tuiles, ce qui est plus satisfaisant pour tout le monde. » Ces points de vente sont situés principalement au Québec (100), mais aussi en Ontario et dans les Maritimes.