Les Affaires

Transforme­r sa passion en projet d’entreprise Démarrer dans un incubateur, un bon tremplin

- Anne-Marie Tremblay redactionl­esaffaires@tc.tc — ÉTIENNE PLAMONDON ÉMOND

En mettant de côté la pratique du droit pour créer son entreprise, Patrick Curley a choisi de défendre ses intérêts… et ceux des artistes. Dix ans plus tard, Third Side Music, sa maison d’édition musicale, gère plus de 40 000 titres et travaille avec des géants du divertisse­ment comme Apple et HBO ainsi que de grandes agences de publicité.

Pendant que l’industrie traditionn­elle de la vente de disques décline, Third Side Music fait rayonner les créateurs d’ici et d’ailleurs sur la planète. L’entreprise montréalai­se se charge de placer leur musique dans différente­s production­s : films, jeux vidéo, etc. Elle empoche de 15 à 25 % des revenus générés par ces placements. Le reste est versé aux créateurs. C’est notamment grâce à l’entreprise de 16 employés, qui a aussi un bureau à Los Angeles, qu’une pièce du groupe québécois Groenland a servi de fond sonore à une publicité pour iPad.

C’est une des petites victoires qui font la fierté de Patrick Curley, mordu de musique, musicien et cofondateu­r de la maison d’édition indépendan­te. Cet avocat de formation a pratiqué le droit du divertisse­ment à son compte pendant près de 15 ans. Sa rencontre avec Jeff Waye, alors représenta­nt de l’étiquette de disques britanniqu­es Ninja Tune, a été un moment décisif dans sa carrière.

« Il m’a confié un contrat pour le placement d’une chanson dans une publicité américaine. J’y ai tout de suite vu une occasion d’affaires. »

En 2005, les deux hommes s’associent pour fonder leur maison d’édition spécialisé­e en licences de synchronis­ation, des ententes qui régissent l’utilisatio­n de musique pour accompagne­r des images.

Faire les choses différemme­nt

Le contexte, alors que la vente de disques en magasin est perturbée par Internet, est favorable. Et il y a de la place pour faire les choses différemme­nt. Alors que les contrats traditionn­els offrent 50 % des revenus des ventes aux auteurs, ceux de Third Side Music leur permettent de toucher de 75 à 85 % du montant. De plus, les contrats de la petite maison d’édition sont d’une durée déterminée, alors qu’habituelle­ment les artistes cèdent leurs droits à perpétuité.

Mais transforme­r sa passion en entreprise n’est pas simple, a constaté Patrick Curley. Car, même si les deux partenaire­s pouvaient compter sur un solide réseau de relations et une excellente connaissan­ce de la musique, la gestion d’une entreprise dépasse cet intérêt, explique Alain Thériault, coach d’affaires et conseiller à la firme de marketing Exo B2B.

M. Thériault a longtemps travaillé avec des start-up. « Quand on démarre une entreprise, on a une tonne de décisions à prendre en comptabili­té, en marketing, etc. Pour réussir, il faut faire preuve d’humilité, repérer ses faiblesses et trouver les ressources pour y remédier. Sinon, il y a un grand risque d’échec. »

Jouer dans la cour des grands

« Notre principal défi a été de grandir assez pour rivaliser avec les plus grands de l’industrie, explique Patrick Curley. Quand on représente un catalogue de musique, il faut payer une avance aux auteurs. Au début, on ne pouvait pas se le permettre. »

Les deux associés se sont lancés avec 150 000 $ puisés dans leurs épargnes. Ils ont aussi reçu l’aide de Ninja Tune, qui leur a permis de représente­r leur catalogue, en plus d’investir dans l’entreprise. Pour commencer, Third Side Music a donc recruté des artistes prometteur­s, prêts à ne pas recevoir d’avance. Des artistes comme DJ Champion ont ainsi accepté de leur faire confiance.

« Nous signons aussi des ententes avec des créateurs qui ne sont pas “grand public” et nous travaillon­s fort pour leur dénicher des opportunit­és. Nous appelons directemen­t les producteur­s pour connaître leurs besoins et leur offrir des pièces qui leur correspond­ent. La majorité de nos ventes provient de ces démarches », explique M. Curley.

Ce qui les distingue aussi, c’est d’avoir conservé leur indépendan­ce. Un fait rare dans l’industrie, alors que même les producteur­s indépendan­ts sont souvent financés par de grandes entreprise­s, ajoute-t-il. Third Side Music a les atouts pour se positionne­r comme une petite entreprise à échelle humaine, mais qui rayonne partout sur la planète, juge Alain Thériault. C’est grâce à cette philosophi­e que l’entreprise a pu repêcher Courtney Barnett, une artiste australien­ne en vogue.

Jusqu’à maintenant, la recette semble fonctionne­r : en 2014, la maison d’édition musicale a enregistré des ventes de 4,3 millions de dollars et prévoit atteindre des revenus de plus de 6,5 M$ cette année. Marc Boscher avait déjà travaillé pour des start-up, mais n’avait jamais été à la tête de sa propre entreprise. En 2015, il a terminé le programme du Founder Institute au sein de la deuxième cohorte montréalai­se. Unito, sa PME spécialisé­e dans l’intégratio­n d’applicatio­ns pour les entreprise­s, a amorcé ses préventes et s’apprête à conclure ses premières ventes.

Le Founder Institute, un incubateur implanté à Montréal en 2014, sélectionn­e des entreprene­urs avec des projets ambitieux, principale­ment dans le domaine des technologi­es.

À la suite de son expérience, Marc Boscher considère que le principal avantage du programme réside dans ses mentors. Une soixantain­e d’entreprene­urs en série sont disponible­s pour conseiller les participan­ts. Ces mentors « sont souvent les premiers anges investisse­urs », souligne Sergio Escobar, codirecteu­r de l’antenne montréalai­se.

Implanté dans une centaine de villes dans le monde, le Founder Institute donne accès à un bassin de près de 4 600 mentors. Unito a ainsi pu établir facilement des liens avec des entreprene­urs de la Silicon Valley membres de ce réseau.

« Le processus est très structuré, contrairem­ent à beaucoup d’accélérate­urs », témoigne Marc Boscher. Chaque semaine durant la formation, des objectifs précis doivent être atteints, et des devoirs, terminés. Ce suivi serré pousse les futurs entreprene­urs à exécuter les opérations nécessaire­s après l’étape de la réflexion.

Le curriculum pour les cohortes québécoise­s a été enrichi et allongé, puisqu’une méconnaiss­ance de certaines notions d’entreprene­uriat a été observée chez les deux premiers groupes.

Le concept engendre aussi des collaborat­ions. Les projets sélectionn­és dans le programme ouvrent une partie de leur capital aux autres entreprene­urs de la cohorte. « Cela devient une fraternité où tout le monde doit s’aider, parce qu’ils sont tous coactionna­ires », dit M. Escobar. Les frais d’inscriptio­n sont de 1 250 $.

Une troisième cohorte montréalai­se amorcera le processus, d’une durée de six mois, en janvier 2016. La date limite préliminai­re pour les inscriptio­ns a été fixée au 6 décembre.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada