LES 10 COMMANDEMENTS
Les Affaires a invité 30 dirigeants et entrepreneurs québécois de tous les horizons à rédiger les 10 commandements du monde des affaires du 21e siècle. Une boussole pour guider vos décisions.
Quelle est la boussole morale qui guide la prise de décisions des gestionnaires du 21e siècle ? Pour le découvrir, Les Affaires a invité 30 dirigeants et entrepreneurs québécois – de tous les horizons – à rédiger ensemble « Les 10 commandements du monde des affaires du 21e siècle », qui se retrouvent sur l’affiche à la une de votre journal. L’événement s’est déroulé le 21 octobre, au Salon 1861, dans le quartier de la Petite-Bourgogne, à Montréal. Notre journaliste Diane Bérard, instigatrice du projet, raconte comment la réflexion s’est déroulée et dévoile le résultat. Pour imaginer cet exercice, je me suis laissé guider par la magie du lieu. J’étais certaine que le Salon 1861 allait inspirer les participants et favoriser la cocréation de 10 commandements. Mon intuition s’est révélée juste. Sitôt franchies les lourdes portes en bois, les invités se sont arrêtés. Les uns après les autres, ils ont été éblouis par la lumière d’automne qui illuminait la salle. Et émus par l’espace qu’ils avaient sous les yeux. Du coup, ils ont laissé le monde extérieur derrière la porte pour contribuer avec ouverture et générosité à l’exercice auquel nous les avions conviés.
Pourquoi Les Affaires a-t-il organisé un tel exercice? Parce qu’il y a eu la crise financière de 2008-2009. Et l’effondrement de l’immeuble Rana Plaza, au Bangladesh, qui a causé la mort de plus d’un millier d’employés du secteur du vêtement. Et Volkswagen. Et Valeant. Parce que la vie de gestionnaire est exigeante et que l’équilibre entre les attentes à court terme et les objectifs à long terme n’est pas aisé.
Sachant cela, nous avons voulu donner aux dirigeants québécois une boussole morale qui les aide à résister aux pressions et à prendre des décisions qui assurent la pérennité de leur entreprise. Et la création de richesse durable.
Nous voulions que ces commandements soient utiles. Nous ne voulions pas qu’ils demeurent de simples écrits. Nous avons donc donné aux participants la consigne d’employer des mots et des verbes signifiants et porteurs de sens. De plus, sachant que Les Affaires compte faire voyager ces 10 commandements dans toutes les entreprises du Québec, les dirigeants qui les reçoivent doivent les comprendre sans avoir participé à leur création. Et puis, chaque énoncé doit être porteur d’un contenu moral.
Cet exercice, rappelons-le, a été inspiré par les dérives éthiques des dernières années. Chaque fois que l’on parle d’éthique, c’est pour souligner son absence. On évoque l’éthique selon ce qu’elle n’est pas. Cette fois, nous avons voulu entendre parler de ce qu’elle est. C’est pourquoi les participants avaient le mandat de privilégier la forme positive en formulant leurs énoncés.
Les 10 commandements de la Bible présentent presque tous des interdictions: « Tu ne commettras pas de vol », « Tu ne commettras pas de meurtre. » Mais en quoi savoir ce que vous ne pouvez pas faire vous aide-t-il à savoir ce que vous devez faire? Le spectre des possibilités est trop vaste. On a aussi demandé aux participants de voir grand et loin. De rêver une autre façon de faire des affaires, une façon plus pérenne.
Des représentants de tous les horizons
Pour que le résultat de cet exercice soit pertinent, il fallait que les participants soient représentatifs de la diversité du tissu économique québécois. Ainsi, les 30 femmes et hommes que nous avons réunis le 21 octobre proviennent de la grande entreprise, de la PME, du commerce de détail, de la mode, des services, du secteur financier, du secteur techno, du monde coopératif et de l’entrepreneuriat social.
Ils ont travaillé en équipes de six. Nous avons pris soin d’asseoir ensemble des personnes qui ne se connaissaient pas, ou peu. Nous avons aussi veillé à mélanger les tailles d’entreprise, les missions et les stades de développement afin de susciter des échanges animés. Mission accomplie! Pas un seul temps mort. Les discussions étaient riches, parfois musclées, mais toujours respectueuses. Et surtout empreintes de curiosité. Chacun voulait en savoir plus sur les défis et l’univers des autres.
Chaque équipe était libre d’organiser à sa guise les 90 minutes dont elle disposait. Certains ont pris la moitié de la période pour faire connaissance. D’autres ont plongé tout de suite dans le feu de l’action. D’autres, enfin, n’ont pas voulu commencer l’exercice avant de poser une rafale de questions à René Villemure, l’éthicien qui nous a accompagnés toute la matinée. En bons élèves, ces participants ont voulu s’assurer qu’ils avaient bien compris leur devoir.
Peu importe la méthode choisie, toutes les équipes ont atteint un résultat qui a dépassé les attentes… Ensemble, les 6 équipes ont rédigé 30 commandements! Cela en dit long sur leur enthousiasme. Parmi ces 30 commandements, le tiers témoignait d’un souci pour le long terme. Quelles seront les conséquences de leurs décisions? Voilà la question qui habite les dirigeants lorsqu’ils s’extirpent du quotidien pour échanger avec d’autres dirigeants. René Villemure aurait donc vu juste en leur disant en ouverture de la journée : « Je sais que vous êtes bons et que vous êtes capables d’introspection ».
De ces 30 commandements, nous avons tiré, en plénière, de grands thèmes : pérennité; valeurs/ bien commun; communauté/citoyens; intégrité ; écoute; courage; confiance/doute; mesure; engagement; humilité. Il restait à appliquer un peu de magie, et beaucoup de travail, pour réduire les 30 commandements en 10. Tout cela en respectant les mots et l’intention des 30 participants.