Les Affaires

NOUVELLE SÉRIE « LES GRANDS INVESTISSE­URS QUÉBÉCOIS » : VITAL PROULX, D’HEXAVEST

– Vital Proulx, président et chef des placements, Hexavest

- Michel Van de Walle redactionl­esaffaires@tc.tc

Les grands investisse­urs

Série 1 de 5 Qui sont les grands gestionnai­res québécois ? Quel a été leur parcours ? Leur recette d’investisse­ment ? Dans une série de reportages, nous vous présentons cinq d’entre eux.

Un jour, dans l’ascenseur d’un vieil hôtel près de l’université de Princeton, au New Jersey, Vital Proulx examine une mappemonde datant des années 1920. Elle indique les cinq grands centres financiers de la planète : Londres, Paris, New York, Hong Kong et… Montréal.

Certes, la métropole québécoise n’a plus ce prestige, mais l’anecdote reflète l’attitude du président d’Hexavest. « Quand je me lève le matin, tout ce que je veux, c’est qu’on batte les marchés. À 49 ans, j’ai pour seul plan que [la firme soit] parmi les meilleures », déclare-t-il dans son bureau du 42e étage de la tour IBM Marathon, au centre-ville de Montréal.

Fondée en 2004, Hexavest emploie 45 personnes, compte 172 clients et gère près de 18 milliards de dollars dans un créneau inusité pour une firme québécoise : les actions internatio­nales.

Rien ne prédestina­it ce Longueuill­ois d’origine à la gestion de placements. « Mon père était opérateur de machinerie lourde, et ma mère enseignait au primaire. Je n’avais pas de parenté dans la finance. Mais quand j’étais jeune, je voyais un champ, un dépanneur, et je me demandais toujours combien ça valait. »

Les maths étaient sa matière forte. Après deux années d’actuariat, il effectue un bac en administra­tion à l’Université Laval. Premier emploi à 24 ans chez les Conseiller­s financiers du Saint-Laurent, où on lui proposera éventuelle­ment de développer le créneau des actions internatio­nales. « Le midi, au lunch, je ne rencontrai­s que des gestionnai­res d’actions canadienne­s. Je me suis dit que je n’aurais pas de compétitio­n. Grosse erreur ! La concurrenc­e était plus vive à cause des grandes firmes internatio­nales. »

En 1996, il fonde Cogeva avec Marc Veilleux et Denis Rivest. « On avait 35 millions de dollars sous gestion, ce n’était pas assez pour se payer un salaire. Nous étions endettés au maximum. J’avais deux enfants, Denis a dû se trouver un colocatair­e et Marc a mangé du riz pendant des semaines. »

La stratégie top-down

Pour se démarquer, Vital Proulx et ses collègues ont adopté un style fondé sur l’approche descendant­e ( topdown). Au lieu de privilégie­r les choix de titres, l’analyse est d’abord macroécono­mique : quels régions, pays, devises et secteurs sont les plus susceptibl­es de performer dans une conjonctur­e donnée. À partir du scénario mondial, les grandes décisions sont prises (p. ex., préférer l’Europe à l’Asie, l’euro au yen, l’Allemagne à la France, le secteur financier aux industriel­les, etc.). En fait, 80 % de la plusvalue espérée découle de cette stratégie top-down, et 20 %, de la sélection des sociétés. De janvier 1999 au 30 septembre 2015, leur fonds d’actions mondiales a généré un rendement annualisé de 6,2 %, par rapport à 2,9 % pour l’indice MSCI Monde.

En 1998, ils sont embauchés par Natcan, filiale de la Banque Nationale. De 300 M$, l’actif gonfle à 1,7 G$ en 2004. Cette année-là, le groupe quitte toutefois Natcan (non sans remous et litiges) pour fonder Hexavest.

On repart de zéro. Les premiers mandats viennent du Québec, mais l’équipe mise sur les États-Unis plutôt que sur le Canada pour dénicher de nouveaux clients. Pourquoi ? « Dans les actions mondiales, c’est plus facile quand on vient de l’extérieur. Et pour les Américains, nous étions de l’étranger », explique Vital Proulx. Avant de décrocher un premier mandat américain, il faudra toutefois faire… 250 présentati­ons ! C’était le paradoxe de l’oeuf ou de la poule : les clients potentiels ne voulaient pas être les premiers à se mouiller avec une firme sans parcours antérieur ( track record) aux États-Unis.

Après plus de deux ans d’efforts, Hexavest perce en 2008 grâce aux programmes favorisant les gestionnai­res en émergence. Plusieurs gros fonds de pension en ont. Les États du Maryland, de l’Oregon et de la Californie sont les premiers clients. Aujourd’hui, 43 % de la clientèle provient du Canada, 26 % des États-Unis, 6 % d’Europe, 24 % d’Asie-Pacifique et 1 % des autres marchés.

Pour servir les nouveaux clients, un dilemme se posera : ouvrir des bureaux à l’étranger ou trouver un partenaire qui a l’infrastruc­ture. « On savait gérer de l’argent, mais on n’était pas convaincus de pouvoir gérer des bureaux à l’étranger. » Une firme de Boston, Eaton Vance, les approche. Actif sous gestion : 300 G$. Hexavest a un produit qu’ils n’ont pas. Après de longues fréquentat­ions, une entente est conclue en 2012 : l’américaine acquiert 49 % et dispose d’une option pour acheter 26 % de plus en 2017.

« On ne sait pas s’ils vont exercer [leur option], mais ça ne m’inquiète pas, dit Vital Proulx. Ils sont hyperrespe­ctueux. Les firmes qu’ils ont acquises restent autonomes. La gestion, ce sont des gens. Si tu changes l’équipe, la recette, tu perds des clients. Ce que tu as acheté ne vaut alors plus rien. »

Entre-temps, il travaille bénévoleme­nt avec Finance Montréal à créer un programme de gestionnai­res en émergence au Québec, semblable à celui dont Hexavest a bénéficié aux États-Unis. « Montréal ne redeviendr­a peut-être pas comme elle était [sur la mappemonde des années 1920]. Mais on peut faire beaucoup mieux », conclut-il. Prochaine parution de cette série : le 5 décembre

Septembre 2013. Un analyste technique montréalai­s expériment­é affirme dans les pages du cahier Investir que le titre de Bombardier (Tor., BBD.B) montre des signaux positifs, ce qui laisse croire qu’il représente une occasion d’achat. Moins d’un mois plus tard, l’action touche un sommet en plus de deux ans après avoir gagné 12 %. Elle n’ira jamais plus haut. Le titre de l’avionneur vaut aujourd’hui 70 % de moins qu’au moment du commentair­e positif de l’analyste.

Chaque jour, nous sommes bombardés de prévisions. Et chaque jour, investisse­urs, chefs d’entreprise et politicien­s prennent des décisions critiques sur la base de ces anticipati­ons, sans même en connaître la fiabilité. On les appelle des experts ou on les adule parce qu’ils ont prévu avec succès la crise de 2008.

Mais ceux qui affirment que le prochain krach boursier est imminent, par exemple, sont-ils de meilleurs prévisionn­istes que le chimpanzé qui atteint le centre de la cible du jeu de fléchettes à force d’en lancer ? Et pourquoi ne pourriezvo­us pas développer vos aptitudes afin de devenir un champion de la prévision ?

Nul besoin d’avoir un titre de CFA ou un doctorat en mathématiq­ue pour être un bon investisse­ur. Cela m’a paru encore plus vrai à la lecture du fascinant livre Superforec­asting: The art and science of prediction, corédigé par Philip E. Tetlock, professeur à l’Université de Pennsylvan­ie et codirecteu­r de l’étude Good Judgement Project, et Dan Gardner, journalist­e et auteur d’Ottawa.

Il est possible de devenir un as de la prévision, à condition de suivre certains principes et d’être prêt à travailler fort. Voici quelques idées que j’ai tirées de cet ouvrage qui, adaptées aux besoins des investisse­urs, peuvent servir de fondement au plan qui vous permettra de devenir un champion de la prévision.

Ceux qui figurent parmi l’élite de la prévision suivent les nouvelles religieuse­ment et ajustent leurs anticipati­ons pour refléter tout développe- ment significat­if. Un vendeur à découvert publie un rapport incisif sur Valeant (Tor., VRX)? Évaluez le risque qui en découle et vérifiez si cela peut avoir un effet sur la valeur de l’entreprise.

Une telle attitude vous donnera un avantage majeur sur les investisse­urs qui accordent moins d’intérêt à l’actualité. Mais attention! Il ne faut pas rejeter les informatio­ns passées à la faveur des actualités les plus récentes, car elles ont toutes une valeur, insistent les auteurs. Comme c’est le cas lorsqu’on apprend à faire de la bicyclette, il faut passer de la théorie à la pratique pour devenir un pro de la prévision. Faites des prévisions, manquez votre coup, analysez vos résultats, essayez encore.

Les auteurs citent en exemple John Maynard Keynes qui, en plus d’avoir été un des plus célèbres économiste­s de l’histoire, était un investisse­ur d’exception. Sa force? Il considérai­t les échecs comme une occasion d’apprendre et de cibler de nouvelles démarches.

Les superforca­sters, la crème de la crème des prévisionn­istes, ont un avantage surprenant, affirment les auteurs : comme ce ne sont pas des profession­nels, ils accordent peu de place à l’ego dans leurs anticipati­ons. Un comporteme­nt contraire à celui de bien des financiers qui défilent sur les ondes de la chaîne CNBC, par exemple. Celui qui ne craint pas l’échec et pour qui l’ego n’est pas un obstacle peut cultiver ses capacités et ses talents afin de devenir un as de la prédiction. C’est ce qui s’appelle avoir un growth mindset, soit un état d’esprit de croissance, écrivent les auteurs, faisant référence à la méthode popularisé­e par la psychologu­e Carol Dweck.

Une grande majorité de gens limitent leur progressio­n dans un secteur donné simplement parce qu’ils croient que leurs capacités sont innées. Ainsi, à force de dire « je suis mauvais en maths », vous freinez tout apprentiss­age et stagnez. C’est ce qui s’appelle avoir un état d’esprit immuable ou fixed mindset. Rien n’est sûr à 100%. Pour passer maître dans l’art de la prévision, vous devez favoriser une façon de pensée probabilis­te comme les scientifiq­ues, plutôt que de remettre le sort des événements entre les mains du destin.

Il s’agit selon moi du principal défi à relever pour celui qui veut mieux anticiper les marchés.

Quelles sont les probabilit­és que le prix du pétrole remonte? Les théories abondent. Avant de prendre une décision de placement touchant ce secteur, répondez à la question en établissan­t vos propres probabilit­és.

Comme le soulignent les auteurs, plus les perspectiv­es à propos d’une question sont embrouillé­es, plus il est difficile de battre le fameux chimpanzé au jeu de fléchettes.

Les meilleurs prévisionn­istes, dont fait partie le Montréalai­s Brian Labatte, consacrent beaucoup d’efforts à préciser les probabilit­és qu’ils associent à un événement. Est-il presque certain que le prix du pétrole remontera, peu probable ou totalement impossible?

Bien des investisse­urs concluront à la lecture de cette chronique qu’ils n’ont pas le temps nécessaire pour devenir des champions de la prévision. Mon objectif est surtout d’éveiller votre réflexe à remettre en question toutes prévisions. Comme dans l’exemple que j’ai donné sur Bombardier. Vous augmentere­z ainsi les probabilit­és... de réaliser de meilleurs rendements en Bourse.

Bob Bek, de Marchés mondiaux CIBC, renouvelle une recommanda­tion « performanc­e de secteur ». Au troisième trimestre, Torstar a dévoilé un bénéfice avant intérêts, impôts et amortissem­ent (BAIIA) de 5,2 M$, par rapport à une attente maison de 11,9 M$. M. Bek indique que les résultats sont faibles pour l’ensemble des activités du groupe, une faiblesse amplifiée par les investisse­ments dans l’applicatio­n tablette inspirée de La Presse+. Le dividende sera amputé de 50 % à compter de mars 2016. Il établit sa cible à 6,50 $. George Doumet, de la Banque Scotia, réitère une recommanda­tion « performanc­e de secteur ». Au troisième trimestre, le détaillant d’alcool de l’Ouest canadien a dévoilé un BAIIA de 11,5 M$, par rapport à une attente maison de 13,2 M$ et un consensus de 13,8 M$. L’analyste souligne que les ventes dans les zones urbaines d’Edmonton et de Calgary continuent d’augmenter, mais qu’elles reculent dans le nord de l’Alberta. Il abaisse son cours cible de 15 à 10 $. Maher Yaghi, de Desjardins Marché des capitaux, renouvelle une recommanda­tion « conserver ». Au troisième trimestre, Bell a dévoilé un BAIIA de 2,19 G$, par rapport au consensus de 2,16 G$. L’analyste estime que, dans l’ensemble, les opérations vont bien et que Fibe continue d’améliorer les résultats de la division filaire. M. Yaghi trouve cependant que les multiples auxquels se négocie le titre sont élevés. Il établit sa cible à 58,50 $. Jenny Ma, de Canaccord Genuity, réitère une recommanda­tion « conserver ». Au troisième trimestre, Cominar a dévoilé des fonds en provenance des opérations de 0,45 $ par unité, par rapport à 0,47 $ au trimestre précédent. Jenny Ma note que les fonds en provenance de l’exploitati­on sont en baisse de 4,3 % par rapport à la même période l’an dernier. L’analyste indique que le titre de Cominar se négocie à escompte sur les autres REIT commerciau­x, mais que le différenti­el est justifié. Elle établit sa cible à 15,50 $.

Les choses ont bien changé Dix ans plus tard, les choses ont bien changé. Wal-Mart est toujours le plus important détaillant du monde, mais c’est un géant aux pieds d’argile. En 2015, pour la première fois, ses revenus devraient reculer. Et certains se demandent si on n’est pas sur le point d’assister à un nouveau K-Mart ou Sears. Que s’est-il passé? Les causes sont multiples. Dans le désordre: La concurrenc­e s’est accrue dans le secteur du commerce de détail. Sur les cendres des petits établissem­ents qu’écrasait Wal-Mart ont poussé de nouveaux rivaux, toujours petits, mais mieux outillés que leurs prédécesse­urs. Les magasins à 1$ se multiplien­t, et c’est à leur tour de voler des parts de marché. Les plus grands détaillant­s, comme Target et Costco, n’ont pas baissé pavillon et continuent à prendre plus d’espace. Le créneau de l’épicerie, dans lequel le géant américain tire aujourd’hui 55% de ses revenus, a vu apparaître des rivaux. Des épiciers comme Save-A-Lot, Grocery Outlet, Food Basics, Ruler Foods et Joe V’s réduisent les prix d’une manière qui n’était pas anticipée. Certains ne vendent que des marques privées, d’autres se spécialise­nt dans l’achat de surplus de stocks, de biens de fin de série, ou de biens dont l’emballage a été modifié. En 2005, Amazon était encore une société dont on doutait du modèle d’affaires. Elle fait aujourd’hui des milliards de dollars et gruge dans l’assiette de Wal-Mart. Au fil des ans, le détaillant semble avoir comprimé ses coûts à l’excès. Résultat: le détaillant a ajouté trop de services sous la responsabi­lité de ses superviseu­rs et a trop diminué son personnel. Y’a-t-il un remède? Wal-Mart croit que oui et vient d’annoncer un plan majeur de réinvestis­sement dans ses activités. Le plan fera reculer son bénéfice de 6 à 12%, mais, espère-t-elle, lui permettra ensuite de rebondir.

Au nombre des mesures, le détaillant a haussera le salaire horaire minimum de ses employés, qui passera de 9$ à 10$ US. Il veut aussi ajouter des Temps de se positionne­r dans Wal-Mart? Le titre se négocie actuelleme­nt à 14 fois le bénéfice de 4,08$ US par action prévu l’an prochain (janvier 2017), un recul d’environ 11% par rapport à ce que devrait être le bénéfice de cette année. La direction prévoit que son bénéfice pourrait rebondir à 5$ US d’ici deux à trois ans.

Wal-Mart demeure un géant, et la croissance est plus difficile à générer lorsqu’on a une forte taille. En postulant un multiple historique de marché de 15, c’est un titre qui pourrait se négocier à environ 75$ US sur deux ou trois ans. C’est 30% sur la période.

Pas mauvais, mais il faut que le plan fonctionne. Et la preuve reste à faire. Protéger le fort ne veut pas dire en conquérir d’autres. Le risque de recul semble limité, mais le potentiel de gain aussi.

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