Les Affaires

LÂCHER UN JOB PAYANT POUR SE LANCER EN AFFAIRES

- Anne-Marie Tremblay redactionl­esaffaires@tc.tc

« Je me suis sentie comme si j’étais sur le bord d’une falaise. Je pouvais aussi bien tomber que m’envoler. » Quand Mathilde Einhorn a décidé de quitter son emploi en communicat­ions stratégiqu­es à la Banque Nationale pour cofonder Holdur, un fabricant des sacs de cuir haut de gamme, elle a pris tout un risque.

Un virage à 180 degrés qui a été difficile. Car, en plus de lui fournir un excellent salaire, son ancien travail était très stimulant... mais essoufflan­t. « C’était du 9 à 5, mais dans les faits, c’était plutôt du 7 à 7 », se rappelle Mathilde Einhorn. C’est d’ailleurs pour ralentir le rythme que cette maman de deux enfants a décidé de mettre sa carrière en veilleuse, le temps de bénéficier d’une année sabbatique, puis d’une deuxième.

Sa rencontre avec Nicole Lefebvre, alors qu’elles étaient bénévoles à l’école de leurs enfants, a été déterminan­te. Passionnée­s de design et de mode, elles constatent que les femmes actives doivent sacrifier le style si elles veulent porter un sac à main pratique. « Le sac banane est le plus fonctionne­l qui existe, car il se porte à l’avant. On a accès à nos choses facilement, tout en ayant les mains libres. Mais, c’est aussi le sac le plus laid sur terre ! » dit Mme Einhorn.

L’idée derrière Holdur était donc née : concevoir un sac de cuir haut de gamme, se portant à la taille, avec élégance. L’entreprise a été fondée en 2013 et a commencé à vendre ses produits confection­nés au Québec en décembre 2014.

Le défi d’entreprend­re après 35 ans

Les programmes pour stimuler l’entreprene­uriat des jeunes pleuvent, mais pour les 40 ans, c’est une autre paire de manches, a constaté Mathilde Einhorn. « On s’est vite rendu compte que la majorité des programmes s’adressent aux moins de 35 ans. Comme si, au-delà de cet âge, nos projets étaient moins intéressan­ts. »

Pourtant, le bagage de compétence­s qu’elle cumule avec son associée vaut son pesant d’or, estime-t-elle. « C’est un peu comme le chat botté, quand il enfile ses bottes de sept lieues. On ne marche pas, on court ! »

Il est vrai que les subvention­s pour les entreprene­urs de plus de 35 ans sont plus rares, confirme Nathalie Plante, spécialist­e en entreprene­uriat au service de développem­ent économique de la Ville de Laval. La raison en est simple : plus on vieillit, plus on cumule des actifs et de l’épargne. Voilà qui rassure les banquiers.

Capitalise­r sur son expérience

Toutefois, le financemen­t n’est pas la seule condition de réussite d’une entreprise, ajoute Nathalie Plante. « Il faut réunir plusieurs éléments. Par exemple, se créer un système de soutien et de références sur lequel on peut compter pour combler ses lacunes. »

Et dans ce cas, les entreprene­urs plus âgés ont une longueur d’avance, estime Nathalie Plante. « Ils ont un énorme bagage sur lequel ils peuvent compter. Ils ont aussi développé un système de soutien mieux structuré, que ce soit la famille ou les amis. » C’est d’ailleurs grâce à leur système D, et à leur réseau de relations, que les deux partenaire­s ont réussi à faire beaucoup avec peu. Aux connaissan­ces de Nicole en marketing et de Mathilde en communicat­ions se sont ajoutées celles de son mari, qui travaille en finance, et celle de sa mère, avocate à la retraite.

« Tout ce qu’on pouvait faire nous-mêmes ou à moindres frais, on le faisait. Par exemple, j’ai dessiné des modèles à la main que j’ai testés sur la machine à coudre de ma fille. Nicole a monté notre plan d’affaires, etc. », ajoute la cofondatri­ce.

Le passage de Mme Einhorn dans une grande entreprise lui a aussi permis de développer de multiples compétence­s pour apprendre rapidement, convaincre et travailler sur des dossiers complexes. « Aujourd’hui, je n’ai plus besoin d’investir dans mon entreprise, mais je ne me verse toujours pas de salaire », dit-elle.

Holdur semble sur une bonne lancée : ses produits sont vendus en ligne et dans cinq boutiques à Montréal et à Toronto. Mme Einhorn a aussi amélioré sa qualité de vie. « Je travaille autant d’heures, mais comme je choisis mon horaire, je suis plus disponible pour mes filles ! »

Abandonner la sécurité d’un emploi stable pour fonder une entreprise, c’est parfois oser repartir à zéro pour réaliser son rêve. Comment se rendre à bon port sans perdre sa motivation ? Voici des témoignage­s d’entreprene­urs qui ont fait le saut.

 ??  ?? « Tout ce qu’on pouvait faire nous-mêmes ou à moindres frais, on le faisait. Par exemple, j’ai dessiné des modèles à la main que j’ai testés sur la machine à coudre de ma fille », raconte Mathilde Einhorn, cofondatri­ce de Holdur.
« Tout ce qu’on pouvait faire nous-mêmes ou à moindres frais, on le faisait. Par exemple, j’ai dessiné des modèles à la main que j’ai testés sur la machine à coudre de ma fille », raconte Mathilde Einhorn, cofondatri­ce de Holdur.

Newspapers in French

Newspapers from Canada