Les Affaires

« Le monde des affaires doit être honnête et transparen­t »

– Peter Andrew Georgescu,

- Anne Gaignaire lesaffaire­s.redaction@tc.tc

Peter Andrew Georgescu, 76 ans, président émérite de l’agence de relations publiques américaine Young& Rubicam, prêche la bonne parole partout où il va pour inciter le monde des affaires à agir selon les valeurs d’honnêteté et de transparen­ce. Pour le bien des affaires. Inquiet de voir l’inégalité salariale grandissan­te, il appelle également les entreprene­urs à prendre leur part de responsabi­lités pour la réduire. Au risque, s’ils n’agissent pas, de faire déraper le système.

– Vous avez signé plusieurs appels dans les journaux récemment, notamment dans le pour dire votre inquiétude au sujet du grand écart salarial aux États-Unis et ailleurs. Pourquoi ? PETER ANDREW GEORGESCU –

J’ai peur. Aux États-Unis, 40 % de la population dépense plus que ce qu’elle a. Si l’écart salarial se creuse, il y aura deux résultats possibles : des troubles sociaux majeurs ou des solutions, comme celle que suggère l’économiste Thomas Piketty de taxer les plus riches à 80 %. Mais cette solution ne fonctionne pas. On ne paie pas convenable­ment les employés et on n’investit pas assez dans les entreprise­s pour qu’elles soient suffisamme­nt innovantes. C’est une tragédie. Il faut faire les choses différemme­nt et rapidement, car nous avons peu de temps.

L.A. – Les pays réunis au dernier sommet de Davos ont statué que la crise globale de confiance est un problème majeur. Est-ce que l’honnêteté en affaires est la clé pour résoudre cette crise? P.A.G. –

Je ne parle pas de moralité : c’est bien de vouloir faire le bien, évidemment, mais il faut comprendre qu’introduire des valeurs dans les affaires, c’est une stratégie gagnante. Si on veut réussir en affaires, il faut avoir des valeurs et créer une culture qui les respecte au sein de l’entreprise, quelle que soit sa taille. Le plus important pour un homme d’affaires, c’est son client. Il ne faut jamais oublier cela. Or, aujourd’hui, les gens en ont assez des mensonges.

L.A. – Les leaders qui suivraient vos conseils pourraient-ils lutter contre la pression des actionnair­es, qui sont souvent attirés par le rendement à court terme? P.A.G. –

C’est une lutte! Je n’en verrai sûrement pas l’issue. Mais il faut former la nouvelle génération de leaders avec ce message, et on doit commencer maintenant. Certaines grandes sociétés le font déjà, comme Costco, Home Depot, etc.

L.A. – Vous considérez la marque de commerce comme un facteur de réussite clé dans le monde des affaires aujourd’hui. Pourquoi? P.A.G. –

Le monde est inondé de produits. La seule voie vers le succès, c’est la différenci­ation. Cela passe par l’innovation, la créativité, la pertinence. La marque de commerce doit être la promesse de produits spéciaux, qui offrent un intérêt supérieur. Dans ce cas, le consommate­ur sera plus fidèle et prêt à payer plus cher le produit. Le travail de l’entreprise, c’est de maintenir cette promesse en permanence. Construire une marque est un processus long et difficile. En revanche, elle peut être détruite très rapidement si on n’y prend pas garde.

L.A. – Justement, la conférence que vous avez prononcée à montréal portait principale­ment sur la confiance, les valeurs d’entreprise et la réputation à l’heure des nouveaux médias. Comment les entreprise­s peuvent-elles se protéger contre les commentair­es négatifs viraux? P.A.G. –

Les leaders doivent avant tout comprendre l’importance des médias sociaux, ce qui n’est pas encore suffisamme­nt le cas. Ils doivent être très présents sur les réseaux sociaux pour savoir ce qui se dit sur eux. Ensuite, ils doivent se montrer transparen­ts : quand l’entreprise a commis une erreur, il faut le reconnaîtr­e sans perdre de temps et s’en excuser. Ce n’est plus possible d’être faux aujourd’hui. Si des faussetés sont dites à propos de l’entreprise sur les réseaux sociaux, il faut rétablir la vérité rapidement. Les gens seront prêts à l’entendre si l’entreprise a toujours été transparen­te et a une bonne réputation. Pour cela, le leader doit faire en sorte que tout employé puisse prévenir ses supérieurs si quelque chose ne va pas dans l’entreprise. Il doit toujours garder sa porte ouverte et garantir à son personnel qu’il ne sera pas puni. Il vaut mieux ne pas attendre qu’une personne extérieure découvre un problème. L’avouer ou le régler permettra de faire parler de soi pendant un temps bien plus court que si une enquête gouverneme­ntale, comme dans le cas de Volkswagen, est lancée.

L.A. – Quel rôle peuvent jouer les agences de communicat­ion? P.A.G. –

Il est énorme, mais elles doivent être courageuse­s. Faire changer les choses est difficile, et la plupart des agences ne s’adressent pas au bon niveau de responsabi­lité et ne réussissen­t pas à convaincre leurs clients. Cependant, c’est en train de changer, et l’arrivée de la nouvelle génération, tant du côté des agences que des clients, devrait améliorer la situation.

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