Les Affaires

Des comptables intraprene­urs dans les cabinets

- Anne Gaignaire redactionl­esaffaires@tc.tc directrice principale chez Richter

Même en cabinet, rester enfermé dans sa tour d’ivoire n’est plus le quotidien des comptables. « J’aime me rendre dans les usines de mes clients. Cela me permet de mieux comprendre leur environnem­ent et leurs enjeux », indique Sophie Caudiu, directrice principale chez Richter, qui emploie 213 CPA à ses bureaux de Montréal et Toronto. Faire le tour des équipement­s en place lui permet de mieux saisir le processus de production et d’ainsi mieux anticiper les besoins en matière d’investisse­ment de l’entreprise. « Mes recommanda­tions sont alors plus concrètes, plus pertinente­s et ratissent plus large », dit-elle.

Se rendre sur le terrain permet aussi parfois de déceler des problèmes, comme des stocks trop importants. « Dans mon rôle de conseiller d’affaires, je peux alors accompagne­r le client pour améliorer cet enjeu. Je passerais à côté de certains détails fondamen- taux en restant dans mon bureau. »

Au sein des firmes comptables, le métier a connu le même type d’évolution qu’au sein des entreprise­s. « Aujourd’hui, il faut être proactif. Donner des conseils stratégiqu­es, anticiper les besoins des entreprise­s pour les aider à prendre les bonnes décisions permet de faire une différence », résume Sophie Caudiu.

Une profession attirante

Actuelleme­nt, les grands cabinets affrontent peu de difficulté­s pour recruter les CPA dont ils ont besoin. Il faut dire que « la profession attire beaucoup de jeunes, constate Antonello Callimaci, CPA-CA, vice-doyen aux études à l’École des sciences de gestion de l’UQAM. On s’attendait à accueillir environ 190 étudiants par cohorte au diplôme d’études supérieure­s spécialisé­es [DESS] alors que nous en avons finalement 260. »

En revanche, les firmes comptables doivent redoubler d’efforts pour attirer les jeunes diplômés, puisque le stage en cabinet n’est plus obligatoir­e. Les candidats au titre de CPA peuvent en effet maintenant faire leur stage en entreprise.

Toutefois, l’impact ne semble pas tangible sur le marché du travail. « Il est actuelleme­nt relativeme­nt facile d’embaucher des comptables de moins de cinq ans d’expérience. Toutefois, lorsqu’on recherche des profession­nels plus aguerris, c’est plus compliqué », constate Mathio Pellerin, CPA, associé chez Pellerin Potvin Gagnon, un cabinet de Victoriavi­lle qui emploie 70 personnes.

« Il y a un bon équilibre entre l’offre et la demande, confirme Sophie Caudiu. Mais nous devons rester vigilants et continuer de nous engager auprès des université­s pour recruter de jeunes diplômés. »

Un des critères importants de recrutemen­t des CPA est la capacité d’adaptation, une qualité essentiell­e pour accompagne­r les entreprise­s dans les différents milieux d’affaires qui deviennent très spécialisé­s. C’est notamment le cas des start-up technologi­ques. « C’est un domaine qui évolue très vite. On a besoin de comptables qui connaissen­t ce milieu et s’y investisse­nt. Ils doivent s’initier à de nouveaux outils comme le sociofinan­cement, qui a des répercussi­ons comptables et fiscales particuliè­res », observe Jacques Filion, associé directeur du bureau de Montréal de BDO Canada.

Sens des affaires

La profession a aussi dû s’adapter aux besoins du marché en créant de nouvelles spécialité­s. « L’augmentati­on du nombre de transferts d’entreprise­s a amené davantage de comptables à accompagne­r leurs clients dans ce processus. Certains se sont spécialisé­s dans ce créneau qui demande des connaissan­ces en fiscalité, en évaluation d’entreprise, mais aussi des habiletés psychologi­ques particuliè­res, car c’est toujours une démarche très émotive », constate Jacques Filion.

Les comptables ont également dû s’adapter à l’internatio­nalisation de leurs clients, au commerce électroniq­ue, à la juricompta­bilité face au risque de fraude et au souci grandissan­t de gouvernanc­e. Le parcours universita­ire des récents diplômés comprend désormais des notions de gouvernanc­e ou en juricompta­bilité. Les anciens qui veulent acquérir des compétence­s dans ces nouveaux domaines peuvent se tourner vers la formation continue et suivre des ateliers sur les technologi­es de l’informatio­n et des communicat­ions ou sur la gouvernanc­e des PME.

Enfin, en raison de la concurrenc­e féroce que se livrent les cabinets, les comptables ont dû également acquérir des compétence­s en développem­ent des affaires. « Les cabinets recherchen­t des intraprene­urs, des CPA qui ont la fibre entreprene­uriale et qui peuvent comprendre l’entreprene­ur et son milieu d’affaires », affirme Sophie Caudiu. Un nouveau visage du comptable en cabinet qui correspond bien aux jeunes de la génération Y.

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