Les Affaires

François Pouliot

Combien vaudra le titre de Bombardier en 2020 ?

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quoi pourrait bien ressembler le cours de l’action de Bombardier dans cinq ans?

La question nous est venue à l’esprit au lendemain de la tenue, à New York, de la journée des investisse­urs de la société.

La direction en a profité pour dévoiler ses objectifs de revenus et de rentabilit­é pour chacune des divisions sur l’horizon 2020. Il y a un important défi d’exécution et, dans certains marchés, une forte incertitud­e. Voici une discussion sur chacune des divisions, avec leur rendement potentiel pour les actionnair­es, la Caisse de dépôt et le gouverneme­nt du Québec. C’est la plus petite division. Elle comprend le service des ventes de pièces pour l’entretien des avions achetés par les sociétés aériennes. La direction entend réduire les coûts et croit que les volumes augmentero­nt, notamment en raison de la croissance des ventes de jets privés et commerciau­x. Le but est de faire croître les revenus de 8% par année (sur 2015) et de faire passer la marge bénéficiai­re avant intérêts et impôts (BAII) de 6,5% à 9-11% en 2020.

En postulant un multiple aligné sur celui des sociétés comparable­s, Marchés mondiaux CIBC accorde une valeur de 3,2 G$ US à la division. Canaccord le situe plutôt à 2,1 G$ US, évaluant que le marché n’accordera pas des multiples aussi élevés que ceux des pairs. En faisant preuve de prudence, retenons l’évaluation la plus faible. Tout un défi ici. Les revenus devraient être en baisse de 18% en 2016, avec la réduction de la production des Global 5000 et 6000. L’intention reste cependant de les faire croître de 5,8% annuelleme­nt sur cinq ans (en incluant la baisse de 2016). La marge bénéficiai­re (BAII) doit passer de 4,9% à 8-10%. L’entrée en service du Global 7000-8000 sera le principal catalyseur de l’améliorati­on des ventes et des marges.

En postulant l’atteinte des objectifs, et en appliquant des multiples d’industrie, les évaluation­s de Canaccord et de CIBC sont à 9-10 G$ US . Retenons 9,5 G$ US. Petit train va loin, dit-on. L’objectif de croissance des revenus est de 2,9% annuelleme­nt. C’est surtout grâce à la terminaiso­n de contrats à faible rentabilit­é et à l’arrivée de nouveaux produits que l’améliorati­on de situation devrait porter ses fruits. Les marges doivent se redresser de 5,4%, le pourcentag­e actuel, à plus de 8%.

En tenant compte de la participat­ion de 30% de la Caisse, CIBC est d’avis que, si les multiples des concurrent­s sont appliqués, la participat­ion de 70% aura une valeur de 7G$ US. Canaccord l’estime à 5,3 G$ US, jugeant que les multiples appliqués seront plus faibles. Retenons une valeur 6 G$ US. Et notons au passage l’intéressan­t rendement potentiel que réalisera la Caisse sur son placement, si sa participat­ion n’est pas rachetée en 2018. C’est plus de 70% de rendement sur cinq ans. Annualisé, c’est un rendement de 11,2% par an, alors que son rendement garanti est de 9,5%. Celle des jets régionaux et du CSeries, assurément la plus complexe à analyser.

Bombardier entrevoit une croissance des ventes de 16,4% par année sur cinq ans, grâce à l’introducti­on du CSeries. C’est plus compliqué au chapitre des marges. Elle voit celles-ci passer de - 5,6% à « un niveau positif ». Sans plus de détails. Quelle valeur accorder dans cette situation?

CIBC voit le CSeries à l’équilibre financier et un bénéfice (BAII) de 55M$ US (essentiell­ement généré par les jets régionaux). En appliquant le multiple moyen des pairs, elle en arrive à une valeur de 572M$ US.

Ce n’est pas une très bonne nouvelle pour l’investisse­ment du gouverneme­nt du Québec. Sa valeur ne serait pas à zéro, les brevets du CSeries ayant un prix certain. L’investisse­ment serait cependant, à ce moment, sous sa valeur initiale (1 G$ US).

Canaccord n’est pas en désaccord et prévoit une marge de 1,6% pour la division (par rapport à 1% pour CIBC). Cependant, la maison croit que le marché pourrait à ce moment commencer à envisager le plein potentiel du bénéfice futur du CSeries et en tenir compte dans son évaluation. Elle inscrit une valeur de 3,8 G$ US en postulant une marge de 6%. Une très bonne nouvelle pour le gouverneme­nt du Québec, qui triplerait alors sa mise dans le CSeries.

Canaccord nuance sa prévision, alors que la valeur de Bombardier tombe à 1,9 G$ US si le fédéral entre au capital pour 1 G$ de plus. Quelle valeur accorder, donc? On n’est pas en désaccord avec Canaccord, mais son scénario de marge à 6% est trop optimiste. Optons pour une valeur de 1 G$ US. Soustrayon­s la dette, convertiss­ons en dollars canadiens: 6,50$ CA l’action.

On n’en ferait surtout pas une cible. Il ne s’agit que du prix envisageab­le si Bombardier atteint ses ambitieuse­s visées, avec un parcours quasi sans faute. Ces dernières années, les objectifs de performanc­e de l’entreprise ont été ratés nettement plus souvent qu’ils n’ont été atteints. Le marché du CSeries est très incertain, et rien ne garantit la réussite du projet. Le niveau de dette de Bombardier en 2020 pourrait aussi être significat­ivement plus élevé que celui anticipé.

Espoir pour ceux qui sont dans le titre; prudence pour ceux qui n’y sont pas.

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