Les Affaires

Pourquoi vos opérations de marketing de contenu B2B ne donnent rien (ou presque)

- Olivier Schmouker olivier.schmouker@tc.tc @OSchmouker Suite à la page 17

L’avenir appartient plus que jamais au marketing de contenu, en particulie­r en matière de marketing B2B. Tout le monde s’accorde sur ce point, si bien que quiconque oserait ne serait-ce que nuancer cette affirmatio­n déclencher­ait l’hilarité autour de lui. Et pourtant...

Une étude récente du Content Marketing Institute a révélé que 86 % des sociétés nord-américaine­s faisant du commerce interentre­prises (B2B) recourent au marketing de contenu, mais que seulement 38 % d’entre elles trouvent cela efficace, et pis, que 21 % seulement obtiennent un rendement de l’investisse­ment. Selon l’étude, présentée lors du Sommet marketing B2B organisé par le Groupe Les Affaires en novembre, seulement 5 % de ces entreprise­s considèren­t leurs activités de marketing de contenu comme « un franc succès ».

Trop d’informatio­ns

Comment expliquer une aussi piètre performanc­e ? Essentiell­ement, par la conjonctio­n de deux phénomènes :

> L’infobésité. Le consultant américain Mark Schaefer indique dans son livre The Content Code que les informatio­ns sur le Web croîtront de 500 % au cours des cinq prochaines années. Quant à l’expert américain en marketing Chad Pollitt, il note dans The Content Promotion Manifesto que plus de 2,7 millions de billets de blogue sont mis en ligne... chaque jour !

« La production de contenu a explosé sur le Web au cours des quatre dernières années. Du coup, l’offre de contenus dépasse maintenant la demande, et les messages ne parviennen­t plus à toucher leurs cibles », a dit Alain Thériault, conseiller, stratégies, de l’agence montréalai­se Exo B2B, à l’occasion de la conférence.

> Le syndrome de fatigue des médias sociaux. Les internaute­s se désengagen­t massivemen­t des grandes marques sur les médias sociaux, surtout depuis le début de 2015. Les résultats d’une étude du cabinetcon­seil américain Forrester Research sont sans appel : les messages envoyés sur Twitter et Facebook par les grandes marques comme McDonald’s et Nike ne rejoignent plus qu’en moyenne 2 % des personnes qui les suivent, et seulement 0,07 % de ces dernières interagiss­ent encore avec ces entreprise­s. « Nous sommes aux prises avec un syndrome de fatigue des médias sociaux qui touche tout autant le B2C [le commerce avec les consommate­urs] que le B2B. Ce qui fait que les entreprise­s n’ont plus d’autre choix que de changer radicaleme­nt leurs stratégies de marketing de contenu », a précisé M. Thériault. Que faire ? Un changement s’impose, donc. Lequel, au juste ? D’après l’entreprise canadienne de télécommun­ications Telus, il convient de connaître « sur le bout des doigts » les personnes à qui on s’adresse, soit les clients actifs et potentiels. « C’est pourquoi nous avons fait une priorité de récolter le plus d’informatio­ns possible sur eux, afin d’être en mesure de dresser leurs profils », a indiqué lors du Sommet Philippe Molitor, directeur, communicat­ions marketing, de Telus Solutions d’affaires, Est du Canada.

Ces profils sont établis à partir de données non seulement explicites, mais aussi implicites. Les premières sont obtenues grâce aux informatio­ns que les clients divulguent euxmêmes (formulaire­s en ligne, etc.) ou que Telus découvre par recoupemen­ts (LinkedIn, etc.). « Cela nous permet d’avoir un indice qui nous fait dire “C’est le genre de personne avec qui nous voulons faire affaire” », a dit M. Molitor. Quant aux données implicites, elles découlent du comporteme­nt des consommate­urs lorsque Telus leur envoie un message.

« Nous regardons le nombre et la fréquence des visites qu’ils font sur nos pages de contenu, ou encore la rapidité à laquelle ils répondent à nos courriels. Cela nous permet de savoir si c’est le genre de personnes qui veulent faire affaire avec nous ou pas », a-t-il poursuivi.

Ainsi, Telus est en mesure d’une part de dresser le portrait-robot de tout client actuel ou futur en fonction de son profil profession­nel et de son intérêt envers la marque et, d’autre part, de repérer les occasions d’affaires envisageab­les avec lui. Et par suite, d’être nettement plus efficace à chacune de ses prises de contact.

« Auparavant, nous redoublion­s d’efforts pour rejoindre un étudiant de HEC Montréal qui ne répondait jamais à nos sollicitat­ions, parce nous nous disions intuitivem­ent que c’était ainsi que nous pouvions construire l’avenir. Mais notre nouvelle approche nous a démontré, chiffres à l’appui, que nous ne faisions que gaspiller temps et ressources : mieux vaut nous intéresser fortement, par exemple, aux décideurs d’une entreprise dont on sait qu’elle songe à moderniser son réseau de télécommun­ications, surtout si ceux-ci n’ont jamais marqué un grand intérêt pour nos services et produits », a dit Philippe Molitor.

Le hic ? C’est que tout le monde ne dispose pas des moyens de Telus pour gérer et analyser autant de données sur sa clientèle. D’où l’intérêt de considérer la suggestion faite par Lynda St-Arneault, présidente d’Exo B2B, pour corriger le tir à court terme : arrêter de consacrer l’essentiel de son budget à la production et la diffusion de contenus pour le dédier plutôt à la sensibilis­ation d’influenceu­rs. « C’est là la nouvelle recette du succès », a-t-elle insisté.

Un exemple frappant : Teradata. La firme américaine d’entreposag­e de données informatiq­ues a eu l’idée de concocter un livre numérique fouillé traitant d’un point sensible de l’industrie et de ne le diffuser qu’auprès d’une poignée de clients et d’influenceu­rs. Un livre, soulignons-le, qui leur a demandé beaucoup de recherches et d’analyses. Résultat ? Le document a été repris par 46 médias différents, a été imprimé plus de 3 millions de fois et a déclenché un bond de 25 % des visites sur la page d’accueil du site Web de Teradata. De plus, il a été à l’origine de 30 réunions avec de nouveaux clients potentiels et, pour finir, il a permis d’engranger des gains financiers 36 fois supérieurs aux dépenses qui lui ont été liées. Rien de moins.

« En B2B, les clients sont aujourd’hui – et le seront encore plus demain – à la recherche de conseils. En conséquenc­e, ce ne sont pas les entreprise­s qui cherchent à vendre qui brilleront à l’avenir, mais celles qui agiront comme des “concierges de contenu”, c’est-à-dire qui fourniront à leurs clients les données susceptibl­es de les aider à grandir », a dit Mary Shea, analyste principale, marketing B2B, de Forrester Research.

« Il nous faut revenir aux fondamenta­ux. Et donc, nous remettre en tête qu’en B2B, on vend avant tout de la confiance », résume Caroline Auger, conseillèr­e principale et chef d’équipe, marketing et développem­ent des affaires, de la firme canadienne de génie-conseil BBA.

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