Les Affaires

Un équilibre entre productivi­té et formation

- Anne-Marie Tremblay redactionl­esaffaires@tc.tc

Même si elles poursuiven­t une mission sociale, les entreprise­s d’insertion doivent aussi être rentables. Comment y arriver, alors que le roulement de personnel est constant et que la formation se trouve au menu quotidien ?

Maintenir le juste équilibre entre productivi­té et formation n’est pas simple. Richard Gravel, directeur général du Collectif des entreprise­s d’insertion du Québec, en sait quelque chose. Fondateur du Buffet Insère-Jeunes, une entreprise d’insertion de Montréal, il a été dans la peau du dirigeant devant jongler avec les commandes, tout en offrant un encadremen­t personnali­sé à ses troupes. « Il faut apprendre à prévoir l’imprévisib­le. Car l’imprévisib­le arrive souvent ! »

C’est d’autant plus important que la rentabilit­é est une condition sine qua non à la survie des entreprise­s d’insertion. Car, si Emploi-Québec finance toute la portion insertion, leurs revenus doivent couvrir leurs dépenses de fonctionne­ment, précise Richard Gravel. Les surplus, quand il y en a, sont investis directemen­t pour appuyer la mission de ces organisati­ons à but non lucratif. Ils pourraient servir à acheter de l’équipement plus performant, par exemple.

Au quotidien, les gestionnai­res doivent donc prévoir un plan A, B et C… Que faire si un employé s’absente sans prévenir ? Ou si quelqu’un a la motivation dans les talons ? Il faut avoir sous la main un sous-traitant capable de venir à sa rescousse, une liste de personnes à appeler en cas d’urgence, jouer sur les délais de production.

L’innovation, incontourn­able

« Si, au bout de six mois, je n’ai pas atteint mes objectifs de vente ou de placement des participan­ts, ça ne fonctionne pas. Il faut toujours arrimer les deux pour survivre », constate Maxim Lemay, directeur de la production et des ventes à l’Atelier la Cire-Constance, à Baie-Saint-Paul.

L’entreprise d’insertion accueille chaque année 24 participan­ts en parcours d’insertion. Pour y arriver, elle est toujours à la recherche de solutions. « C’est difficile d’être très précis avec des délais de livraison, alors qu’on ne connaît pas la capacité de production de notre organisati­on. » Au lieu de préparer une seule commande, il préfère répartir le tout en plusieurs envois, malgré les coûts supplément­aires. Une façon d’avoir de la latitude, sans mettre ses clients dans l’embarras.

L’innovation est aussi au coeur de Service d’entretien Pro-Prêt. Alors qu’elle se bat avec 400 concurrent­s sur l’île de Montréal, l’entreprise d’insertion spécialisé­e dans les services d’entretien ménager commercial et industriel augmente ses parts de marché chaque année. Fondée en 1988, elle compte aujourd’hui plus de 150 clients et génère des revenus de 2,5 millions de dollars.

« On n’a pas le choix d’être avant-gardiste si on veut continuer de se développer », explique le directeur général de Pro-Prêt, Marcel Leduc. Pour répondre à la demande de sa clientèle, l’entreprise a mis sur pied un programme de diplôme d’études profession­nelles (DEP) en entretien général d’immeubles avec l’École des métiers du meuble de Montréal. Un investisse­ment de plusieurs milliers de dollars qui lui permet maintenant d’offrir un service d’hommes à tout faire.

Service hors pair et impact social

Avoir grandi petit à petit et proposer un excellent service ont aussi permis à Pro-Prêt de surfer sur la croissance. « Il faut se montrer convaincan­ts, car les clients ont certains préjugés. Mais ce n’est pas parce que nous sommes une entreprise d’insertion que le travail sera moins bien fait. Au contraire ! » lance Marcel Leduc. En plus du volet insertion, Service d’en- tretien Pro-Prêt chapeaute une entreprise d’économie sociale. Ainsi, l’entreprise compte sur un bassin d’employés permanents, formés régulièrem­ent aux plus hauts standards de l’industrie. C’est d’ailleurs ce qui les distingue de la concurrenc­e : pour le même montant, les clients reçoivent un service d’aussi bonne qualité qu’au privé, ajoute Marcel Leduc. Avec, en prime, un impact social. « On met beaucoup l’accent sur la notion d’investisse­ment collectif. Car chaque sou est réinvesti dans notre mission. »

C’est aussi en misant sur la qualité de ses produits que l’Atelier la Cire-Constance a su conquérir des clients d’envergure comme Fruits & Passion, qui compte une centaine de magasins au Québec. « Étant donné que nos travailleu­rs sont en train de développer leurs habiletés, il faut trouver des moyens de contrôler la fabricatio­n pour s’assurer que le produit est conforme et répond aux standards, sans que les clients en ressentent les conséquenc­es », explique Maxim Lemay. Comme dans les grandes entreprise­s, la production fait l’objet d’un processus de contrôle régulier et rigoureux. Une véritable marque de commerce !

En plus d’offrir une première expérience aux participan­ts qui terminent un parcours d’insertion, le Projet SOL travaille d’arrache-pied pour concocter un menu biologique, local et socialemen­t responsabl­e dans ses comptoirs alimentair­es au Biodôme et au Planétariu­m de Montréal. Un modèle unique en son genre.

Fondé en 2013, le Projet SOL résulte de l’union de six entreprise­s d’insertion du domaine alimentair­e de Montréal. Elles se sont associées pour répondre à la demande d’Espace pour la vie, qui gère le Jardin botanique, le Biodôme, le Planétariu­m et l’Insectariu­m. Cette organisati­on désirait offrir des choix de repas et de collations écorespons­ables aux visiteurs de ses installati­ons, raconte le directeur général du Projet SOL, Louis-Simon Larrivée.

Aujourd’hui, les trois points de service du Biodôme et du Planétariu­m – un café, un bistro et un resto qui servent environ 140 000 clients par année – sont gérés par ce consortium.

Au moins la moitié des employés du Projet SOL, dont le total oscille entre 20 et 30 selon la période, proviennen­t d’une de ces six organisa- tions. Des personnes de tout âge, mais dont peu possèdent un diplôme d’études secondaire­s.

Ces comptoirs servent donc de passerelle entre le milieu, très encadré, des entreprise­s d’insertion et le marché du travail.

Les employés apprécient tellement leur boulot que plusieurs voulaient continuer à y travailler après leur contrat d’un an. D’ailleurs, cinq d’entre eux sont en poste depuis la fondation du projet SOL, à la fin de 2013. « Pour permettre une rotation, les nouveaux employés sont embauchés sur une période d’un an, et les autres sont permanents. Quand l’un de ces postes se libère, on l’offre à nos employés temporaire­s », explique Louis-Simon Larrivée.

Recherche constante de fournisseu­rs

En plus d’être socialemen­t responsabl­e, le Projet SOL tente de réduire au minimum son empreinte écologique. Son équipe offre un menu à 60 % végétarien et met tout en oeuvre pour qu’il y ait le moins d’emballage possible. Une préoccupat­ion qui touche aussi sa chaîne d’approvisio­nnement, précise M. Larrivée.

« Nous cherchons constammen­t des fournisseu­rs locaux qui offrent des options santé, biologique­s ou végétarien­nes. » L’entreprise en compte une dizaine, comme la ferme d’insertion D-Trois-Pierres, établie dans l’ouest de Montréal, et la boulangeri­e Arhoma du quartier HochelagaM­aisonneuve.

Pour éviter de faire gonfler la facture, l’équipe doit user de créativité, poursuit le directeur général. « Les chefs ont tendance à commander en fonction d’un menu préétabli. Nous faisons l’inverse. On demande à nos fournisseu­rs de

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