Les Affaires

DIRE NON AUX HYDROCARBU­RES, MAIS EN CONNAISSAN­CE DE CAUSE

- RENÉ VÉZINA

Il faut toujours se méfier des prévisions marteaux.

Lors du plus récent colloque Spectre, tenu à HEC Montréal au début de décembre, l’économiste en chef de la Banque de développem­ent du Canada, Pierre Cléroux, a fait sourire l’auditoire en précisant dans son allocution que les économiste­s et leurs prévisions existent probableme­nt pour mieux faire paraître celle des météorolog­ues...

En fait, il arrive souvent que l’on confonde souhaits et prévisions, ce qui altère la valeur et la pertinence de celles-ci. Les discussion­s entourant le sort des hydrocarbu­res, dans la foulée du Sommet de Paris sur le climat, en sont un bon exemple.

On doit réduire au plus vite la part des énergies fossiles dans notre mode de vie. Le consensus à cet effet se répand. Mais il semble également que ce sera davantage une affaire d’éveil aux conséquenc­es possibles que de rareté des ressources, même si certains nous annonçaien­t plus tôt le contraire.

Vous vous rappelez la théorie du pic pétrolier? On allait incessamme­nt arriver au bout des stocks de pétrole, une ressource limitée, ce qui allait bouleverse­r nos sociétés à moins d’emprunter rapidement un autre chemin.

Au Québec, on a entre autres eu droit à l’essai de Normand Mousseau, professeur de physique de l’Université de Montréal, qui a publié en 2008 Au bout du pétrole : Tout ce que vous devez savoir sur la crise énergétiqu­e, qui annonçait une crise énergétiqu­e si les gouverneme­nts ne modifiaien­t pas leurs politiques.

Depuis? On n’a jamais extrait autant de pétrole et les prix sont en chute libre.

Ah oui, les prix. Toujours en 2008, Jeff Rubin, jusque-là économiste en chef à la CIBC, lançait Why your world is about to get a whole lot smaller ( Demain, un tout petit monde: Comment le pétrole entraînera la fin de la mondialisa­tion). Il prédisait ni plus ni moins la fin de la mondialisa­tion, puisque les déplacemen­ts allaient devenir hors de prix avec un baril de pétrole à 200$ US dès 2012…

On débat aujourd’hui plus que jamais de nouvelles ententes internatio­nales tandis que, parallèlem­ent, le cours du brut s’effondre. Il n’aurait pas bougé que les échanges commerciau­x auraient probableme­nt progressé de toute façon. Le monde s’est rapetissé parce que les nations se sont rapprochée­s, pas parce qu’elles se sont isolées.

En marge du Sommet sur le climat, on voit rebondir ce genre de déclaratio­ns tonitruant­es, avec des échos ici alors que le gouverneme­nt québécois signale lui aussi la fin du recours au pétrole et au gaz naturel – bien qu’à ce dernier égard, le premier ministre Couillard se soit gardé une petite gêne en repoussant l’échéance à 2050, dans 35 ans.

C’est encore bien loin. Pourquoi ne pas simplement signaler que c’est là d’abord et avant tout une intention, indépendam­ment des questions d’offre et de demande, en précisant cependant quels pourraient être les impacts concrets dans la vie de tous les jours?

Il y aura inévitable­ment de la résistance. Toujours lors du colloque Spectre, un sondage Léger indiquait que 61 % des répondants québécois ne voulaient rien savoir de payer 50 $ de plus par mois pour une politique énergétiqu­e plus verte. Autrement dit, les gens sont d’accord avec les grands principes, mais se méfient des contrecoup­s.

C’est sur ce plan qu’il convient d’agir, en offrant une feuille de route, un parcours bien balisé, au lieu de multiplier les déclaratio­ns intempesti­ves sans réel fondement. Donnons l’heure juste en travaillan­t à rallier les indécis. À terme, c’est la politique la plus légitime et la plus prometteus­e.

Suggestion­s de lecture pour Noël

Toujours relativeme­nt à l’économie, les analyses plus globales sur l’état des choses restent toujours de mise – et moins risquées que les prévisions.

De là l’intérêt de deux ouvrages parus plus tôt cette année et qui présentent, chacun à sa manière, un regard éclairant sur des enjeux propres au Québec. Si vous cherchez à offrir en cette période des fêtes des cadeaux un peu plus judicieux, ils méritent certaineme­nt considérat­ion.

L’économie du Québec: Contexte et enjeux internatio­naux, prend la relève de la série Le Québec économique, qui était publiée jusqu’à l’an dernier par le Cirano. L’organisme demeure associé au document. L’ouvrage, une véritable somme, permet de situer les questions propres au Québec dans un environnem­ent mondial, avec force comparaiso­ns et tableaux. Le Cirano et HEC Montréal ont uni leurs forces pour présenter cette encyclopéd­ie éditée par les Presses internatio­nales Polytechni­que.

Par ailleurs, l’Institut du Nouveau Monde vient de faire paraître, en novembre, un autre ouvrage de fond, L’état du Québec 2015, qui traite notamment de la pertinence du modèle québécois tel qu’on le connaît aujourd’hui; il reprend les conclusion­s d’un grand sondage effectué par Léger selon lequel une majorité de Québécois trouvent que, dans sa forme actuelle, notre modèle ne tient plus la route. Mais comment le réaménager? C’est l’un des sujets du recueil.

Si on est plus pressé, ou qu’on préfère une perspectiv­e plus large, un petit livre paru chez Boréal en 2014, Brève histoire de l’économie mondiale, peut fort bien faire l’affaire. Écrit par l’économiste américain Robert C. Allen et traduit de l’anglais, le livre est préfacé par Pierre Fortin qui note justement: « Voici un scientifiq­ue qui écrit pour être lu et compris par des gens comme vous et moi! »

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