Les Affaires

L’ex-pdg de Cambior n’est pas inquiet pour les mines canadienne­s

- Antoine Dion-Ortega redactionl­esaffaires@tc.tc

L’industrie minière canadienne vient de saluer en grand la carrière de Louis P. Gignac, pdg de Cambior de 1986 à 2006, en l’intronisan­t à son temple de la renommée. M. Gignac rejoint des légendes du secteur, tels Edmund Horne, James Murdoch et les frères Timmins.

« C’est Brian Coates [président d’Osisko] qui a obtenu l’appui de plusieurs personnes de l’industrie et qui a préparé le dossier à mon insu, raconte M. Gignac. Quand je l’ai appris, ils m’ont simplement demandé si c’était possible, au cas où la soumission était acceptée, de ne pas refuser [mon intronisat­ion]. »

Au cours de ses 40 ans de carrière, M. Gignac a côtoyé beaucoup de ceux qu’il vient de rejoindre au panthéon: Bill James (Falconbrid­ge), Norman B. Keevil et Robert E. Hallbauer (Teck), Pierre Lassonde (Franco-Nevada), etc.

Après avoir passé quelques années chez Falconbrid­ge dans les années 1980, M. Gignac devient le premier pdg de la société Cambior, issue en 1986 de la privatisat­ion des actifs d’exploitati­on de la SOQUEM et d’une opération de financemen­t réussie sur les marchés.

La société située à Val-d’Or compte à l’époque des participat­ions de 50% dans les mines Doyon et Niobec, ainsi que dans 46 propriétés minières. M. Gignac et son équipe deviennent rapidement l’exemple le plus marquant d’une présence fran- cophone dans l’industrie aurifère. Il y restera jusqu’à l’acquisitio­n inattendue de Cambior par Iamgold en septembre 2006, qui crée alors une onde de choc dans le milieu minier québécois.

« Jusqu’en 1986, c’était des années préparatoi­res au reste de ma carrière, raconte M. Gignac. Ensuite, chez Cambior, il y a eu deux volets. Dans le premier, on développai­t en Abitibi une nouvelle mine tous les ans ou à peu près, sur des gisements qu’on avait trouvés ou acquis. » C’est le cas des mines Pierre-Beauchemin, Lucien-C.-Béliveau et Chimo (1989), Silidor (1990), Mouska (1991), Géant Dormant (1993) et ainsi de suite.

Parallèlem­ent, Cambior se développe sur un deuxième volet: l’internatio­nal. En 1990, elle prend une participat­ion de 60% dans le projet Omai, en Guyana. En 1993 et 1994, elle investit 10 millions de dollars par an dans des campagnes d’exploratio­n en Amérique latine (Chili, Mexique, Suriname, Pérou). « Ça a été tout un défi, dit M. Gignac. Mais toute cette démarche sur 20 ans me remplit de bons souvenirs. »

Il conserve toutefois quelques mauvais souvenirs, le plus pénible étant la période 1999-2000. « On avait un programme de couverture sur le marché de l’or qui protégeait notre flux de trésorerie. À un moment, les banques ont décidé de réduire notre couverture. L’or était alors à 250 ou 300$ US l’once, une période de survie. »

À cette époque, l’actif de la société fond comme neige au soleil, passant de près d’un milliard en 1995 à quelque 250 M$ en 2001. En 1999, ses pertes se sont élevées à plus de 350 M$.

Une industrie en mutation

L’industrie a connu quelques transforma­tions majeures depuis le moment où M. Gignac était chef d’équipe à la mine Brunswick, dans les années 1970: avènement d’une conscience environnem­entale et sociale, prolongati­on des délais de développem­ent, agrandisse­ment des exploitati­ons, etc.

« Mais le changement le plus important, c’est sans aucun doute l’arrivée de la Chine sur le marché des matières premières, note-t-il. En devenant la consommatr­ice de 40 à 50% de plusieurs métaux, elle a complèteme­nt changé la donne en initiant un supercycle de 10 ans, qui s’est terminé il y a deux ans. Cela a touché la stratégie de croissance de la plupart des industries, qui agissaient comme si la Chine allait continuer à consommer indéfinime­nt tout ce qu’on produisait. »

Au cours des décennies précédente­s, les acteurs étaient essentiell­ement les mêmes: États-Unis, Europe, Japon. « Une fois que tu savais ce qui se passait dans ces trois régions-là, tu avais une bonne vision de ce que le marché ferait, dit-il. Aujourd’hui, la Chine est aussi importante que ces trois régions réunies, mais on n’a aucune donnée économique fiable, les statistiqu­es sur la consommati­on sont inexistant­es ou imparfaite­s. Faire des prévisions est devenu plus risqué. »

M. Gignac juge que le prix plancher de l’or se trouve à environ 1000$ US l’once et qu’il devrait se maintenir à 1100 ou 1200$ US. « Je ne suis pas pessimiste, mais je n’entrevois rien non plus qui permettra d’assister à une remontée à court ou à moyen terme. Le dollar américain est trop fort. »

Pourtant, il ne s’inquiète pas pour les exploitati­ons moyennes du nord du Québec et de l’Ontario, qui produisent de 40 000 à 100000 onces d’or par année. « Au taux de change actuel, ce sont des mines qui performent très bien côté rentabilit­é, dit-il. L’inflation des coûts de la main-d’oeuvre et des équipement­s n’a pas été considérab­le, et les flux de trésorerie se sont beaucoup appréciés au cours des 12 derniers mois, ce que le marché ne voit pas. »

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