Les Affaires

Les banques risquent de ne plus être des titres incontourn­ables

Survol des six grandes banques canadienne­s

- Yannick Clérouin yannick.clerouin@tc.tc Chroniqueu­r | Clerouin_Inc Miser sur l’innovation suffira-t-il?

es banques canadienne­s sont depuis longtemps des titres incontourn­ables pour une majorité d’investisse­urs. Cependant, à l’instar de nombreuses autres industries, le secteur subira des bouleverse­ments majeurs qui ébranleron­t son caractère d’infaillibi­lité.

Le secteur bancaire profite depuis longtemps d’une concurrenc­e limitée. C’est particuliè­rement le cas au Canada, où les six grandes banques, le Mouvement Desjardins et une poignée d’acteurs régionaux comme la Banque Laurentien­ne (Tor., LB) et la Canadian Western Bank (Tor., CWB) se partagent la part du lion des transactio­ns financière­s des particulie­rs et des entreprise­s du pays.

Grâce à ce contexte concurrent­iel de rêve, les banques figurent parmi les championne­s du rendement du capital investi, de la rentabilit­é et des dividendes solides et croissants de la Bourse de Toronto. Dans le langage de Morningsta­r, elles ont un « economic moat » important, c’est-à-dire qu’elles possèdent de puissants avantages concurrent­iels qui découragen­t les nouveaux entrants.

Ces caractéris­tiques en ont fait des titres de prédilecti­on pour la base des portefeuil­les de nombreux investisse­urs particulie­rs et profession­nels depuis des décennies.

Cette forme d’immunité est toutefois menacée par les technologi­es financière­s, les fintech comme on les appelle dans le jargon.

« Jamais dans l’histoire nous n’avons vu autant de technologi­es progresser aussi rapidement », a dit Salim Ismail, ancien vice-président de Yahoo et ambassadeu­r mondial de la Singularit­y University, dans le cadre du Forum Fintech de Montréal, en octobre dernier.

Les banques vivront-elles leur « moment Uber » ?

Si on se fie au portrait dressé récemment par l’ancien patron de la banque britanniqu­e Barclays, Antony Jenkins, les perspectiv­es du secteur financier sont cauchemard­esques.

Selon lui, les banques vivront un « moment Uber », c’est-à-dire que de jeunes entreprise­s capables de réaliser les transactio­ns plus vite, mieux et à coûts moindres créeront une rupture des activités traditionn­elles de ces institutio­ns rigides et conservatr­ices. Cela touche tant le marché des prêts que celui des transferts d’argent et de la gestion de portefeuil­le.

Conséquenc­es de l’invasion des solutions technologi­ques dans le secteur financier ? La rentabilit­é de certaines activités chutera de 60%, tandis que le nombre d’employés de certaines institutio­ns risque de diminuer de moitié, a averti Antony Jenkins.

De par sa taille et sa rentabilit­é, le marché des services bancaires est très alléchant et suscite la convoitise d’un nombre croissant de nouveaux acteurs aidés par l’essor des nouvelles technologi­es. Apple (Nasdaq, AAPL), Google (Nasdaq, GOOG), Facebook (Nasdaq, FB) et Amazon (Nasdaq, AMZN) accélèrent le pas pour percer ce secteur, en facilitant par exemple les paiements et les transferts d’argent.

Ces géants technos ne sont pas les seuls à vouloir manger le pain des banques traditionn­elles. Une kyrielle de sociétés émergentes surfent sur la vague qui transforme l’industrie financière, comme PayPal (Nasdaq, l’outil de paiement Square (NY, SQ), le prêteur entre particulie­rs Lending Club (NY, et le gestionnai­re de portefeuil­les bon marché Nutmeg. Jouant sur le mode défensif, les banques canadienne­s repensent leur stratégie. Brian J. Porter, pdg de la Banque Scotia (Tor., BNS), a longuement parlé des bouleverse­ments qui touchent l’industrie dans le dernier rapport annuel de l’entreprise. M. Porter et les administra­teurs de la Scotia se sont rendus dans la Silicon Valley pour prendre le pouls de la petite révolution qui frappe l’industrie financière.

Il y a un « risque réel » que ces nouveaux entrants provoquent une rupture du modèle bancaire traditionn­el, a admis le patron de la Banque CIBC (Tor., CM), Victor Dodig, dans une entrevue à Canadian Business il y a quelques jours. La CIBC accélère donc l’innovation – elle vient de lancer un nouveau service mondial de transfert d’argent –, réduit ses coûts et tente de se rapprocher davantage de ses clients.

Les dirigeants des banques canadienne­s ont commencé à répliquer à la menace des fintech. La Scotia a créé en octobre dernier une « manufactur­e numérique » qui réunit 350 salariés, dont la mission est d’innover afin d’améliorer le service à la clientèle.

Cela peut en rassurer certains, mais comme investisse­ur, vous devez garder à l’esprit qu’en plus de la situation économique difficile du pays et de la fin de l’âge d’or de la croissance du crédit, les banques doivent composer avec une concurrenc­e qui s’intensifie­ra.

Par ricochet, la croissance de leurs bénéfices, le rendement du capital investi et leur évaluation en Bourse risquent d’être plus faibles que par le passé. La croissance des dividendes ralentira aussi certaineme­nt.

Dans un rapport publié au début de novembre, Peter Routledge, analyste de la Financière Banque Nationale, a mentionné que la menace des fintech force les banques à investir à un moment peu propice. Cette nouvelle donne réduit les perspectiv­es de rentabilit­é des banques, pense-t-il.

Tout cela me fait croire que, d’ici quelques années, les titres bancaires pourraient ne plus être autant les valeurs incontourn­ables qu’ils ont déjà été pour bien des investisse­urs.

Tim Casey, de BMO Marchés des capitaux, hausse sa recommanda­tion à « surperform­ance ». L’analyste indique que le titre du distribute­ur montréalai­s de services musicaux a reculé de 10 % au cours des deux derniers trimestres et se négocie maintenant sous son prix d’émission. M. Casey croit que le potentiel de l’entreprise à générer des bénéfices a plutôt augmenté pendant cette période, notamment en raison de l’évolution favorable du taux de change sur certains marchés. Il hausse sa cible de 8 à 9 $. Paul Trussell, de Deutsche Bank Securities, réitère une recommanda­tion « conserver ». Le détaillant américain a annoncé la fermeture de 269 établissem­ents partout dans le monde, dont 154 aux États-Unis. L’analyste note que les fermetures, dans leur ensemble, représente­nt moins de 1 % de la superficie des succursale­s de la société. Il croit que ces fermetures rendront plus difficile l’atteinte de l’objectif de croissance des ventes comparable­s de 3 à 4 % en 2016. Sa cible passe de 63 à 62 $ US. Adam Shine, de Financière Banque Nationale, renouvelle une recommanda­tion « performanc­e de secteur ». L’imprimeur et éditeur de Les Affaires a signé une entente de cinq ans afin d’imprimer le Toronto Star. Cette entente prendra effet en juillet. M. Shine indique que l’impression se fera à l’usine de Vaughan, en Ontario. L’analyste estime que l’entente pourrait générer des revenus annuels de 15 M$, ce qui pourrait créer une valeur par action de 0,20 $. La cible est maintenue à 22,50 $. Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, réitère une recommanda­tion « performanc­e de secteur ». Le voyagiste montréalai­s a annoncé qu’il vendait ses activités en France et en Grèce. L’analyste n’a pas été très étonné de la mise en vente des deux divisions, en ce qu’elles n’étaient plus au coeur des activités de Transat depuis quelques années. M. Doerksen pense que l’entreprise veut davantage développer son réseau hôtelier dans les Caraïbes. Il maintient sa cible à 8,50 $.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada