Les Affaires

Pétrole : le moment est-il venu ?

-

e titre semblait un peu alarmiste et on avait en fait hésité avant d’en coiffer la chronique : « Pétrole, vers l’apocalypse ». C’était à la mioctobre, le prix du baril de pétrole West Texas Intermedia­te (WTI) se promenait alors légèrement sous les 50 $ US. Le pronostic : d’ici quelques semaines, il sera à 30$ US. Eh bien, nous y sommes. La prévision n’était pas la nôtre (même si on l’endossait). C’était celle de Josef Schachter, de Maison Placements Canada, l’analyste qui, depuis plusieurs mois, est probableme­nt celui qui a le mieux anticipé le marché pétrolier.

« Plongeon culminant du prix du pétrole en cours, soyez prêts à réagir », écrivait quelques jours avant Noël M. Schachter dans un commentair­e, en invitant les investisse­urs à se préparer à se positionne­r sur une série de titres lorsque leurs cours atteindrai­ent un prix d’achat prédétermi­né. Pour plusieurs de ces titres, le prix d’achat recommandé est aujourd’hui atteint ou sur le point de l’être. Le moment serait-il venu?

Une parenthèse

Une parenthèse avant d’aller plus loin.

La meilleure façon d’investir dans le secteur pétrolier serait d’acheter des barils de brut, par l’intermédia­ire d’un fonds négocié en Bourse (FNB) dont la valeur des actions s’appuierait sur la valeur de barils entreposés un peu partout dans le monde.

Malheureus­ement, c’est un investisse­ment qui n’existe que dans la théorie. Contrairem­ent à l’or et à quelques autres métaux, il n’y a pas de FNB dont la valeur est établie par la détention physique de barils de pétrole. Probableme­nt parce que les risques de destructio­n et de perte physique de l’actif seraient trop coûteux à assurer. Il existe des FNB qui utilisent les contrats à terme, comme l’United States Oil Fund ( USO, 8,76$ US). Ces produits financiers sont cependant conçus pour reproduire les mouvements à court terme du prix du baril. Ils échouent lamentable­ment à corréler un rendement à plus long terme. Il y a même un risque élevé d’enregistre­r des pertes sur ces produits lorsque la courbe des contrats à terme ( futures) est en ascension, ce qui est le cas actuelleme­nt.

Parenthèse fermée pour constater que l’instrument le moins complexe pour jouer les sociétés est soit un fonds de sociétés pétrolière­s, soit l’investisse­ment direct dans les sociétés.

Voyons de plus près la suite des choses. Avec quelques questions en rafales. 1. Le pétrole remontera-t-il? Il n’y a aucun doute là-dessus. À 30$ US le baril, peu de producteur­s pétroliers dans le monde font encore de l’argent. Plus l’or noir demeurera longtemps à ce niveau, plus le nombre d’arrêts de production sera important. Il y a une limite à changer quatre trente sous pour deux trente sous. Les sociétés ne mettront pas en production des puits qui ne sont pas rentables. Et, ultimement, les banques rappellero­nt les prêts des sociétés dont les puits ne sont pas rentables actuelleme­nt, mais qui roulent sur des encaisses et des lignes de crédit encore disponible­s dans l’espoir que le prix se redressera. 2. À combien le pétrole peut-il remonter? Une bonne question. Certains estiment que le prix du pétrole doit être à 45$ US pour amener un bénéfice aux sociétés en exploitati­on dans les deux plus importants champs du schiste texan, le Permian Basin et Eagle Ford. C’est un prix minimal. Mais il y a de la production à plus haut coût ailleurs dans le monde. L’écart actuel entre l’offre et la demande n’exige pas un énorme retrait de capacité. Sur une production mondiale moyenne de 57,1 millions de barils chez les pays non membres de l’OPEP (on présume que les pays membres ne réduiront pas leur production), c’est de 0,8 à 1,8% de la production qui doit cesser. Il est assuré que, même lorsque les prix auront remonté à 45$ US, il y aura encore nettement plus que 1,8% de la production mondiale dont les coûts seront supérieurs à ce prix. Cette production ne sera pas plus soutenable à long terme, faute de rentabilit­é. Sur la base du raisonneme­nt, M. Schachter croit que le pétrole remontera éventuelle­ment à 70$ US le baril.

3. Cette remontée se fera-t-elle en 2016 ? Et, si oui, jusqu’où?

La grande question. Jusqu’à maintenant, l’interrogat­ion était du côté de l’offre. Quand celle-ci diminuerai­t-elle? À 30$ US le baril, il y a fort à parier qu’elle va effectivem­ent reculer au cours des prochains mois.

En raison des problèmes que connaît la Chine, l’interrogat­ion vient cependant de se transporte­r du côté de la demande. Si la production baisse, mais que la demande suit également, le problème ne sera pas réglé pour autant.

Dans les différents scénarios de croissance de la demande (OPEP, AIE, etc.), la Chine représente environ 25% de la croissance prévue.

Il y a aussi le fait que les stocks pétroliers sont très élevés dans le monde. Et qu’il faudra du temps pour qu’ils reviennent à des niveaux plus normaux. Le doute pourrait subsister pour un temps dans le marché, même lorsque l’offre et la demande reviendron­t à l’équilibre. Il faudra peut-être que ces stocks baissent avant que les prix ne rebondisse­nt sensibleme­nt.

Quand même, un rebond à 40$ US semble fort possible pour la fin de 2016. Et, bien qu’il faille être prudent avec le raisonneme­nt (les production­s anticipées peuvent avoir changé), une comparaiso­n entre le cours d’aujourd’hui des titres de l’univers de Maison Placements et leur cours au moment où le brut était à 40$ US laisse entrevoir des potentiels de gains élevés dans plusieurs cas (de 15% à 50%).

À chacun de faire ses devoirs et d’évaluer les risques. Il va de soi qu’une société plus endettée comme Encana offre aujourd’hui plus de potentiel de rebond, mais aussi plus de risques qu’une société comme Imperial Oil.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada