La survie des grandes entreprises dépend des intrapreneurs
— L’époque où les grandes entreprises croyaient se renouveler en embauchant de récents titulaires de MBA est révolue. Forcées à évoluer plus rapidement que jamais, elles recherchent désormais des intrapreneurs, et tous les moyens sont bons pour ce faire. Entre autres choses, elles achètent des start-up pour mettre la main sur leurs employés, créent des programmes d’innovation à l’interne et cherchent à embaucher des intrapreneurs.
« On ne veut plus embaucher des gens qui vont juste faire ce qu’on leur demande de faire, on veut embaucher des gens qui vont aider à moderniser l’organisation, prendre des initiatives et sortir des sentiers battus », dit Louis Jacques Filion, titulaire de la Chaire d’entrepreneuriat Rogers–J.-A.-Bombardier à HEC Montréal. Selon lui, c’est parce que les grandes organisations n’arrivent plus à évoluer aussi rapidement que leurs marchés qu’elles sont de plus en plus nombreuses à se tourner vers l’intrapreneuriat.
Radialpoint, une société montréalaise de 80 employés offrant des systèmes informatiques de gestion de centres d’appels, a expérimenté l’intrapreneuriat en 2014 pour croître dans de nouveaux marchés. Elle embauche alors Mike Gozzo, un entrepreneur qui venait de vendre sa start-up, et lui donne presque carte blanche pour élaborer un produit.
Son idée était de créer un produit lié au créneau du service à la clientèle adapté à l’ère des applications mobiles. Sans surprise, c’est la messagerie qui a été retenue comme canal de communication, et Smooch, le produit créé par Mike Gozzo, compte aujourd’hui six millions d’utilisateurs. Son ascension a été si rapide que Radialpoint a décidé d’essaimer le projet en novembre 2015. Baptisée Smooch Technologies, la start-up de 14 employés a récemment emménagé dans ses propres bureaux à Montréal.
Briser les règles
Il y a une raison pour laquelle de grandes organisations, qui ne sont pourtant pas à court de capital ni d’employés intelligents, ne parviennent pas à se renouveler. Il s’agit de la rigidité de leurs processus qui, s’ils sont essentiels à la bonne conduite de leurs activités normales, peuvent tuer dans l’oeuf de nouvelles initiatives.
Mike Gozzo en a rapidement fait l’expérience chez Radialpoint. Exaspéré par la lenteur du processus mis en place pour lancer un site Web qui impliquait une agence externe, il a pris les choses en main: « Je suis sorti du bureau, j’ai acheté un nom de domaine et j’ai lancé le site Web moi-même, dit-il. Après quelque temps, il y avait un trafic important et des gens qui demandaient le produit sur lequel on travaillait. »
Une autre organisation aurait pu le licencier pour moins, mais Mike Gozzo n’a jamais perdu le soutien de son employeur, malgré son style abrupt. « Au début, je me suis fait taper sur les doigts à plusieurs reprises pour avoir été cowboy; je ne demandais pas la permission, mais je me justifiais avec les résultats », explique-t-il.
Cette capacité à faire cavalier seul est une caractéristique clé de l’intrapreneur qui, immanquablement, se retrouvera en conflit avec l’organisation qui l’accueille. « Dans la plupart des organisations, les intrapreneurs sont des gens qui font des choses malgré l’organisation », reconnaît Louis Jacques Filion, de HEC Montréal.
Programmes structurés
L’intrapreneuriat fait aussi son chemin dans de très grandes organisations, comme Desjardins. La coopérative financière n’est probablement pas le meilleur endroit pour briser les règles : non seulement elle oeuvre dans un secteur très réglementé, mais elle compte pas moins de 45 000 employés. Cela n’a pas pourtant empêché Jean-Sébastien Pilon, qui a été recruté comme directeur principal de la sécurité en 2010, de mettre en place plusieurs initiatives ayant peu à voir avec son poste. Si bien qu’il porte désormais le titre de directeur principal de la sécurité… et de l’innovation.
Il faut dire que M. Pilon ne compte pas ses heures. Lorsqu’il n’est pas en train de courir un marathon, il passe de nombreuses heures au Desjardins Lab, un laboratoire d’innovation situé au Complexe Desjardins lancé en décembre dernier.
Comme un nombre grandissant d’organisations, Desjardins souhaite soutenir davantage ses intrapreneurs avec son Lab, qui occupera sous peu d’autres bureaux à la Maison Notman, à Montréal. L’initiative de Desjardins n’est pas unique. Dans les faits, plusieurs organisations souhaitent se rapprocher des start-up afin de stimuler leur capacité à innover. Certaines mettent sur pied des incubateurs corporatifs, tandis que d’autres acquièrent des start-up afin de mettre la main sur leurs employés.
Ces initiatives peuvent aider, mais elles peuvent se révéler inutiles si l’intrapreneuriat n’est pas ancré dans la culture de l’entreprise: « Les pratiques d’intrapreneuriat doivent faire partie intégrante de la culture d’une entreprise pour qu’une start-up puisse s’y arrimer », estime Guillaume Hervé, auteur du livre Winning at Intrapreneurship: 12 Labors to Overcome Corporate Culture and Achieve Startup Success.
Desjardins Lab, qui a établi des partenariats avec les accélérateurs Hacking Health et InnoCité MTL, poursuit justement cet objectif. En effet, son mandat est de transformer les idées des employés de Desjardins en prototypes, puis en produits, en utilisant une méthodologie propre au milieu des start-up.
« La vision, c’est que celui qui soumet une idée, on puisse l’outiller avec une équipe pour concevoir un produit minimum viable en moins de quatre semaines », explique Jean-Sébastien Pilon. Vous avez dit agilité?
D.B. – Le fait d’être une entreprise sociale influe-t-il sur votre relation avec vos clients? S.C.
– Je crois que oui. Notre mission sociale nous rend davantage partenaires avec eux. Et puis, soyons francs, nous contribuons à leur image et à leur action de RSE [responsabilité sociale d’entreprise]. D’ailleurs, nous fournissons un rapport de RSE à nos clients. Ils peuvent inclure les mandats qu’ils nous accordent dans la réduction de leur empreinte carbone, leur implication sociale, ainsi que leur gestion responsable des ressources naturelles. De grandes sociétés comme Total apprécient beaucoup notre service et sa contribution à leur RSE. Nous sommes au coeur d’un cercle vertueux.
D.B. – Vous avez déjà dit que l’entrepreneuriat social, ce n’est pas de la charité... S.C.
– Je suis avant tout un entrepreneur. Mais la place de l’humain et le sens de ma démarche importent aussi.
D.B. – Et quelle place la croissance occupe-t-elle? S.C.
– La croissance importe pour tout entrepreneur. Elle compte encore plus pour l’entrepreneur social, parce que la croissance de mon entreprise signifie la croissance de mon impact social. Mais ce qui importe le plus, et qui assure la pérennité et la croissance d’ATF Gaia, c’est que nos clients nous choisissent d’abord pour notre performance professionnelle.
D.B. – Vous avez diversifié vos activités récemment. Racontez-nous. S.C.
– Depuis deux ans, nous ne nous cantonnons plus dans le recyclage et la remise en état des ordinateurs en fin de vie. Nous offrons aussi le service de maintenance ainsi que la préparation des machines neuves pour les employés. De plus, nous avons des techniciens qui offrent du soutien au téléphone.
D.B. – Qu’en est-il de vos projets de diversification géographique? S.C.
– Nous voulons étendre notre modèle en France et peut-être dans les pays européens limitrophes. L’automne dernier, nous avons racheté une entreprise de Toulouse qui offre le même service que nous. Nous allons la transformer en entreprise sociale.
D.B. – La Fondation Schwab et le Boston Consulting Group vous ont choisi comme Entrepreneur social de l’année. Pourquoi? S.C.
– Il fallait répondre à trois critères: avoir un impact social; avoir un modèle d’entreprise pouvant être reproduit ; avoir un modèle économique qui ne dépende pas des subventions gouvernementales. L’aide de l’État ne compte que pour 5% du chiffre d’affaires d’ATF Gaia; le reste vient de nos revenus récurrents. Ce sont nos contrats qui assurent la pérennité de l’entreprise. S.C. – Nous proposons de la formation aux futurs employés. Chaque année, nous donnons près de 700 heures de formation. Nous repérons les besoins futurs du marché et nous permettons à des personnes handicapées de les acquérir pour développer leur employabilité. Notre but consiste à sécuriser le parcours professionnel de nos employés en les professionnalisant. Nous avons également développé des partenariats pour améliorer la qualité de vie des personnes fragilisées: organisation de modes de transport, aide pour trouver des logements adaptés et facilitation de l’accès au crédit.
D.B. – Ce prix d’Entrepreneur social de l’année, en quoi consiste-t-il? S.C. –
D’abord, c’est l’occasion de maximiser la visibilité de notre projet. Et puis, nous avons accès à un réseau formidable. Ainsi, nous avons été invités à participer au Forum économique mondial régional en Europe ainsi qu’au Forum économique des nouveaux champions, en septembre dernier, à Dalian, en Chine. Ce forum est organisé par Klaus Schwab, créateur de la Fondation Schwab qui remet ce prix. Ce forum réunit 1500 personnalités du monde de la science, de la technologie, des affaires et de la politique. Enfin, ce prix nous donne accès à l’expertise de cinq consultants du Boston Consulting Group pendant six semaines. Ils vont nous aider à peaufiner notre stratégie et à définir les prochaines étapes de notre croissance.
D.B. – Parlons de vos employés. Plusieurs n’ont pas travaillé depuis de nombreuses années... S.C.
– En effet, certains n’ont pas travaillé depuis 5, voire 10 ans. Comme ils se trouvent éloignés du marché du travail, la société les réduit à leur statut de personnes handicapées. Et ils en arrivent à se définir ainsi eux-mêmes. En leur apprenant un métier, on les aide à se voir « capables » à nouveau. Ils retrouvent une fierté, une confiance en eux.
D.B. – À quoi mesurez-vous la réussite de la réinsertion de vos employés? S.C.
– Je sais que nous avons réussi chaque fois qu’un de nos employés recommence à faire des projets de vie. Ils élaborent des plans de vacances. Ils songent à s’acheter une propriété. Ou bien ils amorcent une vie de couple.
L’entreprise Thirau de Victoriaville a obtenu d’Hydro-Québec un contrat de plus de 8,4M$ pour la construction en Gaspésie d’une ligne à haute tension qui reliera un parc éolien au réseau de la société d’État. Thirau construira une ligne de 230 kilovolts longue de 25 kilomètres. « Cette ligne reliera le parc éolien Mesgi’g Ugju’s’n (Grand vent), qui se situe dans la Baiedes-Chaleurs près de la frontière du Nouveau-Brunswick, au réseau de transport d’Hydro-Québec. Elle devrait être en fonction à l’automne 2016 », a précisé Anick Dumaresq, porte-parole d’Hydro-Québec. Le parc éolien de 150 mégawatts, émanant d’un partenariat entre les communautés micmaques de la Gaspésie et Innergex énergie renouvelable, produira de l’électricité pour les besoins de 30 000 résidences.