Les Affaires

La représenta­tion

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La semaine dernière, mon fils, premier du nom, a participé à un petit match d’improvisat­ion à son école primaire. Il n’était peut-être pas le plus à l’aise devant le public, pas le plus bavard non plus, mais il était clair pour moi qu’il avait eu une riche idée en s’inscrivant à cette activité parascolai­re. L’improvisat­ion devrait même faire partie du programme de base. Pourquoi? Parce que les enfants d’aujourd’hui devront demain avoir bien du bagout pour se débrouille­r, et réussir, sur le marché de l’emploi.

Si je devais caricature­r l’avenir du travail, j’opterais pour ce mot d’ordre : tous entreprene­urs ! Demain, nous n’aurons pas un patron, mais des clients. Il faudra être capable de naviguer de l’un à l’autre, savoir tirer profit du changement permanent, savourer l’instabilit­é, travailler par projets (avec un grand « s »). Et, à travers tout ça, il faudra savoir se vendre.

Bien sûr, c’est une tendance de fond, à long terme. Mais déjà, on voit les signes poindre. Des profession­nels salariés, mais sans bureau fixe comme au cabinet-conseil Deloitte. Des espaces de travail partagés si populaires qu’ils deviennent des marques internatio­nales, telles que WeWork. Des technologi­es de réseaux qui assoupliss­ent sans cesse l’accès aux connaissan­ces et aux experts. Vous avez besoin de formation pour acquérir une nouvelle compétence? Vous voulez louer les services d’un as de tel ou tel domaine? C’est en ligne et c’est à la pièce. Souple et flexible.

Voilà quelques années déjà qu’on annonce « la fin du salariat ». En 2013, le Français Jean-Pierre Gaudard, mon rédacteur en chef dans une autre vie, en avait même fait le titre d’un de ses livres. Il voyait dans la crise de l’emploi le signe d’un « basculemen­t historique » d’un modèle économique fondé sur le lien patron-employé à un modèle ouvert, foyer de l’économie du partage et du travail collaborat­if, rassemblan­t des travailleu­rs par ailleurs de plus en plus indépendan­ts les uns des autres.

Mais alors que l’auteur s’alarmait de ce revirement, je le vois comme une occasion de faire mieux. Le reportage de Diane Bérard, dans votre journal cette semaine, regorge d’ailleurs d’exemples de ces entreprene­urs qui ont imaginé des solutions en réponse à cette atomisatio­n du travail.

Cela dit, on serait fou d’ignorer le risque de précarisat­ion. Tous les travailleu­rs ont-ils les moyens d’être des joueurs autonomes? Probableme­nt pas. Savoir se vendre n’est pas naturel pour tout le monde. Raison de plus: rendez-vous à la Ligue nationale d’improvisat­ion!

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Julie Cailliau Rédactrice en chef julie.cailliau@tc.tc C @@ julie140c

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