Les Affaires

Les 3 défis du nouveau secteur de l’impact social

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Le cabinet d’avocats McMillan et le cabinet comptable Richter visent la certificat­ion BCorp, un sceau qui atteste qu’une entreprise accorde autant d’importance à son impact social et environnem­ental qu’à son impact financier. Il existe 1 713 organisati­ons certifiées B Corp, dont une dizaine au Québec.

Ce mouvement ne cesse de croître. Ajoutons les entreprise­s qui comptent sur un service ou un directeur de la responsabi­lité sociale. Ajoutons aussi les entreprise­s sociales, cette forme émergente d’organisati­ons créées dans le seul but de résoudre un problème social ou environnem­ental.

C’est clair : le secteur privé veut élargir son carré de sable. Il explore d’autres formes d’impacts, en plus de l’impact financier. Ses motivation­s : satisfaire les aspiration­s de ses jeunes employés des génération­s Y et Z et réagir à la pression de la communauté, et même de certains actionnair­es.

La philanthro­pie aussi évolue. Poussées par le désengagem­ent de l’État, la concurrenc­e du secteur privé, les nouveaux besoins des bénéficiai­res et une nouvelle génération de dirigeants aux commandes, les fondations se perçoivent moins comme de purs donateurs. Centraide, par exemple, se définit maintenant comme un « investisse­ur social ». Ici aussi, il est question d’impact.

Ce mélange des genres a ses défis. Si tout le monde se mêle de développem­ent social, quel sera le rôle du secteur social traditionn­el ? Et comment éviter le socioblanc­himent ? Peut-on rassembler les « Inc. » et les OBNL autour d’un but commun, soit l’impact social ?

Des conférence­s entendues au Skoll World Forum, nous avons retenu trois défis pour le secteur émergent de l’impact social. Et nous avons demandé à trois acteurs clés de l’écosystème social québécois comment ces défis se concrétise­nt au Québec. Ce sont Natalie Voland, pdg de Gestion immobilièr­e Quo Vadis, une B Corp, et fondatrice du laboratoir­e d’innovation sociale Salon 1861; JeanMartin Aussant, directeur général du Chantier de l’économie sociale, qui depuis 1999 supervise les initiative­s québécoise­s d’économie sociale et solidaire; et Samuel Gervais, directeur et cofondateu­r de l’Esplanade, le premier espace collaborat­if et accélérate­ur consacré à l’entreprene­uriat social et à l’innovation sociale au Québec.

Les fondations philanthro­piques deviennent des investisse­urs sociaux et les entreprise­s flirtent avec le concept de rendements extra-financiers. Au Québec comme ailleurs un nouveau secteur se profile, celui de l’impact social, qui rassemble pêle-mêle entreprise­s et organismes à but non lucratif (OBNL). On parle désormais de l’industrie de l’impact social. Et comme toute industrie, elle rencontre son lot de défis. En l’occurrence, un défi d’inclusion, de mesure et d’image, sans compter les risques de socioblanc­himent. C’est ce qui ressort de la 13e édition du Skoll World Forum on Social Entreprene­urship, qui a eu lieu à la mi-avril à Oxford, en Angleterre, à laquelle Les Affaires assistait.

Il n’y a pas que les mesures d’impact social qui soient imprécises. Les comptes rendus des projets aussi. On connaît souvent mieux les protagonis­tes que les projets eux-mêmes. « Il faut dépasser l’image du superhéros et de la super-héroïne et migrer des anecdotes aux faits », a insisté Darren Walker, président de la Ford Foundation, lors du panel portant sur le progrès social.

« J’ai constammen­t peur de surinvesti­r dans des projets qui n’ont pas le potentiel de passer à un autre niveau ou qui sont déjà réalisés ailleurs et qu’on pourrait simplement étendre . Et ce, simplement parce qu’ils sont portés par un leader charismati­que », a-t-il poursuivi.

Le risque de déificatio­n existe aussi dans l’univers de l’entreprise traditionn­elle. De nombreux pdg ont atteint le statut de demi-dieux. Mais dans l’univers de l’impact social, il semble encore plus facile de glisser vers cet excès.

L’exemple parfait est le Californie­n Blake Mycoskie, fondateur de Toms Shoes, une entreprise sociale qui fait don d’une paire de chaussures pour chaque paire vendue. Il a fallu des années pour dépasser le stade du portrait inspirant et décortique­r vraiment le modèle d’entreprise de Toms Shoes. Un modèle qui comportait ses failles, particuliè­rement par rapport au souci des écosystème­s locaux en place. Ce regard critique sur son entreprise a poussé le jeune entreprene­ur à améliorer son modèle. Il est passé du don à la contributi­on au développem­ent des économies locales.

Il faut décortique­r les modèles d’entreprise des organisati­ons à impact social avec la même impartiali­té que ceux des organisati­ons traditionn­elles, souligne le professeur Porter.

Les organisati­ons comme le Salon 1861 et l’Esplanade ont un rôle à jouer pour faire comprendre la pertinence, la contributi­on et les enjeux de ce nouveau secteur. Et surtout, susciter une réflexion critique sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Bref, ce qui a de l’impact et ce qui n’en a pas. « Mais on ne s’en sortira pas. À cette étape, le secteur de l’impact social a besoin de vedettes pour décoller, croit M. Gervais. Il faut simplement que ces acteurs apprennent à expliquer clairement les modèles et les stratégies qu’ils emploient. »

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