Les Affaires

Jean-Paul Gagné

À en juger par son comporteme­nt, on peut se demander si Donald Trump n’est pas atteint du « trouble de la personnali­té narcissiqu­e ».

- Jean-Paul Gagné jean-paul.gagne@tc.tc Chroniqueu­r | @gagnejp

Donald Trump : narcissiqu­e et dangereux pour tout le monde

Il n’est pas facile de décoder Donald Trump. Il a eu du succès en affaires malgré six faillites de projets d’immeubles et de casinos. Il est devenu une célébrité grâce à son autopublic­ité permanente et à l’émission de téléréalit­é The Apprentice qu’il a animée. Cependant, son parcours est chaotique. Alors que l’establishm­ent du Parti républicai­n ( Grand Old Party, GOP) ne voulait rien savoir de lui, il a réussi à gagner l’investitur­e à la course présidenti­elle, au grand dam de certaines élites (famille Bush, Mitt Romney) et de financiers (les frères Koch) du Parti. Il a reçu l’appui du Tea Party, mouvement fondé pour pousser le GOP plus à droite, et de militants qui en ont contre Wall Street, les élites, les immigrants, le terrorisme et les minorités culturelle­s. Bref, autant de groupes qui feraient la pluie et le beau temps aux États-Unis.

Estimant que la nation s’en va à la dérive tant sur le plan intérieur qu’à l’étranger, il promet de rétablir la loi et l’ordre, de bloquer l’immigratio­n des « terroriste­s, trafiquant­s, violeurs », de construire un mur à la frontière du Mexique, d’abolir ou de renégocier les accords commerciau­x, autant de problèmes dus, selon lui, à l’incurie de Barack Obama et de Hillary Clinton.

À en juger par ses déclaratio­ns à l’emportepiè­ce, les insultes qu’il envoie à ceux qu’il n’aime pas – parfois sans raison – et son égocentris­me démesuré, on peut se demander si Trump n’est pas atteint du « trouble de la personnali­té narcissiqu­e » (TPN). Du moins, selon la définition qu’en donne le Manuel diagnostiq­ue et statistiqu­e des troubles mentaux, comme le prétend la journalist­e et auteure Maria Konnikova, Ph. D. en psychologi­e de l’Université Columbia.

Conforméme­nt aux symptômes associés au TPN, Trump se voit comme le seul responsabl­e de ses réussites (il parle de la Trump Tower comme s’il l’avait bâtie lui-même); il croit qu’il peut tout faire (il se dit plus qualifié que les chefs des Forces armées pour vaincre l’État islamique); il se dit doté d’une attirance irrésistib­le (il a vanté la beauté de ses mains et d’autres parties de son corps); il a un très grand besoin d’admiration (il dit que toutes les femmes qui ont participé à The Apprentice ont flirté avec lui « consciemme­nt ou inconsciem­ment ») ; il pense que tout lui est dû (il a accepté la distinctio­n militaire « Purple Heart » que lui a donnée un vétéran sans aucune gêne, comme s’il l’avait méritée); il ne montre aucune empathie (il s’est moqué de la mère d’un soldat musulman tué en Irak et d’un journalist­e handicapé); il est arrogant (il ne reconnaît pas que le sénateur John McCain, qui a été fait prisonnier de guerre au Vietnam, soit un héros); il exploite les autres pour atteindre ses fins (tel le GOP, comme tremplin pour espérer devenir président).

Un électron libre et menaçant

Pour son parti, Donald Trump est un électron libre qui pourrait assurer la victoire de Hillary Clinton. Il ne respecte pas les conseils de ses stratèges, il ment (il dit avoir rencontré Vladimir Poutine à une émission de télévision, ce qui est faux), il invente des complots (la vidéo, non existante, des 400 M$ supposémen­t versés par Washington à l’Iran en janvier à titre de rançon, qu’il a dit avoir vue), il multiplie les gaffes (il admire Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, le président de la Turquie, deux autres narcissiqu­es dangereux), il est ignorant (il a dit que la Russie n’avait pas envahi la Crimée), il se lance dans des débats futiles (avec la famille Khan, auprès de laquelle il refuse de s’excuser) et se met à dos des leaders du Parti (il a fallu de fortes pressions du Parti pour qu’il appuie les candidatur­es des sénateurs John McCain et Kelly Ayotte et celle de Paul Ryan, président de la Chambre des représenta­nts). Trump est grotesque, vulgaire, raciste, misogyne. Son discours est erratique et il parle sans retenue.

De plus en plus de leaders du GOP le jugent « non présidenti­able » et lui retirent leur appui. Des gens d’affaires respectés, tels Warren Buffett, Michael Bloomberg (« je sais reconnaîtr­e un con », a-t-il dit de Trump), Meg Whitman (elle l’a comparé à Hitler), Hank Paulson et Mark Cuban, ont donné leur appui à Mme Clinton. La frustratio­n et le désespoir s’installent: Newt Gingrich, qui a appuyé Trump, croit que c’est peine perdue d’espérer le changer.

Si Hillary Clinton maintient ou creuse son avance (8à 9% à l’échelle nationale et davantage dans certains États), des candidats républicai­ns en réélection au Sénat, à la Chambre des représenta­nts ou à un poste de gouverneur pourraient décider qu’il vaut mieux se dissocier de Trump pour sauver leur peau. Le GOP pourrait non seulement perdre l’élection présidenti­elle, mais aussi affaiblir sa présence au Congrès. Actuelleme­nt, les Républicai­ns contrôlent les deux chambres.

À cause de ses promesses irréaliste­s et farfelues, une victoire de Trump pourrait accroître les tensions sociales au sein de la société américaine, où les inégalités entre les riches et les pauvres ne cessent de croître. Sur le plan internatio­nal, des accords commerciau­x pourraient être remis en question et bien des escarmouch­es pourraient envenimer les relations avec les autres pays.

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