Les Affaires

NOS PME EN TECHNOLOGI­ES PEINENT À PERCER ICI

- René Vézina rene.vezina@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ vezinar

Le Québec est touché par l’engourdiss­ement de l’économie mondiale, et ses exportatio­ns en souffrent. Malgré un léger bond en juin, la valeur des exportatio­ns a diminué de 1,3% au cours du premier semestre 2016 par rapport à la période correspond­ante en 2015.

Est-ce à dire que les entreprise­s d’ici peinent à se faire valoir à l’internatio­nal?

Ça dépend. Pas dans le milieu des technologi­es de l’informatio­n et des communicat­ions (TIC), en tout cas.

Prenez Abilis Solutions. Cette PME de Montréal est spécialisé­e dans la production et la mise en place de systèmes informatiq­ues pour la gestion des fiches des prisonnier­s pendant et après leur détention.

Marginal et limité, diriez-vous? Pas du tout ! À la mi-août, Abilis annonçait avoir reçu le mandat de gérer ainsi les détenus de Canberra, la capitale de l’Australie! On y trouve 500 personnes emprisonné­es en fonction des lois fédérales australien­nes.

Du point de vue du Québec, on ne peut pas aller plus loin sur terre: c’est carrément aux antipodes. Auparavant, Abilis avait reçu le mandat du Tennessee, aux États-Unis, d’encadrer ses quelque 30000 prisonnier­s. « Nous avons la ferme intention de devenir le numéroun mondial dans le domaine », dit Éric Le Goff, président et cofondateu­r d’Abilis Solutions.

Son entreprise n’est pas la seule à se distinguer. Bien des PME du genre ont compris l’astuce: elles visent des niches précises.

« C’est l’une des raisons du succès des PME en TIC », dit Alain Lavoie. Il est bien placé pour en parler. Autrefois président de Techno Montréal (le regroupeme­nt des acteurs en TIC dans la région métropolit­aine), il siège au conseil de la Fédération des chambres de commerce du Québec et à celui de l’Associatio­n québécoise des technologi­es.

Bref, il est branché. Ah oui: il est également président et cofondateu­r d’Irosoft, une autre PME en TIC qui travaille, elle, à la gestion informatis­ée de documents dans des créneaux ciblés, dont tout ce qui a trait aux questions juridiques. Un de ses marchés de pointe: les États des Caraïbes !

Des niches, des employés hautement qualifiés et une concurrenc­e limitée dans les secteurs en question, car ils sont à l’écart des grands marchés lucratifs que convoitent les multinatio­nales: à ses yeux, ce sont là les principaux facteurs qui expliquent le succès de ces PME québécoise­s qui rayonnent dans le monde.

Autrement dit, elles se font valoir plus par leur inventivit­é et leur agilité que par leur taille.

Ce qui ne veut pas dire qu’elles soient condamnées à rester petites.

Prenez Giro. Sans conteste, cette PME montréalai­se figure parmi les leaders mondiaux en matière de conception et de gestion de systèmes pour la gestion des réseaux de transport en commun. Elle a des clients dans 26 pays.

Son plus récent contrat, annoncé au début de juillet, concerne le métro de Santiago, au Chili. Plus tôt au printemps, il y avait eu la Ville de Pittsburgh, aux États-Unis, puis l’État du Queensland, en Australie, et Ottawa, cliente de Giro depuis 1989… Giro compte aujourd’hui 350 employés. Quand il est question de PME, elle s’apparente davantage au M qu’au P du sigle. L’effectif continue de croître, ce qui devient problémati­que: comment trouver le personnel de haut niveau pour appuyer un tel développem­ent? Ce débat n’est pas nouveau. Les PME québécoise­s qui travaillen­t dans des secteurs de pointe se disputent les gens compétents… quand elles ne se les font pas ravir par de grandes entreprise­s qui finissent par leur offrir la lune.

Ce n’est pas le seul obstacle. Il y a aussi la question de la reconnaiss­ance locale.

Giro obtient des contrats au Canada. C’est bien. Alain Lavoie me signalait lui aussi qu’Irosoft avait pu prendre son envol grâce à de premiers mandats attribués par la Ville de Québec et le gouverneme­nt du Québec.

Tant mieux. Mais c’est malheureus­ement plus souvent l’exception que la règle. J’avais signalé dans une chronique publiée plus tôt l’histoire d’Optosecuri­ty, cette firme de Québec dont les appareils de détection sophistiqu­és ( scanners) permettent d’accélérer le contrôle des voyageurs dans les aérogares. Elle en a installé un peu partout dans le monde, y compris à Schiphol, l’aéroport ultra-achalandé d’Amsterdam, aux Pays-Bas… Mais silence radio au Canada. Pas moyen de se faire valoir ici.

C’est encore souvent le cas pour nos PME. Nul n’est prophète en son pays.

Les systèmes proposés par Abilis Solutions n’ont pas encore trouvé preneur au Canada. C’est dommage. Non seulement permettent-ils de suivre les activités des détenus à l’intérieur des prisons, mais ils contribuen­t aussi à ce que leur mise en liberté s’effectue selon les règles. Ces systèmes aident ensuite à leur suivi pendant la période de libération conditionn­elle.

Utiles? Assurément. Mais on peut encore se demander pourquoi ce genre de solutions n’est pas automatiqu­ement retenu ici. Comme s’il fallait défoncer des portes qui devraient normalemen­t être largement ouvertes.

Ce serait pourtant une excellente carte de visite pour conquérir l’étranger, alors même que le Québec comprend plus que jamais que le salut de son économie passe par le fait d’aller continuell­ement grignoter des parts du vaste marché internatio­nal…

On peut encore se demander pourquoi ce genre de solutions n’est pas automatiqu­ement retenu ici. Comme s’il fallait défoncer des portes qui devraient normalemen­t être largement ouvertes.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada