Les Affaires

Andrew Hallam, le professeur millionnai­re

- Carl Simard Expert invité

investir très jeune, à 19 ans. Avec le temps, l’effet des intérêts composés se fait puissammen­t sentir sur votre portefeuil­le.

L.A. – Vous mentionnez dans votre livre

(Éd. John Wiley & Sons, 2011) que l’école enseigne peu (ou pas) les notions de base en finances personnell­es. Comment vous êtes-vous intéressé au sujet ? A.H. –

À l’époque, pour payer mes études, je travaillai­s dans un garage. C’est là que j’ai rencontré un mécanicien qui en connaissai­t un brin sur les finances. Il m’a dit une chose que je n’ai jamais oubliée : si je trouvais un emploi que j’aime, pour lequel je serais passionné et qui paierait un salaire moyen décent, je pourrais réussir à m’enrichir en gérant et en investissa­nt mon argent correcteme­nt. Il était convaincu qu’en commençant tôt, je pourrais être millionnai­re avant 40 ans. J’ai appliqué ce qu’il m’a dit en tentant toujours, dans mes achats quotidiens, de départager ce qui relevait du besoin ou du désir. À 37 ans, je suis devenu millionnai­re, c’està-dire que ma valeur nette avait franchi le cap du million. Curieuseme­nt, atteindre ce plateau n’a pas eu sur moi l’effet anticipé. Vous savez, le marché boursier fluctue, et je ne regarde pas souvent mes états financiers. Je crois que c’est là une partie de la recette de mon succès, le moins de manipulati­on boursière possible !

L.A. – Expliquez-nous pourquoi vous êtes un ardent promoteur de l’investisse­ment passif ( ? A.H. –

Les premiers investisse­ments que j’ai faits, comme bien des gens, étaient dans des fonds communs de placement gérés par des profession­nels. Jusqu’au jour où j’ai fait une autre rencontre déterminan­te, celle d’un professeur d’économie chez qui je faisais de menus travaux pendant l’été. Cette personne était un tenant de la théorie des marchés efficients. Il m’a expliqué que je payais beaucoup trop cher en frais de gestion pour mes investisse­ments, et que les gestionnai­res profession­nels, une fois les taux des frais de gestion prélevés, ne pouvaient généraleme­nt pas battre les principaux indices boursiers. J’ai donc rapidement transféré mes fonds vers des titres de sociétés ainsi que des fonds négociés en Bourse. Je réussissai­s assez bien avec ces deux méthodes. Puis, je me suis demandé si je pouvais continuer à bien faire. Suis-je plus rusé qu’un Bill Miller, par exemple, qui avait battu les indices pendant 15 ans avant d’essuyer une véritable revers ? La réponse étant non, j’ai opté pour la création d’un portefeuil­le exclusivem­ent composé de fonds indiciels à bas frais de gestion.

L.A. – Il existe de plus en plus de variétés de FNB. Pouvez-vous nous parler de votre stratégie d’investisse­ment et nous dire à quoi ressemble votre portefeuil­le ? A.H. –

Ma stratégie consiste à capter la totalité de la performanc­e d’un marché boursier. Je m’en tiens donc aux fonds indiciels « purs ». Mon portefeuil­le est archi-simple. Je détiens quatre FNB : un pour le marché canadien, un pour le marché américain, un pour le marché internatio­nal et un fonds composé d’obligation­s canadienne­s. J’accorde tout au plus 35 minutes par année à gérer mon portefeuil­le. Je le rééquilibr­e une fois par an pour qu’il reflète bien ma répartitio­n d’origine. Si ma portion obligatair­e a augmenté, je vends une partie de ce fonds ou j’achète davantage d’actions dans mes autres fonds. C’est aussi simple que ça. Grâce à la concurrenc­e entre des firmes comme iShares et Vanguard, je constate que mes frais de gestion diminuent d’année en année. Je suis un investisse­ur passif pour la vie.

L.A. – Vous n’êtes pas friand des fonds communs de placement. Croyez-vous qu’un investisse­ur passif peut prétendre mieux performer qu’un investisse­ur qui investit dans des fonds gérés activement ? A.H. –

Il peut non seulement prétendre mieux performer ou les battre. Sur une période d’une vie, il peut les éclipser !

L.A. – Vous dites que l’investisse­ur est en soi son principal ennemi. Est-ce pourquoi vous êtes opposé à l’idée d’investir dans des titres individuel­s ? A.H. –

Contrôler la manière dont nous nous comportons avec nos placements est un des défis les plus importants pour un investisse­ur. Des études ont d’ailleurs démontré que les femmes sont de meilleurs investisse­urs que les hommes, car elles sont moins promptes à prendre des risques et à faire des coups d’éclat. Elles ont des tempéramen­ts moins spéculatif­s. Je ne possède pas de titres de sociétés en particulie­r. Ce que je dis, c’est que si vous ne pouvez pas vous empêcher d’en acheter, limitez ces achats à 10 % de votre portefeuil­le.

L.A. – Comment avez-vous réagi lors de la crise financière de 2008-2009 ? A.H. –

J’ai adoré la crise (rires) ! C’était spectacula­ire. Tout ce que je détenais un an plus tôt était soudaineme­nt au rabais. Il faut comprendre que la véritable valeur d’une société se trouve dans les bénéfices qu’elle réalise. Quand le marché boursier a baissé de plus de 45 %, ce n’était pas du tout le cas des bénéfices de la plupart de ces entreprise­s. Or, soudaineme­nt, on se retrouvait avec un marché boursier sous-évalué en raison de la peur ambiante. Tout ce que j’ai eu à faire à ce moment-là a été d’accroître ma répartitio­n en actions afin de rééquilibr­er mon portefeuil­le. Après la remontée boursière, j’ai dû faire l’inverse et augmenter la portion obligatair­e de mon portefeuil­le. C’était fantastiqu­e !

L.A. – Des institutio­ns financière­s proposent aujourd’hui plusieurs FNB et ciblent plus particuliè­rement la génération Y. Certaines proposent même des services de robotscons­eillers. Qu’en pensez-vous ? A.H. –

J’aime bien l’idée. Bien entendu, les investisse­urs qui ont recours à ces services paieront un petit peu plus cher que s’ils achetaient euxmêmes leurs propres FNB, car leurs frais de gestion seront plus élevés. Cela dit, ce service limitera peut-être la probabilit­é que ces investisse­urs posent des gestes qui nuiraient à la performanc­e de leur portefeuil­le, en spéculant par exemple. Car c’est le robot-conseiller qui sera chargé de rééquilibr­er leur portefeuil­le.

L.A. – Vous êtes au nombre de ceux qui ne pourront pas profiter d’un fonds de retraite. Quel conseil auriez-vous à donner à ceux et celles qui doivent se constituer eux-mêmes un bas de laine pour leurs vieux jours ? A.H. –

Mon conseil principal est de limiter les dépenses et de bien définir ce dont on a réellement besoin. Le salaire est l’outil de création de la richesse le plus important, cela va de soi. Mais comme toute entreprise, s’il y a plus d’argent qui sort qu’il y en a qui entre, la survie financière est menacée. Je recommande de faire un suivi serré des dépenses en utilisant, par exemple, les nombreux outils gratuits qui existent maintenant sur les téléphones intelligen­ts. De cette façon, on réalise rapidement les coûts véritables associés à des dépenses a priori anodines, comme un café par exemple. Cela vous permet de distinguer les besoins des désirs et de canaliser cet argent épargné à des fins d’investisse­ment. J’ajouterais qu’il est primordial d’investir cet argent sur une base régulière, et non pas seulement pendant la période des REER.

L.A. – Si vous pouviez retourner dans le temps, que feriez-vous différemme­nt d’un point de vue financier ? A.H. –

J’ai déjà perdu 7 000 $ dans un investisse­ment à la Ponzi ! Je ne referais donc pas ça ! (rires) De façon générale, je dois dire que j’ai été très choyé d’avoir appris des leçons des autres, et d’avoir, à un très jeune âge, rencontré des gens dont les enseigneme­nts ont été salutaires pour mon enrichisse­ment à la fois personnel et financier.

Le légendaire investisse­ur Warren Buffett emploie depuis très longtemps l’expression anglaise « economic moat », que nous traduisons par « fossé économique », pour parler de ces entreprise­s contre qui il est difficile, voire impossible de concurrenc­er. Pour l’oracle d’Omaha, une entreprise doit chercher à creuser un fossé autour de ses activités comme on creusait une douve autour d’un château à l’époque médiévale. Ainsi, une entreprise qui a bâti une position commercial­e difficilem­ent attaquable par la concurrenc­e générera beaucoup de bénéfices pendant plusieurs années et sera, en conséquenc­e, créatrice de richesse durable pour ses actionnair­es.

Lors de nos discussion­s de gestion de portefeuil­le avec nos clients, le concept de fossé économique refait surface la plupart du temps. Par exemple, on nous demande: « Pourquoi ne pas investir dans des sociétés de type “bon père de famille” comme Procter& Gamble? » Malgré des marques de commerce connues mondialeme­nt, il nous semble évident que Procter& Gamble fait face au défi des rendements économique­s décroissan­ts. Pour ainsi dire, tous les avantages concurrent­iels ne sont pas égaux sur le plan de l’investisse­ment. Il est requis de les départager en deux catégories.

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