Les Affaires

« Méfions-nous de l’hérosprene­urship, ce culte de l’entreprene­ur social »

– Daniela Papi-Thornton,

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | diane_berard

Personnali­té internatio­nale —

DIANE BÉRARD – Ce printemps, vous avez publié un article intitulé « Tackling heropreneu­rship » (Pour en finir avec l’hérosprene­urship) dans la Que dénoncez-vous? DANIELA PAPI-THORNTON

– Je fais une mise en garde contre le culte de l’entreprene­ur social, comme si à lui seul il venait à bout des problèmes sociaux et environnem­entaux complexes.

D.B. – Comment se manifeste l’hérosprene­urship? D.P.-T.

– C’est par exemple un jeune Nord-Américain ou un jeune Européen qui se rend en Amérique latine ou en Afrique avec une idée d’affaires pour résoudre un problème social ou environnem­ental qu’il n’a jamais affronté. Cela s’applique par extension à tout entreprene­ur social qui s’attaque à un problème auquel il n’a jamais fait face. Doit-on consacrer les ressources limitées du soutien à l’entreprene­uriat à ces héros importés? Ne devrait-on pas investir ces sommes dans des entreprene­urs locaux et dans l’éducation de ces jeunes Nord-Américains et de ces jeunes Européens pour qu’ils comprennen­t la complexité des grands enjeux auxquels ils se heurtent?

D.B. – Qu’est-ce qui a engendré l’hérosprene­urship? D.P.-T.

– Nous sommes responsabl­es de cette situation. Nous, c’est-à-dire l’écosystème formé des établissem­ents d’enseigneme­nt, des accélérate­urs et des incubateur­s d’entreprene­urs sociaux. Notre façon d’enseigner l’entreprene­uriat social et de sélectionn­er les candidats aux programmes d’accompagne­ment laisse croire que des individus seuls peuvent réaliser ce qui exige des équipes entières et souvent des regroupeme­nts d’organisati­ons. Les médias ont aussi leur part de responsabi­lité. C’est beaucoup plus vendeur de raconter la fin de l’histoire – le lancement d’une entreprise sociale par un jeune passionné – que de relater les tâtonnemen­ts des 25 dernières années de la part de tous ceux qui ont buté sur le même problème.

D.B. – Parlez-nous de la formation en entreprene­uriat social donnée dans les écoles de gestion et les accélérate­urs et incubateur­s... D.P.-T.

– On encourage les idées préconçues. Il faut inciter les candidats à épouser le problème, pas leur solution. Au lieu de leur demander de parler de leur idée, interrogeo­ns-les sur les solutions existantes. Ce qui a été tenté. Ce qui a fonctionné. Ce qui n’a pas fonctionné. Ce qui manque.

de groupe? D.P.-T.

– Je n’ai rien contre le principe du hackathon. Mais il faut le prendre pour ce qu’il est, un outil pour générer des idées, pas des solutions. Pour trouver une solution utile, il faut maîtriser parfaiteme­nt un problème. Un hackathon ne dure pas assez longtemps pour permettre aux participan­ts de maîtriser un problème.

D.B. – Comment freine-t-on les ardeurs des aspirants entreprene­urs sociaux pour les convaincre de faire de la recherche plutôt que de se lancer tout de suite en affaires? D.P.-T.

– Je crois qu’on se trompe en pensant que tous ceux qui ont à coeur les problèmes sociaux et environnem­entaux ont la fibre entreprene­uriale. On fait aussi fausse route en croyant que les futurs entreprene­urs se trouvent dans les écoles de gestion. Les Richard Branson n’ont pas de MBA. Certes, l’entreprene­uriat social attire de plus en plus d’étudiants. Mais la plupart aspirent à travailler dans ces entreprise­s, pas à les créer. Ou ils veulent travailler pour de grandes entreprise­s et y être des agents de changement.

D.B. – Du 7 au 9 septembre, Montréal accueille le Forum mondial de l’économie sociale (GSEF). Comment éviter que le GSEF n’accentue le phénomène du au Québec? D.P.-T.

– D’abord, en s’assurant que les panels ne sont pas peuplés que de riches qui règlent les problèmes des pays pauvres. Ensuite, en prenant soin de célébrer tous les rôles liés au changement social et environnem­ental, audelà de l’entreprene­ur. Nos gouverneme­nts, nos banques et toutes nos institutio­ns ont besoin d’évoluer.

D.B. – Pour aider tous ceux qui veulent s’attaquer à des problèmes sociaux ou environnem­entaux, vous avez inventé l’outil Impact Gap Canvas. De quoi s’agit-il? D.P.-T.

– C’est l’étape avant le Business Model Canvas. [il s’agit d’une matrice dans laquelle l’entreprene­ur inscrit tous les éléments qui composent son modèle – prix, propositio­n de valeur, clients, fournisseu­rs, etc. – et dresse les liens entre eux.] À gauche, vous inscrivez le problème. Vous précisez qui profite du statu quo, soit du maintien de ce problème. À droite, vous répertorie­z les solutions. Au centre, vous inscrivez ce qui manque. L’Impact Gap Canvas est utilisé dans quelques université­s ainsi que dans des incubateur­s.

Social Entreprene­urship? D.P.-T.

– C’est un concours qui s’adresse aux étudiants universita­ires et aux jeunes diplômés désireux de contribuer à résoudre un problème social ou environnem­ental. Le verbe « contribuer » est important. Les participan­ts n’aspirent pas nécessaire­ment à lancer une entreprise. Ils peuvent apporter leur contributi­on au sein d’une entreprise existante. Les candidats présentent un rapport qui explore un problème de leur choix. Ce document répond aux questions suivantes: Quel est le problème, quelle est son histoire, quelle est son envergure? Quelles solutions ont été tentées? Quelles leçons peut-on en tirer ? Quel rôle le secteur public, le secteur privé et le secteur social peuvent-ils jouer dans la résolution de ce problème? Les gagnants sont invités à participer au Skoll World Forum on Social Entreprene­urship. Les 10 finalistes peuvent solliciter un financemen­t pour passer de la théorie à la pratique. L’argent leur permettra d’explorer sur le terrain les enjeux liés au problème qu’ils ont choisi. Nous sommes en discussion pour ouvrir l’édition 2017, entre autres, aux étudiants et aux diplômés canadiens.

D.B. – L’éducation à l’impact [

est un des champs d’intérêt du Skoll Centre for Social Entreprene­urship. De quoi s’agit-il? D.P.-T.

– Notre centre est lié à la Saïd Business School de l’Université d’Oxford. Nous sommes donc naturellem­ent près du monde de l’enseigneme­nt. L’éducation à l’impact résulte de la demande des étudiants. Il y a 10 ans, les étudiants en gestion voulaient travailler en finance ou en consultati­on. Aujourd’hui, ils le veulent toujours, mais souhaitent aussi contribuer à résoudre des problèmes sociaux et environnem­entaux. Ils réclament donc des outils différents. On ne peut plus simplement enseigner le marketing et la comptabili­té. Il faut les aider à comprendre les grandes tendances et les grands enjeux mondiaux.

D.B. – Le cours GOTO [Global Opportunit­ies and Threats Oxford, soit occasions et menaces mondiales] fait partie de l’éducation à l’impact... D.P.-T.

– Le GOTO est un cours obligatoir­e pour tous les étudiants au MBA à Saïd. Il est centré chaque année sur un enjeu différent. Cette année, les étudiants se pencheront sur l’avenir du travail.

Produits forestiers Résolu et Serres Toundra ont conclu une entente avec la firme CO Solu

2 tions afin de déployer un système de capture du carbone à l’usine de pâte de Saint-Félicien. Ce projet d’une valeur de 7,4 M$ vise à im- planter une technologi­e enzymatiqu­e de capture du carbone à l’usine de pâte de Résolu. Ce système permettra de capter quelque 30 tonnes de dioxyde de carbone par jour. Les émissions seront redirigées en grande partie vers le complexe des Serres Toundra, situé près des installati­ons de Résolu, afin d’en améliorer les performanc­es. Résolu détient une participat­ion dans le projet des Serres Toundra, qui consiste à aménager un complexe de serres pour la culture de légumes 12 mois par année. JOURNAL NOUVELLES

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