Des champignons qui carburent au marc de café
Agriculture urbaine — Quand Normand Laprise, chef de Toqué, a besoin de champignons pour agrémenter ses compositions culinaires, c’est dans un ancien entrepôt de la rue Moreau, au coeur du quartier Hochelaga-Maisonneuve, à Montréal, qu’il trouve son bonheur. Là, à l’intérieur de six serres gonflées à pression positive afin d’empêcher toute intrusion de spores ou de contaminants indésirables, des pleurotes d’un bleu métallique émergent de trous percés dans plus de 1 200 sceaux empilés et alignés.
Dans cet espace de 4600 pieds carrés, les champignons poussent sur un substrat constitué de déchets issus de l’économie locale : marc de café récupéré dans les restaurants, écorces collectées chez des torréfacteurs, résidus de malt issus de microbrasseries, chènevottes de chanvre délaissées par l’industrie textile…
Normand Laprise achète de 15 à 20 kilos de pleurotes chaque semaine à Blanc de gris, en plus de fournir à l’entreprise une dizaine de litres de marc de café qui serviront à faire croître de nouveaux champignons. « Ils livrent le jour même ou le lendemain. Le champignon est donc encore très frais. Il a plus de goût. Comme il n’a pas encore séché, il est beaucoup plus charnu et dense », dit-il.
Cultiver près du marché
Dominique Lynch-Gauthier, qui avait « plus de succès avec les champignons qu’avec les plantes potagères » dans son jardin, a eu l’idée de se lancer dans cette production en 2013, lorsqu’elle a appris que l’entreprise parisienne Upcycle cultivait des champignons sur du marc de café. Lysiane Roy-Maheu, une amie qui travaillait dans la restauration, s’est greffée au projet, convaincue qu’il y avait un marché pour ce produit.
Les deux femmes ont réalisé des expérimentations en pasteurisant le substrat sur une cuisinière et en cultivant des champignons dans un sous-sol. Elles ont ensuite approché différents chefs pour vérifier s’ils souhaitaient en acheter et pour leur demander des lettres d’intérêt afin de les aider dans leur recherche de financement. Elles ont ensuite décroché au total près de 100 000$ en prêts et 20 000$ en bourses, en plus d’obtenir une subvention au démarrage de 10 000$ de la Financière agricole.
La production a débuté au printemps 2015. La centaine de kilogrammes de pleurotes récoltés en moyenne par semaine est vendue de 5$ les 100 grammes à 25$ le kilogramme. Fragile, cette variété de champignon résiste difficilement au transport. De là tout l’intérêt de la cultiver en ville, à proximité des 4500 restaurants avec service complet, répertoriés à Montréal en 2012.
Blanc de gris, qui a choisi de privilégier la vente directe, approvisionne une trentaine de clients dans ce secteur, dont une quinzaine passe commande chaque semaine. La PME souhaite atteindre une production hebdomadaire de 150 à 300 kg pour fournir une cinquantaine de clients. Elle met actuellement au point des recettes de vinaigrettes et de tapenades pour transformer les surplus invendus, qui sont pour l’instant limités.
Au défi technique s’est ajouté un enjeu financier : trois banques ont refusé d’embarquer dans le projet avant que la Banque Royale n’accepte d’accorder un prêt pour petite entreprise. Les démarches ont été ardues également pour trou- ver un assureur. « Pour une champignonnière en ville, ils n’ont pas de référence », constate Lysiane Roy-Maheu.
L’entreprise prévoit réaliser un chiffre d’affaires de 50 000$ à 100 000$ en 2016, alors qu’il s’établissait à moins de 50 000$ en 2015.
« La première année d’activité a été difficile », raconte Dominique Lynch-Gauthier. Les clients ont répondu à l’appel, mais plusieurs essais et erreurs ont encore été nécessaires en culture. Les copeaux de bois utilisés à l’origine ont été remplacés par la chènevotte de chanvre pour « stabiliser la production avec des intrants fiables », explique Mme Roy-Maheu. « Il fallait faire une année complète de culture pour repérer les défis rattachés à chaque saison », souligne Mme LynchGauthier, en évoquant notamment l’humidification à ajuster lorsque le lieu est plus sec en hiver.
Le secret d’une telle culture ? « Isoler chaque variable et tout noter », affirme Lysiane RoyMaheu. Dans la cour extérieure, l’entreprise effectue d’autres recherches en cultivant des plantes sur un mélange de terre avec du substrat récupéré après la récolte des champignons. « On voudrait boucler la boucle et ne générer aucun déchet », indique Mme Lynch-Gauthier.
Plus de 8 M$ seront nécessaires afin de réaliser d’importants travaux sur différents bâtiments de l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac. Les toitures du monastère et de l’hôtellerie, ainsi que de la petite chapelle Tour Saint-Benoît, sont à refaire. La fenestration et les joints de mortier sur toutes les façades de ces trois bâtiments devront également être rafraîchis. « On savait que ces travaux allaient être à faire depuis environ 10 ans. L’urgence est de plus en plus criante », mentionne le frère Luc Lamontagne. La communauté religieuse en est à l’étape de demander des subventions, et la date du début des travaux n’est pas connue pour l’instant. « Tout dépend des subventions, sans lesquelles on ne peut commencer. Idéalement, ça devrait débuter l’an prochain, pour s’échelonner sur une période de cinq ans. »