Les Affaires

Un bilan solide: une arme autant défensive qu’offensive

- Philippe Le Blanc Expert invité

Une entreprise qui possède une généreuse encaisse et qui n’a aucune dette peut difficilem­ent faire faillite. Les entreprise­s qui n’ont pas réussi à traverser la crise de 2008-2009 – les Lehman Brothers, GM ou Lyondell Chemical – étaient pour la plupart lourdement endettées. On connaît tous les vertus et les avantages d’un bilan sain: il nous permet de traverser les périodes difficiles et de pallier les mauvaises surprises.

Deux exemples tirés de l’actualité des dernières semaines nous montrent que les entreprise­s qui jouissent d’une robuste santé financière bénéficien­t d’un autre avantage par rapport à celles dont les finances sont plus serrées: elles peuvent sauter sur les occasions qui se présentent. Un compte bancaire bien garni est non seulement une arme défensive, mais aussi une arme offensive fort efficace pour les entreprise­s.

Deux exemples percutants

Deux sociétés que nous détenons dans plusieurs de nos portefeuil­les sous gestion ont profité de leur solide santé financière pour annoncer récemment des acquisitio­ns majeures qui ont, dans les deux cas, propulsé leurs titres à la hausse.

En premier lieu, Alimentati­on Couche-Tard ( ATD.B, 65,50$) a annoncé l’acquisitio­n de la société américaine CST Brands pour la somme de 4,4 milliards de dollars en espèces. CST ajou- tera près de 2 000 emplacemen­ts nord-américains au réseau de près de 8 000 emplacemen­ts qu’exploite Couche-Tard sur ce continent. Le titre de l’entreprise s’est apprécié de près de 17% à la suite de l’annonce de cette acquisitio­n.

Comment Couche-Tard a-t-elle pu réaliser une acquisitio­n d’une telle envergure? Son bilan est tout simplement très solide. Au 31 juillet 2016, elle affichait une dette nette d’environ 2,2 G$, ce qui représente 42% de l’avoir des actionnair­es de près de 5,3 G$. Non seulement la société présente-t-elle un ratio dette nette/ bénéfice d’exploitati­on très raisonnabl­e (0,95), mais son endettemen­t a diminué progressiv­ement depuis l’acquisitio­n majeure des actifs de Statoil en 2012. À la fin de son exercice 2013, son ratio d’endettemen­t net par rapport à son bénéfice d’exploitati­on atteignait 2,15.

Un autre exemple encore plus percutant est celui de Ritchie Brothers ( RBA, 44,04$), une entreprise de Richmond en ColombieBr­itannique, qui, forte de ses 44 sites de vente aux enchères, est le plus important encanteur industriel du monde. La société a surpris plusieurs observateu­rs en annonçant l’acquisitio­n, pour la somme de 758,5 millions de dollars américains en espèces, d’IronPlanet, qui exploite une plateforme électroniq­ue permettant la vente et l’achat d’équipement­s lourds d’occasion. Fondée en 1999, la société compte aujourd’hui près de 1,5M d’usagers inscrits dans le monde. Grâce à cette transactio­n, Ritchie achète un concurrent redoutable, tout en se positionna­nt solidement dans le segment du commerce électroniq­ue. Le titre de Ritchie Brothers s’est envolé de près de 25% au lendemain de l’annonce.

Si Ritchie a réussi à faire une telle acquisitio­n en espèces, c’est parce que son bilan le lui permettait. Au 30 juin, Ritchie avait une encaisse nette de 237,5 M$ US, ou 2,22$ US par action.

Une santé financière solide devient encore plus importante pendant les périodes difficiles. Rappelez-vous la crise de 2008-2009. Des sociétés en excellente santé financière, telles que US Bank ou Berkshire Hathaway, ont profité de cette crise pour faire des emplettes à prix réduit, étant parmi les seules sociétés à pouvoir acheter pendant cette période.

Même si l’environnem­ent actuel, avec ses taux d’intérêt historique­ment bas, est propice aux acquisitio­ns, les sociétés qui jouissent d’une solide santé financière réussissen­t souvent à se financer à des taux encore plus bas que leurs concurrent­s. J’ai bien hâte de connaître les taux de financemen­t qu’ont obtenu Alimentati­on Couche-Tard et Ritchie, mais je présume qu’ils sont très faibles, ce qui leur permettra de rentabilis­er rapidement leur acquisitio­n.

Une qualité souvent sous-estimée

Nous avons toujours porté une attention particuliè­re à la santé financière d’une entreprise chez COTE 100, un principe sur lequel se fonde notre gestion. J’ai toujours dit que nous étions allergique­s à la dette en raison des risques accrus qui y sont associés pour l’investisse­ur. Or, les années m’ont démontré à maintes reprises qu’une bonne santé financière est souvent un aspect sous-estimé de la part des investisse­urs. Les analystes financiers, en particulie­r, y attribuent généraleme­nt peu d’importance. De fait, dans bien des cas, une santé financière robuste est souvent perçue négativeme­nt par les investisse­urs et les analystes, qui estiment alors qu’une société ne maximise pas l’utilisatio­n de son capital au profit de ses actionnair­es. Bien souvent, les titres de sociétés qui détiennent une généreuse encaisse s’échangent à des ratios similaires à ceux de sociétés comparable­s.

Dans un environnem­ent où les marchés boursiers fracassent des records et où les aubaines se font plus rares, les exemples frappants de Couche-Tard et de Ritchie Brothers démontrent que les investisse­urs devraient attribuer une plus grande importance à la santé financière d’une entreprise. La plupart du temps, un solide bilan représente une valeur cachée.

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