Les Affaires

Les douanes à MontréalTr­udeau : cessons de lésiner

- Jean-Paul Gagné

Le 6 septembre dernier, des passagers arrivant à l’aéroport MontréalTr­udeau ont attendu plus de deux heures avant de passer aux douanes. Cela s’était aussi produit quelques jours auparavant. Les commentair­es entendus depuis sont déroutants:

1. « Il est arrivé plusieurs avions en même temps », a déploré l’Agence des services frontalier­s du Canada (ASFC). Or, les horaires des vols des transporte­urs aériens sont faits six mois à l’avance, et cette agence a accès à cette informatio­n. Elle sait aussi que des transporte­urs (Air Canada, Air Transat) ont ajouté des vols et que de nouvelles compagnies aériennes (Air China, Icelandair, Turkish Airlines, Qatar Airways et d’autres) desservent Montréal-Trudeau, où le trafic internatio­nal augmente d’environ 10% par année. Malheureus­ement, l’ASFC est une bureaucrat­ie lourde qui a beaucoup de mal à s’adapter. À sa défense, elle a subi un gel de ses effectifs, un cadeau de l’ancien gouverneme­nt de Stephen Harper.

2. « Les sociétés aériennes pourraient refaire leur horaire pour ne pas que trop d’avions arrivent en même temps », a suggéré le syndicat des douaniers. C’est ridicule. Pas besoin d’avoir un doctorat en recherche opérationn­elle pour imaginer la complexité des horaires des vols des transporte­urs qui doivent gérer leur parc aérien de façon optimale tout en tenant compte de plusieurs facteurs, dont les correspond­ances avec le reste du réseau.

3. « Il y a 220 postes de douaniers » à MontréalTr­udeau, a déclaré l’ASFC, laissant entendre que ce nombre est suffisant. Pourtant, selon le syndicat, une soixantain­e d’étudiants douaniers ont quitté leur emploi à la fin d’août sans être remplacés. L’ASFC n’avait pas prévu, semble-t-il, le retour de nombreux étudiants étrangers à Montréal.

4. « Les 21 guérites douanières ont été utilisées durant les heures de pointe cet été », a dit l’ASFC, ce que nie le syndicat des douaniers. Qui dit vrai ?

5. Alors qu’Aéroports de Montréal (ADM) soutient qu’elle pourrait ajouter des guérites, l’ASFC estime qu’il n’y a pas de place, donc que ce n’est pas une solution. C’est faux. Il s’agirait de les disposer autrement, comme on le voit ailleurs. Mais il faudrait que l’ASFC ajoute des ressources, ce qui n’est pas dans ses plans.

6. « Il y a des délais partout. » C’est vrai, mais on ne progresse pas en niant le problème. Selon La Presse, à Chicago O’Hare, on a réduit le délai moyen d’attente à 16 minutes et le délai maximal à 43 minutes. À l’aéroport JFK de New York, les délais ont été ramenés à 25 minutes en moyenne et l’attente maximale est de 55 minutes.

Pour accélérer le processus douanier, ADM a fait installer des bornes de contrôle automatisé­es en amont de la salle des douaniers. ADM est disposée à en ajouter d’autres, mais encore faudrait-il que les horaires de travail des douaniers soient mieux adaptés aux flux de passagers et que des postes soient ajoutés. Évidemment, il y a une convention collective à gérer et une culture de lenteur à changer chez les douaniers.

Face aux critiques, le ministre fédéral responsabl­e de l’ASFC, Ralph Goodale, a promis d’examiner la situation. Il n’y a pas de raison que cela prenne une éternité. Il faut mieux utiliser l’espace disponible, qui semble suffisant, ajouter des guérites et augmenter le nombre de douaniers.

Certes, cela coûtera de l’argent, mais il est temps qu’Ottawa cesse de voir les aéroports comme des vaches à lait. ADM a investi 2,5 milliards de dollars depuis 2000 pour agrandir et moderniser Montréal-Trudeau, qu’elle loue au fédéral. Ce loyer, qui a atteint 50 millions de dollars en 2015, rend l’aéroport de Montréal moins concurrent­iel par rapport à ceux de Plattsburg­h et de Burlington.

Viser l’excellence

La lenteur du processus douanier à MontréalTr­udeau est à l’image d’autres infrastruc­tures d’accueil de Montréal. L’accès au centre-ville se fait par autobus, un moyen de transport d’une autre époque. Heureuseme­nt, la Caisse de dépôt a pris les choses en mains et planche sur un projet avant-gardiste de transport qui renforcera l’image de modernité de Montréal.

L’échangeur Dorval, dont le ministère des Transports du Québec a annoncé le réaménagem­ent en 2005 au coût de 150 M$, n’arrive pas à sortir des limbes. Il serait achevé en 2019… à un coût qui sera multiplié par quatre.

Les infrastruc­tures de transport d’une ville ont une influence économique majeure. Autant elles causent des pertes de productivi­té importante­s et des coûts énormes pour les usagers si elles sont médiocres, autant elles procurent des avantages économique­s majeurs pour la collectivi­té si elles sont performant­es. Il faut donc les voir comme des investisse­ments et non comme des dépenses reportable­s sans conséquenc­e.

L’explosion de colère des citoyens et des visiteurs qui sont passés par les services douaniers de Montréal-Trudeau ces jours derniers a montré que la situation doit être corrigée sans délai. Au lieu de tenter de justifier l’injustifia­ble, toutes les parties concernées doivent se concerter et trouver la solution requise. Il suffit d’y mettre de la bonne volonté.

Au lieu de tenter de justifier l’injustifia­ble, toutes les parties concernées doivent se concerter et trouver la solution requise.

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