L’autre transition
En plus de la transition énergétique qui nous fera passer – rapidement, espérons-le – des sources fossiles aux sources renouvelables, il y a une autre transition: celle du modèle commercial de tout un secteur.
Si je vous dis énergie, vous penserez sans doute Hydro-Québec, pétrolières, exploitants de champs d’éoliennes... Or, ces géants sont maintenant flanqués d’une myriade de petits producteurs. « N’importe qui peut devenir un acteur dans le marché énergétique aujourd’hui », a lancé Christoph Frei, secrétaire général du Conseil mondial de l’énergie, invité du Conseil des relations internationales de Montréal le 15 septembre.
Les barrières à l’entrée disparaissent et le coût marginal de production tend vers zéro, a-t-il expliqué. Des propos qui rappellent ceux tenus par l’américain Jeremy Rifkin dans son livre The Zero Marginal Cost Society: The Internet of Things, the Collaborative Commons, and the Eclipse of Capitalism, paru en 2014. La technologie permet à tout un chacun de produire, les prix chutent, les entreprises traditionnelles écopent. Ceux qui étaient autrefois des consommateurs deviennent des producteurs, concurrents de leurs anciens fournisseurs. Avec pour résultat d’ébranler le modèle commercial des acteurs traditionnels. On l’observe dans le secteur de l’énergie, mais dans combien d’autres!
Cette nouvelle donne a le mérite d’ouvrir la voie à de petites entreprises innovantes. Par exemple, une vingtaine de start-up profitables alimentent en énergie des habitants de régions éloignées, un marché d’un milliard de personnes, selon Christoph Frei. Il cite l’exemple de l’allemande Mobisol, qui vend des panneaux solaires à environ 300$, permettant d’alimenter un frigo, un chargeur de téléphone et une télé.
La décentralisation du secteur a aussi l’avantage de le rendre plus résilient. Si une cyberattaque renverse un gros producteur, des milliers de foyers sont dans le noir. Si un petit producteur défaille, des milliers d’autres prennent le relais. « Le smart grid [réseau électrique intelligent] deviendra votre assurance contre le cyberrisque », dit Christoph Frei. Et, remarque-t-il, un moyen d’accélérer la décarbonisation de l’économie. Les deux transitions vont de pair, finalement.