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Frais accessoire­s : le fédéral rappelle enfin le Québec à l’ordre

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On sait maintenant que ce n’est pas par grandeur d’âme que le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Gaétan Barrette, a annoncé l’abolition des frais accessoire­s relativeme­nt à des services rendus en cabinet par des omnipratic­iens et des spécialist­es.

En réalité, le Québec a été forcé par le gouverneme­nt canadien d’abolir ces frais facturés aux patients pour divers éléments tels que des médicament­s et agents anesthésia­nts, certains pansements, etc. C’est ce qu’indique une lettre de la ministre fédérale de la Santé, Jane Philpott, révélée par La Presse, qui enjoint à son homologue québécois de les abolir, à défaut de quoi les transferts fédéraux en santé seront réduits d’autant. De son côté, la ministre fédérale se devait de réagir face à la requête en mandamus que l’avocat JeanPierre Ménard lui avait adressée en mai au nom de 19 organismes du Québec.

Présentée à la Cour fédérale, cette requête visait à obtenir une ordonnance qui obligerait la ministre fédérale de la Santé à empêcher la surfactura­tion des frais accessoire­s exigés par les médecins du Québec en réduisant du même montant les transferts fédéraux au système de santé du Québec. Selon M. Ménard, ces frais accessoire­s sont illégaux en vertu de la Loi canadienne sur la santé, parce qu’ils sont exigés à l’égard de services assurés par le système public.

Ces frais, qui existent depuis plus de 10 ans et qui ne cessent de croître, ont aussi été dénoncés par la protectric­e du citoyen, Raymonde Saint-Germain, et la vérificatr­ice générale du Québec, Guylaine Leclerc. Chaque fois, le ministre Gaétan Barrette a expliqué qu’il allait non pas les abolir, mais les encadrer. Il a même déclaré dans une entrevue au quotidien Le Devoir qu’on devait cesser d’être hypocrite, puisque ce phénomène était accepté par la population.

On ne connaît pas le total de ces frais. Le ministre a déjà indiqué 50 millions de dollars par année, tandis que Jean-Pierre Ménard a mentionné le chiffre de 70 M$. Le 15 septembre, Gaétan Barrette a avancé le chiffre de 83 M$, soit 65 M$ exigés par les spécialist­es et 18 M$ par les omnipratic­iens. Il y a quelques jours, il a dit qu’il n’avait pas de données à transmettr­e au fédéral, tel que lui a demandé la ministre Philpott de le faire, d’ici au 31 décembre 2016. Le fait que celle-ci ait fixé ce délai indique que sa demande est très sérieuse, d’où l’annonce du ministre Barrette neuf jours seulement après la réception de la lettre de son homologue.

Québec devra obtempérer

Gaétan Barrette réplique qu’il ne s’en laissera pas imposer, mais il est clair qu’il devra obtempérer. La population québécoise en a assez de ces frais qui pourraient se révéler excessifs si, comme le dit le ministre, les coûts réels des médecins étaient plutôt « de 10 à 13 M$ au maximum ». Les gens en ont aussi contre la rémunérati­on des médecins, et surtout celle des spécialist­es, qui a connu une forte hausse ces dernières années, à un moment où les gouverneme­nts réduisent les services rendus à la population. Cela, sans compter le fait que les médecins pourraient bénéficier d’une hausse de leur rémunérati­on de 5,25%, comme le prévoit une clause de leur entente. Celle-ci leur permettrai­t de bénéficier de la hausse de rémunérati­on accordée aux employés du secteur public. Il y a toutefois une divergence de vues au sein du gouverneme­nt Couillard quant à l’opportunit­é d’accorder cette hausse.

Il est assuré que certains frais accessoire­s se retrouvero­nt éventuelle­ment dans la rémunérati­on des médecins et des spécialist­es. Il appert en effet que certains actes seraient insuffisam­ment rémunérés, surtout s’ils requièrent des équipement­s coûteux pour les cabinets offrant des services spécialisé­s. Diane Francoeur, présidente de la Fédération des médecins spécialist­es, a donné l’exemple d’une clinique qui a investi 1 M$ dans des équipement­s, mais qui n’obtient que 91$ de la RAMQ pour un examen fait avec ces appareils, d’où l’exigence de frais accessoire­s de 237$, ce qui semble légitime.

De l’agitation à prévoir

Trois négociatio­ns sont à la veille de s’amorcer dans le secteur de la santé:

1. Les fédération­s de médecins veulent renouveler l’entente relative à leur rémunérati­on. La question des frais accessoire­s vient de s’ajouter à la clause de parité (« remorque ») de 5,25%.

2. Puisque les frais accessoire­s dépendent en partie des montants payés pour les actes médicaux et que les fédération­s reçoivent des enveloppes qu’elles doivent allouer selon les discipline­s et les actes posés, il s’ensuivra des négociatio­ns entre leurs membres.

3. Il y a aussi le renouvelle­ment par Ottawa et les provinces de l’entente sur les transferts fédéraux. Ottawa voudrait limiter leur croissance future à 3% par année, au lieu des 6% en vigueur depuis 2004. Cette hausse semble d’autant plus insuffisan­te que les coûts de santé augmentent en raison du vieillisse­ment de la population, un phénomène qui touche particuliè­rement le Québec.

Les provinces disposent de plusieurs arguments en leur faveur, mais Ottawa fait valoir que le système de distributi­on des soins, qui est géré par les provinces, est inefficace, un avis partagé par de nombreux experts, y compris des médecins.

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