Les Affaires

L’hydrogène, le nouveau filon à exploiter

- Alain McKenna redactionl­esaffaires@tc.tc

Après le pétrole, l’hydrogène? Au moment où le secteur énergétiqu­e se dirige vers une diversific­ation sans précédent, le Québec gagnerait à développer son expertise dans cette source d’énergie renouvelab­le, que plusieurs voient au coeur de la croissance économique du siècle à venir.

« La province a tous les atouts pour devenir un exportateu­r majeur d’hydrogène », explique Richard Chahine, directeur de l’Institut de recherche sur l’hydrogène de l’Université du Québec à Trois-Rivières. « Grâce à l’hydroélect­ricité abondante du Québec, on a ce qu’il faut pour produire de l’hydrogène “propre” en grande quantité et à un coût avantageux par rapport à ce que pourraient produire des pays comme les États-Unis, l’Europe et le Japon. »

Le mot clé, dans l’affirmatio­n de M. Chahine, est « hydrogène propre à bas coût ». C’est ce qui distingue les procédés d’extraction de l’hydrogène de sources renouvelab­les, comme l’eau, à l’aide d’une énergie peu polluante, comme un barrage hydroélect­rique ou une éolienne, à des moments où la production d’énergie excède la demande courante. Actuelleme­nt, l’hydrogène est principale­ment produit à partir du gaz naturel, ce qui s’avère environ deux fois moins polluant que lorsqu’il est produit à partir de l’essence, mais ce qui est à moitié moins propre que s’il l’est à partir de sources d’énergie renouvelab­le.

En prime, comme un barrage hydroélect­rique et une éolienne fonctionne­nt en continu, la production d’hydrogène devient une façon efficace de stocker, puis de distribuer l’énergie excédentai­re.

« Alors que les gouverneme­nts dans le monde, comme ceux de l’Europe, de la Chine et du Japon, se dotent de politiques imposant des quotas d’énergie renouvelab­le allant de 60 à 80% d’ici 2040, le stockage de cette énergie devient un enjeu majeur », poursuit M. Chahine. Les batteries et les accumulate­urs qui alimentent actuelleme­nt les appareils électrique­s ne suffiront pas à la tâche. L’hydrogène liquéfié est peut-être extrêmemen­t froid, mais on peut l’entreposer, le distribuer et le vendre à des entreprise­s ou à des particulie­rs, sensibleme­nt comme le pétrole actuelleme­nt.

Le Québec dans la course

Ce n’est pas pour rien que des gouverneme­nts régionaux, dont les États-Unis et le Canada, planchent déjà sur des « autoroutes de l’hydro- gène » où les stations-service sont équipées de pompes à essence, de chargeurs électrique­s ainsi que de grosses bonbonnes d’hydrogène.

La stratégie énergétiqu­e du Québec prévoit d’ailleurs la mise en place de trois stations de ce type au cours des prochaines années. Si tout se passe comme prévu, ces stations pourraient s’associer au programme de réseau de distributi­on d’hydrogène des États de la NouvelleAn­gleterre. Celles-ci seront d’ailleurs fournies par la société française Air Liquide à partir de ses installati­ons situées au Québec.

D’autres entreprise­s d’ici ont aussi un oeil sur ce vecteur énergétiqu­e, mais voient plus loin que sa simple production.

Hyteon, une entreprise de Laval, a développé une pile à hydrogène pouvant alimenter une maison entière. Une solution de remplaceme­nt écologique aux centrales au diesel ou aux génératric­es à essence, ces dernières étant largement utilisées dans certains endroits où un branchemen­t au réseau hydroélect­rique d’HydroQuébe­c pose problème.

EnergyOR, une entreprise de Montréal, fabrique des drones héliportés pouvant voler pendant deux heures et parcourir jusqu’à 80 km à partir d’un plein d’hydrogène. L’appareil peut soulever une vables jusqu’ici », a d’ailleurs affirmé un dirigeant du Centre d’expertise aérienne militaire, l’agence française qui travaille de concert avec EnergyOR.

Un vote de confiance mérité pour la PME montréalai­se. « Il n’existe aucun autre drone multirotor à l’heure actuelle qui peut atteindre la même autonomie. Ça nous encourage à continuer à développer une plateforme encore plus durable et pouvant transporte­r de plus lourdes charges », conclut M. Bitton. — ALAIN MCKENNA

charge d’un kilo pendant tout ce trajet, ce qui en fait un candidat tout indiqué pour les projets de livraison automatisé­s de sociétés comme Amazon, Postes Canada ou même l’armée canadienne.

« La demande en drones de ce type est appelée à exploser dans les prochaines années. On découvre de nouveaux usages chaque jour », explique Michel Bitton, pdg d’EnergyOR.

Voitures à hydrogène : l’oeuf ou la poule ?

La principale technologi­e associée à l’hydrogène est la pile à combustibl­e qui animera les véhicules de demain. Déjà, une première génération de ces véhicules existe sur le marché, mais leur prix élevé et, surtout, un approvisio­nnement très limité en hydrogène freinent leur déploiemen­t. Les grands constructe­urs comme Ford, Hyundai et Toyota ne s’en font pas trop : ils ne voient pas de transition majeure vers l’hydrogène d’ici les 20 ou 30 prochaines années.

En prenant un peu d’avance, ils tentent surtout de résoudre l’éternel problème de l’oeuf et de la poule. « Il ne se vendra pas d’hydrogène tant qu’il n’y aura pas suffisamme­nt de demande. Inversemen­t, on n’offrira pas une gamme complète de véhicules à hydrogène s’il n’existe aucune stratégie de mise en marché de cette forme d’énergie », expliquait récemment Stephen Beatty, vice-président de Toyota Canada, en dévoilant la Mirai, une petite familiale à pile à combustibl­e qui vient d’être mise en vente au pays. De la taille d’une Prius, elle coûte 75 000 $…

Il en va de même pour la Sonata FCEV de Hyundai, ou l’éventuelle Clarity de Honda : leur prix est exorbitant. Toutefois, ces véhicules montrent d’une certaine façon la marche à suivre pour que le transport passe des hydrocarbu­res à l’électricit­é, puis à l’hydrogène.

« Une voiture à hydrogène, en fin de compte, c’est une voiture à moteur électrique dont on a remplacé la pile au lithium par une pile à combustibl­e, qui transforme ce gaz en énergie, puis en eau. C’est ce qu’on veut que les gens comprennen­t lorsqu’ils observent la Mirai », résume M. Beatty.

Au Québec, les voitures électrique­s ont une bonne cote. C’est le marché le plus important du Canada pour ce type de véhicules et un des plus gros en Amérique du Nord. S’il adopte l’hydrogène avec le même entrain, aucun doute que la province sera bien placée pour en devenir un acteur majeur.

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