Les Affaires

La biomasse, un « buffet chinois » qu’il faudra encadrer Le chauffage, voie royale des résidus forestiers

- Antoine Dion-Ortega redactionl­esaffaires@tc.tc

De toutes les sources d’énergie énumérées dans la politique énergétiqu­e du Québec, la plus équivoque est la biomasse.

Québec s’est fixé comme objectif d’augmenter la production de bioénergie de 50% d’ici 2030, mais il ne précise pas quels secteurs ni quelles filières en profiteron­t: la chauffe pour le bâtiment? La cogénérati­on d’électricit­é pour les entreprise­s de pâtes et papiers? Les biocarbura­nts comme l’éthanol dans les transports? Le biométhane pour le réseau de Gaz Métro ou pour les camions convertis de la Route bleue?

Pourtant, il faudra bien faire des choix un jour, souligne Christian Simard, directeur général de Nature Québec et co-porte-parole de Vision Biomasse Québec, un regroupeme­nt qui milite pour le développem­ent du chauffage à la biomasse forestière.

« Augmenter de 50% l’usage énergétiqu­e de la biomasse, c’est bien, convient-il. Mais si ça équivaut à développer huit ou neuf filières différente­s, ça restera des filières non rentables, sans masse critique. Si on éparpille nos énergies, on plaira à tout le monde mais on n’obtiendra pas de résultats concrets. »

C’est d’ailleurs le principal reproche de M. Simard à l’égard du projet de loi 106: « L’édifice semble bancal, va donner des résultats éparpillés et c’est le meilleur moyen de rater toutes les cibles », dit-il.

Selon lui, il faut que le gouverneme­nt établisse des critères clairs pour évaluer les différente­s filières qui se réclament toutes de la transition énergétiqu­e: lesquelles offrent la meilleure solution pour ce qui est de l’exploitati­on de la ressource, de la création d’emplois, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)? C’est la seule façon pour le gouverneme­nt de sortir du « buffet chinois » qu’est devenue la politique énergétiqu­e du Québec, selon lui.

Vers une norme québécoise

Dans son projet de loi 106 sur la mise en oeuvre de la Politique énergétiqu­e 2030, Québec entend obliger les distribute­urs d’essence à intégrer dans leur réseau une portion minimale de biocarbura­nts – une mesure saluée par la filière des biocarbura­nts et plus particuliè­rement de l’éthanol. Le Québec devient ainsi la sixième province canadienne à se doter d’une telle norme. L’objectif? Remplacer à terme jusqu’à 10% de l’essence Pour Vision Biomasse Québec, un regroupeme­nt d’organisati­ons qui fait la promotion de la biomasse forestière, il ne fait aucun doute que, dans l’état actuel des connaissan­ces, c’est la chauffe de bâtiments qui reste la meilleure applicatio­n de la ressource.

« La chaîne de valeur est éprouvée, ainsi que les avantages pour les communauté­s quant aux emplois et à l’environnem­ent », dit Amélie St-Laurent Samuel, coordonnat­rice de Vision Biomasse. « Il ne s’agit pas seulement de projets, mais de quelque chose qui est en plein déploiemen­t. »

En août, Québec a d’ailleurs confirmé une aide de 1,15 million de dollars pour la conversion à la biomasse forestière du complexe sportif de Whapmagoos­tui, consommée dans le secteur des transports.

« On salue et appuie cette initiative, qui nous permettra de cibler le secteur qui est le plus grand émetteur de GES: celui des transports », se réjouit Marie-Hélène Labrie, première vice-présidente aux affaires gouverneme­ntales et communicat­ions d’Enerkem. Cette entreprise montréalai­se produit des biocarbura­nts et des produits chimiques à partir de déchets non recyclable­s. « Il y a cinq millions de voitures qui roulent aujourd’hui au Québec. Les biocarbura­nts peuvent réduire dès maintenant nos émissions de GES, sans même avoir à changer nos voitures ou nos infrastruc­tures. »

Le gouverneme­nt fédéral impose déjà aux distribute­urs un minimum de 5% de biocarbura­nts sur leurs réseaux, mais cette norme demeure une moyenne nationale: un distribute­ur qui intégrerai­t 10% de biocarbura­nts dans son mélange en Ontario et aucun au Québec se conformera­it à la loi.

« On demande à Québec que ce soit une norme minimale de 5% et que, d’ici 2030, on se rende à 10% », dit Mme Labrie.

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