Les Affaires

Miser sur la composante sociale de l’innovation

- Benoîte Labrosse redactionl­esaffaires@tc.tc

La valorisati­on ne se limite pas à la commercial­isation des découverte­s fondamenta­les. Elle englobe le recours à des recherches universita­ires par des entreprene­urs qui souhaitent mieux adapter leurs produits aux besoins des futurs utilisateu­rs.

« Le rôle d’une université, ce n’est pas d’ouvrir un paquet d’entreprise­s ; c’est de développer les connaissan­ces, de pousser plus loin les limites du savoir, souligne Robert Proulx, recteur de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Par la suite, les gens d’affaires peuvent utiliser ces travaux de recherche pour créer des produits innovateur­s. »

À l’UQAM, « la recherche, même fondamenta­le, est dirigée de façon à permettre de solutionne­r des problèmes du monde ordinaire » depuis sa fondation en 1969, poursuit-il. « Il n’y a pas d’innovation technologi­que si elle n’a pas une composante sociale. Même quand on invente le bidule le plus intéressan­t du monde, s’il ne sert pas à personne ou que les gens ne peuvent pas l’intégrer dans leur quotidien, il n’y aura pas d’innovation. »

La Société des alcools du Québec (SAQ) a par exemple bénéficié des connaissan­ces du professeur Fabien Durif, directeur de l’Observatoi­re de la consommati­on responsabl­e. « Ses recherches ont amené la SAQ à travailler avec des entreprise­s pour créer de nouveaux contenants et emballages écorespons­ables », précise Catherine Mounier, la vice-rectrice à la recherche et création de l’UQAM.

L’innovation sociale peut également dépasser le cadre des entreprise­s pour contribuer au développem­ent économique global d’un quartier. Les travaux des professeur­s Juan-Luis Klein et Jean-Marc Fontan – professeur­s de géographie et de sociologie, respective­ment – ont ainsi contribué à la structurat­ion du Technopôle Angus, à Rosemont. « À la suite de la fermeture des ateliers du Canadien Pacifique, ils ont travaillé sur une nouvelle façon de redynamise­r et de réindustri­aliser le secteur de manière à y réintégrer l’économie et la vie des collectivi­tés afin qu’il y ait une rentabilit­é dans le quartier », indique Catherine Mounier.

Quartier de l’innovation, un environnem­ent idéal

Le professeur Klein, aujourd’hui directeur du Centre de recherche sur les innovation­s sociales (CRISES), poursuit ses travaux dans d’autres secteurs aux prises avec des enjeux de réindustri­alisation, dont Griffintow­n. Ses recherches seront donc mises à contributi­on au sein du nouveau partenaria­t de l’UQAM avec le Quartier de l’innovation (QI), annoncé le 27 septembre dernier.

Le QI, dont le territoire d’action s’étend des rues Atwater à McGill et du boulevard René-Lévesque au canal Lachine, se définit comme « un entremette­ur d’innovation qui va chercher des investisse­ments publics ou privés qui permettent de maximiser les recherches et de trouver un équilibre entre le privé, le public et les citoyens », dit son directeur général, Damien Silès.

« En tant que laboratoir­e d’expériment­ation urbaine de calibre internatio­nal, nous tentons de voir comment humaniser et démocratis­er l’innovation, et nous voulons utiliser les savoir-faire de chacune des université­s membres [ÉTS, McGill, Concordia et UQAM] pour développer les quatre piliers de l’innovation que sont l’industriel, la recherche et la formation, le social et le culturel, puis l’urbain », détaille-t-il.

L’une de leurs méthodes est de mettre en contact universita­ires et gens d’affaires, entre autres par la série de déjeuners thématique­s Mat’Inno et de l’annuel Sommet de Montréal sur l’innovation.

La quête de connaissan­ces théoriques du QI s’arrime parfaiteme­nt à celle de terrains pratiques de l’UQAM.

« Nos chercheurs ont de bonnes idées, mais il nous faut des milieux [pour les appliquer], souligne Robert Proulx. Le Quartier de l’innovation est un environnem­ent idéal pour mettre en oeuvre des recherches qui vont stimuler les gens d’affaires à élaborer des produits dérivés à la fine pointe de la technologi­e. »

Le programme de partenaria­ts entre l’UQAM et le QI est encore « en développem­ent ». Cependant, certains rapprochem­ents s’imposent déjà, affirme Catherine Mounier. « Ce secteur est le terrain d’expériment­ation d’un projet de la professeur­e d’études urbaines Priscilla Ananian [intitulé Approche critique du rôle de l’urbanisme dans la fabrique des lieux d’innovation­s]. Elle travailler­a sur la manière d’intégrer l’innovation dans un quartier déjà construit. »

Catherine Mounier pense aussi à un enjeu de taille pour le QI : le développem­ent immobilier. « La Chaire Ivanhoé Cambridge d’immobilier s’interroge sur les impacts qu’auront les nouvelles constructi­ons sur le milieu de vie, les liens avec les transports, l’accessibil­ité universell­e… énumère la vice-rectrice. Ce sont tous des sujets sur lesquels les entreprene­urs ont besoin d’études externes pour pouvoir donner une valeur ajoutée à leurs immeubles. »

Une rencontre entre un groupe de promoteurs immobilier­s et des chercheurs a d’ailleurs eu lieu en octobre. « L’idée est de nourrir les grands promoteurs des connaissan­ces des universita­ires, puis de les amener à utiliser ce savoirfair­e pour améliorer leurs constructi­ons. C’est du concret et ça marche », dit Damien Silès.

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