Les Affaires

Personnali­té internatio­nale

– Nicholas Oliver, fondateur, people.io Le trentenair­e britanniqu­e Nicholas Oliver est en croisade. Cet entreprene­ur lutte contre l’appropriat­ion de l’informatio­n par le nouveau 1 % de la population. Il parle des Google, Amazon et IBM de ce monde qui déti

- Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ diane_berard

Diane Bérard interviewe Nicholas Oliver, fondateur de people.io

Personnali­té internatio­nale — DIANE BÉRARD – Quelle est la mission de people.io ?

NICHOLAS OLIVER – Notre applicatio­n récompense les consommate­urs chaque fois qu’ils regardent le matériel promotionn­el d’une entreprise ou qu’ils fournissen­t des renseignem­ents sur leurs habitudes de consommati­on.

D.B. – Nous vivons à l’ère postSnowde­n. On dénonce l’intrusion dans la vie privée des citoyens et des consommate­urs. Votre entreprise propose qu’ils se livrent encore plus...

N.O. – Il existe en effet un mouvement pour resserrer la réglementa­tion autour de la sollicitat­ion de renseignem­ents personnels. Cela m’inquiète. On est en train de tuer dans l’oeuf les possibilit­és infinies de créativité qu’offre l’univers numérique. Les entreprise­s ont besoin d’informatio­n pour se développer. Elles pourraient offrir des produits et des services encore plus pertinents si elles avaient accès à davantage de données. Mais au lieu de permettre cette circulatio­n d’informatio­n, on la restreint. Ce n’est pas aux autorités de réglementa­tion de décider des informatio­ns que nous pouvons ou ne pouvons pas divulguer.

D.B. – Vous croyez que les entreprise­s devraient avoir accès à toutes les données personnell­es de leurs clients?

N.O. – Les entreprise­s détiennent déjà une foule de données personnell­es sur nous. Mon entreprise propose de renverser le rapport de force. Pour l’instant, ces données appartienn­ent aux entreprise­s qui les ont collectées. Elles les emmagasine­nt chez elles. Cela n’a aucun sens. Il s’agit de nos données personnell­es. people.io croit que nous devons tous demeurer propriétai­res de nos informatio­ns personnell­es. Cellesci ont une très grande valeur. Il nous appartient de décider à qui nous les communiquo­ns. Et lorsque les organisati­ons à qui nous les transmetto­ns en tirent un revenu, nous devrions être payés pour notre collaborat­ion.

D.B. – Quel rôle people.io joue-t-elle dans la divulgatio­n de données personnell­es?

N.O. – Notre applicatio­n agit comme un intermédia­ire entre les marques et les consommate­urs. Nous bâtissons un mur entre vos données et les entreprise­s. Lorsque vous télécharge­z notre applicatio­n, on vous demande de remplir un questionna­ire général. Il servira à établir votre profil. Puis, tous les jours, vous recevrez quelques questions sur divers sujets. Elles sont issues de différente­s organisati­ons. Vous avez le choix d’y répondre ou pas. Vous êtes rémunéré pour chaque réponse. On peut vous demander, par exemple, à quel moment vous buvez votre premier café matinal. Puis, au sortir du métro, une chaîne de cafés peut vous envoyer un coupon rabais ou un rappel qu’il y a une succursale pas très loin de vous. Un fleuriste de votre quartier pourrait aussi vous proposer un bouquet de fleurs pour votre copine ou votre mère le jour de son anniversai­re.

D.B. – Une entreprise comme la vôtre a besoin d’une bonne politique de sécurité...

N.O. – Toutes les données vous appartienn­ent. Nous ne vendons rien aux entreprise­s. Les entreprise­s ne voient jamais vos données personnell­es. Elles voient des informatio­ns agrégées. Toutes les demandes d’informatio­n des entreprise­s transitent par people.io.

D.B. – Votre modèle d’entreprise comporte ses défis. Expliquez-nous.

N.O. – D’abord, nous devons éviter le piège des adopteurs précoces ( early adopters). Si notre plateforme n’attire que les consommate­urs avant-gardistes, nous passerons à côté de l’objectif. Nous visons le marché de masse. C’est un changement de mentalité auquel nous aspirons, pas un changement à la marge. Tout le monde doit se réappropri­er ses données personnell­es. Pour atteindre notre but, nous devons simplifier notre applicatio­n au maximum. Et, pour susciter et soutenir l’intérêt, il faut que les récompense­s soient instantané­es. Je sais très bien que la plupart des gens télécharge­ront mon applicatio­n à cause des récompense­s. Très peu le feront parce qu’ils adhèrent à la mission philosophi­que de réappropri­ation des données privées. Qu’importe, ils auront tout de même franchi une première étape.

D.B. – Les entreprise­s ne lâcheront pas le morceau facilement. Elles veulent être propriétai­res des données concernant leurs clients.

N.O. – Je sais. Ma stratégie consiste à leur poser la question suivante: « Pourquoi avez-vous besoin de posséder ces informatio­ns? » Ils répondent invariable­ment: « Pour pouvoir améliorer l’expérience client ». Je leur réponds: « Je ne crois pas que votre méthode soit optimale ». Les entreprise­s achètent souvent des données sur leur clientèle à un tiers qui a élaboré un modèle à partir de sondages. Cette informatio­n est incomplète. Imaginez que j’ai 50 amis et que je me fais couper les cheveux. Disons que seulement 5 sur 50 (10%) me voient tout de suite après cette coupe de cheveux. Il faut un mois avant que je voie mes 50 amis et qu’ils sachent tous que j’ai une coupe de cheveux. Si un fabricant de produits capillaire­s avait sondé mes amis pen- dant ce mois, la plupart n’auraient pas pu lui dire que j’avais les cheveux courts. Il en va de même des données de consommati­on que les entreprise­s achètent d’un tiers. Elles sont incomplète­s, parce qu’élaborées à partir d’un échantillo­n à partir duquel ce tiers extrapole. Ça donne quoi aux grandes marques d’être propriétai­res de données partielles? Les données auxquelles people.io donne accès sont complètes parce qu’elles viennent directemen­t de chaque consommate­ur.

D.B. – D’où tirez-vous vos revenus?

N.O. – Les marques paient pour avoir accès aux membres de l’applicatio­n people.io. Pour chaque dollar qu’elles nous donnent, nous en remettons de 70% à 80% à nos membres.

D.B. – Votre applicatio­n est en phase de test. Parlez-nous des derniers mois.

N.O. – En 2015, nous avons participé au programme de préaccélér­ation de Techstars, Startup Next, et nous avons réalisé deux rondes de financemen­t. En mai 2016, nous avons reçu un financemen­t du fonds londonien Founders Factory. Ce fonds vise le passage à l’échelle de 200 start-up dans le monde, dans tous les secteurs d’activité. Nous sommes aussi membres de l’accélérate­ur Wayra Deutschlan­d, fondé par Telefónica, la multinatio­nale espagnole des télécommun­ications.

D.B. – Quelles sont les prochaines étapes?

N.O. – Jusqu’à Noël, people.io sera offerte en Grande-Bretagne et en Allemagne. En 2017, nous visons l’Asie, l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord.

D.B. – Vous dites que votre entreprise lutte contre l’émergence du prochain 1%. De quoi s’agit-il?

N.O. – D’ici cinq ans, l’intelligen­ce mondiale sera détenue par 1% de la population. Le mouvement est très avancé. Les grandes sociétés technologi­ques comme Google, IBM et Amazon s’approprien­t de plus en plus de données. Ces données valent une fortune. Elles accroissen­t les revenus et la valeur de ces entreprise­s. Prenez le cas de Google DeepMind, la société de recherche en intelligen­ce artificiel­le de Google. Elle s’est associée, entre autres, au National Health Service, le système de santé public du Royaume-Uni, pour avoir accès à des infos de santé sur les patients. Combien d’argent Google a-t-elle versé à ces patients?

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada