Les Affaires

Le plan économique de Trump : fantaisist­e, incohérent et dangereux

Le programme économique de Trump aurait un effet positif à court terme pour l’économie, mais il serait désastreux à long terme.

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L’une des principale­s raisons de la victoire de Donald Trump est son programme économique, qui inclut des baisses d’impôts et des mesures protection­nistes qui, espère le président désigné, créeront des emplois.

On sait que les riches, qui ont les impôts en horreur, ont majoritair­ement voté en faveur de Trump. L’augmentati­on de 14% du Dow Jones U.S. Bank Index dans les jours qui ont suivi son élection a montré l’enthousias­me de Wall Street relativeme­nt à la hausse des taux d’intérêt qui résultera du financemen­t du déficit du gouverneme­nt créé par les baisses d’impôt prévues et par le programme d’investisse­ments en infrastruc­tures promis par le président désigné.

Ce dernier a aussi recueilli d’impression­nantes majorités dans les régions victimes des pertes d’emplois dans le secteur manufactur­ier. Les chômeurs et les travailleu­rs à petit salaire ont cru que Trump ramènera les emplois perdus au profit de la Chine et du Mexique et qu’il rouvrira les mines de charbon. Mais comme Donald Trump a promis d’accroître la production de pétrole et de gaz de schiste (ce dernier a remplacé le charbon pour produire de l’électricit­é), il est improbable que ces mines puissent rouvrir.

Les baisses d’impôt proposées par Donald Trump sont démesurées. S’il a le feu vert du Congrès et si ces baisses ne sont pas accompagné­es de réductions de dépenses, les revenus du gouverneme­nt seront réduits de 6,2 billions de dollars américains (8 370G$ CA) sur 10 ans, selon le Tax Policy Center (TPC) de la très réputée Wharton School de l’Université de Pennsylvan­ie.

Naturellem­ent, Donald Trump prétend le contraire, estimant que les rentrées fiscales résultant de son programme combleront le manque à gagner du gouverneme­nt fédéral. Ces revenus proviendra­ient de l’imposition de nouveaux droits de douane sur les importatio­ns, de la relance de l’industrie de l’énergie et de l’intensific­ation de l’activité économique qui résultera des baisses d’impôt, comme si les riches, qui en seront les principaux bénéficiai­res, consommero­nt davantage.

Selon le TPC, près de la moitié des réductions d’impôt iront aux personnes qui gagnent un revenu annuel de 700 000$ et plus (1% des contribuab­les), alors que celles qui gagnent 3,7 M$ et plus (0,1% des contribuab­les) seront gratifiées d’une baisse d’impôt moyenne de 1M$ (14% de leur revenu après impôt). Ces gains s’expliquent par la baisse de 39,6% à 33% du taux marginal maximum sur le revenu imposable des particulie­rs. Pire, des contribuab­les de la classe moyenne paieraient plus d’impôt en raison de l’éliminatio­n des exemptions personnell­es concernant le chef de famille et les enfants.

Trump propose aussi de diminuer de 35% à 15% le taux d’impôt sur les bénéfices, sans égard à la taille des entreprise­s, au lieu du taux de 20% envisagé par la Chambre des représenta­nts.

Il est toutefois fort possible que ces baisses d’impôt ne soient pas mises en vigueur totalement, puisque la Chambre ne veut pas d’une aggravatio­n du déficit du gouverneme­nt. C’est d’ailleurs dans ce but que celle-ci propose de privatiser la sécurité sociale et Medicare, des programmes que Donald Trump veut conserver.

Autre source de divergence­s, le programme d’infrastruc­tures d’un billion de dollars américains (1 350 G$ CA) sur 10 ans proposé par le président désigné, auquel il faut ajouter le coût du mur avec le Mexique et le budget de la défense nationale que Trump veut maintenir. Tout cela amplifiera­it également le déficit et la dette, ce qui déplaît à plusieurs élus républicai­ns.

Selon David Rosenberg, économiste en chef de Gluskin Sheff, les programmes de réduction des impôts et d’investisse­ments dans les infrastruc­tures de Donald Trump feraient passer le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB de 77%, actuelleme­nt, à 105%, en 2026. Pire encore, le coût du service de la dette, qui représente 7% de chaque dollar de revenu du gouverneme­nt fédéral, passerait à 25% en 2020, ce qu’il qualifie de « ruines fiscales ».

Il pourrait en résulter une chute du dollar américain, une hausse des taux d’intérêt et une récession, qui feraient exploser le déficit du gouverneme­nt, provoquant même une crise. Cela, sans compter que Donald Trump veut déréglemen­ter de nouveau le système financier, ce qui amènerait les banques à multiplier les risques qu’elles prennent. Le président désigné n’a rien appris de la crise financière de 2008, alors que les banques ont été secourues par l’État.

Autres promesses irresponsa­bles, les mesures protection­nistes feraient monter les coûts dans toute la chaîne de production manufactur­ière et seraient refilées aux consommate­urs, ce qui créerait une inflation généralisé­e et rendrait l’économie américaine moins concurrent­ielle.

Au lieu de produire les bénéfices qui ont été vendus à la population, le virage protection­niste de Trump créerait l’effet contraire, ce qui alimentera­it la déception et le cynisme.

À cause de l’argent qu’il injecterai­t dans l’économie, le programme de Donald Trump aurait un effet positif à court terme. Mais il serait désastreux à long terme, car il mènerait à la disparitio­n de millions d’emplois et affaiblira­it l’économie. Heureuseme­nt, le Congrès a le pouvoir ramener le futur président à la raison.

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Jean-Paul Gagné jean-paul.gagne@tc.tc Chroniqueu­r | @@ gagnejp

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