Les Affaires

Quelles sont les perspectiv­es des ports dont personne ne veut ?

- Antoine Dion-Ortega redactionl­esaffaires@tc.tc

Stratégie maritime — Tout au long de l’année, le ministre délégué aux Affaires maritimes, Jean D’Amour, a mené sa tournée dans chacune des 16 zones industrial­o-portuaires (ZIP) du Québec pour y signer des ententes de collaborat­ion et annoncer l’aide financière qui doit servir à préparer les plans de tous ces futurs développem­ents industriel­s. Pourtant, Québec s’est jusqu’à maintenant bien gardé d’aborder l’épineux dossier des ports dont Ottawa souhaite se départir et dont les investisse­ments stagnent depuis 20 ans.

L’apparente uniformité des 16 ZIP annoncées dans les derniers mois ne doit pas occulter la diversité des ports québécois. Certains sont gérés par des administra­tions portuaires (Sept-Îles, Trois-Rivières), d’autres, par des municipali­tés (Salaberryd­e-Valleyfiel­d), d’autres encore, par des entreprise­s privées (Sorel-Tracy), et au moins un appartient au gouverneme­nt du Québec (Bécancour).

Pas moins de 25 ports du Québec sont encore détenus par Transports Canada, plus de 20 ans après que celui-ci eut exprimé son souhait de s’en départir par un programme de cession, en 1995. C’est plus que tous les ports qu’il lui reste dans toutes les autres provinces canadienne­s combinées!

On remarquera que plusieurs de ces ports – ceux de la Basse-Côte-Nord, entre autres – sont minuscules. Mais en l’absence de lien routier, ils n’en sont pas moins vitaux pour les communauté­s locales. On retrouve également dans cette liste des ports d’un grand intérêt régional et autour desquels Québec espère maintenant développer des ZIP: Rimouski, Baie-Comeau, Cacouna, Matane, Gaspé... Dans les environs de ces ports qui n’ont jamais trouvé preneur et dont les quais sont souvent en manque d’investisse­ment, la stratégie de Québec de développem­ent périphériq­ue fonctionne­ra-t-elle ? Suivre le client, plutôt que l’attendre Pour Madeleine Paquin, présidente et chef de la direction du fournisseu­r de services maritimes Logistec, investir dans des ports dans l’espoir d’attirer des cargaisons serait un pari bien risqué. Aussi croit-elle que la question de leur propriété ne remet pas en cause la pertinence des ZIP.

« Ce qui va faire le succès d’un port, ce sont les cargaisons qui vont y passer, dit-elle. On peut investir dans un port et ne pas recevoir de cargaison; et là, on a jeté notre argent à l’eau. Il y a eu une époque où on investissa­it dans les ports en espérant que le cargo vienne. Moi, je pense qu’il faut aller chercher le cargo, puis investir par la suite dans les infrastruc­tures afin de bien servir le client. »

Elle donne l’exemple du projet minier d’Arianne Phosphate au lac à Paul, qui vise à construire un terminal maritime sur la rive nord de la rivière Saguenay pour y transborde­r du concentré d’apatite. « Ils ont besoin d’un quai pour leurs exportatio­ns, on va les suivre et tenter de trouver des solutions », dit-elle. Le cas de Gaspé En juin dernier, c’était au tour de Gaspé de recevoir le ministre D’Amour. La ZIP rassemble trois sites distincts, soit le port de Rivière-auRenard (pêches), le parc industriel des Augustines et le port de Sandy Beach (industriel).

Sous-exploité depuis la fermeture de la fonderie de Mines Gaspé à Murdochvil­le, ce dernier répond maintenant à des besoins courants, tels que le sel de déglaçage ou les produits pétroliers. En 2007, Constructi­on DJL a bien relancé l’activité portuaire avec l’exportatio­n de granulat, mais l’aventure aura duré moins de quatre ans.

« C’est le deuxième des grands ports naturels en eaux profondes dans le monde, dit Daniel Côté, maire de Gaspé. Sauf qu’on a juste un petit bout de quai au milieu. On a examiné la possibilit­é de le prolonger, mais les coûts sont astronomiq­ues. »

Voilà des années que Gaspé et le gouverneme­nt fédéral se relancent la balle à propos du port. « Ils veulent nous le céder, mais nous ne le voulons pas », dit M. Côté.

Pour le moment, sa priorité se trouve plutôt du côté du chemin de fer reliant Gaspé à Matapédia et dont la réfection pourrait coûter jusqu’à 86 M$ à Québec.

Vers de prochaines acquisitio­ns?

Depuis le lancement de la Stratégie maritime en juin 2015, 84 projets ont été déposés au gouverneme­nt. Certains ont abouti, d’autres sont en cours de réalisatio­n. Les engagement­s de Québec se chiffrent à 209 M$, tandis que les retombées prévues s’élèvent à 1,5 milliard de dollars.

« On a entre les mains 800 M$ à investir dans trois programmes, et je donne la garantie qu’à l’intérieur de deux mois, on peut donner des réponses aux promoteurs », dit le ministre délégué aux Affaires maritimes, Jean D’Amour. De cette somme, 300 M$ sont destinés à l’implantati­on d’entreprise­s dans les ZIP.

Quant à des acquisitio­ns prochaines, M. D’Amour reste prudent. « Je vous confirme que nous parlons au fédéral de façon assidue, dit-il. Mais il est trop tôt pour faire des annonces. »

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