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Personnali­té internatio­nale

- Daniel Ramot, cofondateu­r de l’applicatio­n de transport collectif Via Depuis 2017, les Parisiens ont accès à une nouvelle offre de transport collectif. Aux heures de pointe, ils peuvent se déplacer pour cinq euros grâce à l’offre Plus de l’applicatio­n L

- Chronique Diane Bérard diane.berard@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ diane_berard

Daniel Ramot, cofondateu­r de l’applicatio­n de transport collectif Via « Il faut repenser le transport public, surtout dans un contexte où les ressources des États diminuent. Une société privée peut très bien contribuer à l’offre de transport public. »

Personnali­té internatio­nale — DIANE BÉRARD – Vous avez un doctorat en neuroscien­ces de Stanford. Quel est le lien avec le secteur des transports ?

DANIEL RAMOT –( Rires) Ma mère m’a posé la même question ! Elle m’a dit : « Quelle drôle d’idée ! Après toute cette éducation de haut niveau que tu as reçue... » J’ai toujours voulu être entreprene­ur. Mon cofondateu­r, Oren Shoval, et moi sommes amis depuis 20 ans. Nous avons exploré toutes sortes d’idées d’entreprise­s. Il fallait simplement respecter deux critères : que notre idée ait un impact positif sur la société et qu’elle exige un développem­ent technologi­que complexe. Le secteur du transport remplit ces deux conditions. Des déplacemen­ts fluides et accessible­s facilitent la vie de milliers de citoyens. Et pour y arriver, il faut développer des algorithme­s complexes.

D.B. – Vous visez la réingénier­ie du transport public. Quel vide souhaitez-vous combler ?

D.R. – La demande de transport collectif est dynamique, elle change constammen­t. À la fin d’un match au Madison Square Garden de New York, par exemple, la demande explose, puis retombe. Mais il n’y a pas que ces variations brusques. Il y a aussi les variations à moyen terme. Les population­s se déplacent, le visage des quartiers évolue. Dans les deux cas, il n’est pas facile d’adapter l’offre régulière de transport collectif. Il faut s’en remettre à des complément­s. L’applicatio­n Via en fait partie.

D.B. – Via est inspirée des sheruts israéliens. De quoi s’agit-il ?

D.R. – Les sheruts sont des fourgonnet­tes qui parcourent les mêmes routes que les bus et portent le même numéro qu’eux. Vous les hélez à n’importe quelle étape du trajet. Pas besoin de vous trouver à un arrêt. S’il reste de la place, le chauffeur s’arrête et vous montez. Il vous en coûte le même prix qu’un trajet en bus, mais c’est plus rapide. Et vous pouvez descendre où vous le souhaitez. On trouve cette formule partout dans le monde. En Amérique du Sud, on les nomme colectivos, et en Thaïlande, tuk tuk. La formule israélienn­e nous est familière, à Oren et à moi, car nous sommes originaire­s de ce pays.

D.B. – Quelle est l’offre de Via ?

D.R. – Via est moins chère qu’un taxi. Et plus pratique que le bus, à un prix presque semblable. Vous télécharge­z notre applicatio­n. Vous inscrivez vos informatio­ns personnell­es ainsi que votre numéro de carte de crédit. Lorsque vous avez besoin d’un transport, vous envoyez une demande par l’intermédia­ire de l’applicatio­n. Votre position nous est connue par géolocalis­ation. Nous vous demandons de vous rendre à un arrêt virtuel, qui ne se trouve jamais à plus de deux ou trois coins de rue de vous. Vous avez cinq minutes pour y être. Si l’offre vous convient, vous l’acceptez et vous vous rendez au lieu de rencontre. Le chauffeur vous attend une minute, pas plus. L’algorithme s’assure que le chauffeur ne fait aucun détour inutile pour les autres passagers se trouvant déjà dans le véhicule.

D.B. – Quelle est la différence entre Via et le service de Lyft ou d’Uber ?

D.R. – C’est très différent, car Lyft et Uber offrent du taxi individuel. Via est un service collectif. Depuis qu’Uber et Lyft proposent aussi un service de transport partagé, nos services se ressemblen­t davantage. Toutefois, nous ne pratiquons pas de politique de prix dynamique, comme le fait Uber. Nos prix sont fixes, peu importe les circonstan­ces ou la demande.

D.B. – Sur les pieds de qui votre entreprise marche-t-elle ?

D.R. – Personne. Via vient simplement compléter l’offre de transport collectif. Parfois, le transport partagé convient. Parfois, il ne convient pas. Si vous avez un rendez-vous galant, vous souhaitez probableme­nt être seuls dans le véhicule. Il en va de même si vous avez un appel important à effectuer pendant votre déplacemen­t. Toutefois, si vous cherchez l’efficacité et un coût modéré, le service collectif convient tout à fait.

D.B. – Le transport collectif est un service public. Ne devrait-il pas être offert par l’État ?

D.R. – C’est une idée préconçue. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le métro de New York, par exemple, était exploité par une société privée. Il faut repenser le transport public, surtout dans un contexte où les ressources des États diminuent. Une société privée peut très bien contribuer à l’offre de transport public.

D.B. – Le traitement des chauffeurs oeuvrant pour les plateforme­s de transport suscite la controvers­e. Comment vos chauffeurs sont-ils rémunérés ?

D.R. – Le recrutemen­t et la rétention des chauffeurs font partie de nos enjeux majeurs. C’est ce qui freine notre croissance. Il est bien plus difficile de recruter des chauffeurs que de trouver des clients. C’est pourquoi nous accordons un soin particulie­r au traitement de nos chauffeurs. Nous les payons à l’heure et nous leur garantisso­ns un minimum d’heures par semaine.

D.B. – Comment recrutez-vous des chauffeurs ?

D.R. – Plusieurs nous sont recommandé­s. Pour trouver les autres, nous faisons de la publicité. Nous nous affichons sur Craiglist, sur les panneaux, à l’arrière des autobus...

D.B. – En janvier 2017, vous avez annoncé un partenaria­t avec la SNCF pour vous implanter à Paris. C’est l’autre moitié de votre modèle de revenu. Expliquez-nous.

D.R. – Nous menons deux stratégies parallèles, chacune assortie de sa source de revenu. D’abord, nous exploitons notre plateforme, où les consommate­urs accèdent à notre service directemen­t. Leur trajet est facturé par leur carte de crédit. Nous partageons les revenus avec nos chauffeurs. Nous faisons aussi équipe avec un système de transport public, un organisme gouverneme­ntal ou une société de transport privée à qui nous fournisson­s notre plateforme sous licence. C’est le cas de notre partenaria­t avec Keolis [une filiale à 70 % de la SNCF] et du service de transport privé de luxe LeCab. Désormais, les clients de LeCab ont accès à un service supplément­aire, l’offre Plus. C’est le service Via. Une offre à prix fixe, moins chère que le service régulier LeCab, puisque le chauffeur transporte plusieurs passagers.

D.B. – Quels sont vos principaux défis ?

D.R. – Il nous faut trouver l’équilibre entre nos deux services. La plateforme que nous exploitons directemen­t nous permet de recueillir une foule de données, qui contribuen­t à améliorer l’efficacité de notre algorithme. Et, du coup, d’optimiser les trajets pour satisfaire les passagers davantage et permettre à nos chauffeurs d’effectuer plus de courses. Les licences que nous accordons nous évitent de nous casser la tête avec les exigences réglementa­ires étrangères. Nos partenaire­s locaux, eux, sont au courant de ces exigences.

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