Les Affaires

Rene Vézina

- René Vézina rene.vezina@tc.tc Chroniqueu­r | C @@ vezinar

De jeunes Iraniens en renfort à l’économie du Québec

Arvand Abab, 24ans, est avocat chez Propulsio 360, une firme montréalai­se offrant un guichet unique aux entreprise­s émergentes qui se lancent en affaires et qui doivent répondre à de nombreuses demandes réglementa­ires. Si certaines passent à travers le processus, c’est en partie grâce à lui et à ses collègues.

Dans ses (rares) moments libres, il est également président de l’aile jeunesse de la Chambre de commerce de la communauté iranienne du Québec.

Celle-ci ne compte encore qu’environ 90membres. Elle a été fondée il n’y a même pas deux ans, et les jeunes (40 ans ou moins) en forment la grande majorité. D’autres vont certaineme­nt s’ajouter. En 2014, environ 6 000 personnes d’origine iranienne sont arrivées au Québec. C’est un des plus importants contingent­s de gens venus d’ailleurs cette année-là.

Bon nombre de ceux qui sont déjà ici participen­t à l’économie du Québec comme avocats, ingénieurs, investisse­urs, médecins, entreprene­urs… mais on n’en parle pratiqueme­nt jamais.

Le père d’Arvand Abab est arrivé au Québec au milieu des années 1970, juste avant la révolution qui a détrôné le shah d’Iran. Sa mère a débarqué ici dix ans plus tard. Lui-même a fait ses études secondaire­s à Lachine, au Collège Saint-Louis, qui offre le Programme d’éducation internatio­nale. Après son cégep à Vanier, il s’est inscrit en droit à l’Université de Montréal et y a obtenu son diplôme à 22 ans, avant d’être admis au barreau quatre mois plus tard. Un exploit.

Doué ? Sur bien des plans. Il travaille à ce que les membres de son organisati­on s’entraident. Il cherche aussi à ce qu’ils établissen­t davantage de ponts avec leur société d’accueil, et éventuelle­ment, à nouer des relations commercial­es avec l’Iran, où les jeunes exigent plus d’ouverture sur l’extérieur. Surtout, il leur suggère de s’engager encore plus dans l’avenir du Québec, en espérant que de prochains immigrants iraniens y contribuer­ont d’autant plus qu’ils ne sont plus bienvenus dans les États-Unis de Donald Trump.

Ah oui, il y a cette question qui vous brûle les lèvres : il n’est probableme­nt pas islamiste, mais peut-être est-il musulman ? Non. Il est laïc. Cependant, ses conviction­s humanistes sont du genre à transcende­r les religions. Il aurait pu être musulman pratiquant, ou catholique, qu’il m’aurait parlé de la même façon. Son propos : il faut améliorer le sort des gens qui nous entourent.

J’ai obtenu ce tuyau de Monsef Derraji, pdg du Regroupeme­nt des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ). Lui-même immigrant, il est arrivé du Maroc pour une première fois en 2002 avant de s’installer définitive­ment au Québec en 2004. Après avoir lancé ici sa carrière dans l’industrie pharmaceut­ique, il a pris la direction du RJCCQ à l’automne 2015.

L’organisme compte une quarantain­e de jeunes chambres de commerce, qui offrent un soutien et une tribune aux jeunes profession­nels, aux jeunes entreprene­urs ou à toute personne de 40 ans ou moins active dans le secteur de l’économie. Le membership augmente continuell­ement. Et, fait remarquabl­e, c’est du côté des jeunes chambres « ethniques » que la progressio­n est la plus sentie.

À la Jeune chambre de commerce haïtienne, fondée en 2003, se sont ajoutées une dizaine de chambres (ou d’ailes jeunesse) de ce type : juive, turque, italienne, maghrébine... Elles ont rejoint les jeunes chambres de commerce du Saguenay, de Drummondvi­lle, de la Baie-des-Chaleurs, de Terrebonne et d’environ 25 autres lieux.

Après ça, allez vous plaindre du manque de vigueur de la relève québécoise en affaires ! Une nouvelle génération est à nos portes. Ses patronymes sont différents, mais ses ambitions, elles, sont tout aussi intenses.

C’est ce que nous annonçait un superentre­preneur québécois, Mitch Garber, qui a préféré modestemen­t se présenter comme gestionnai­re chez Caesars Interactiv­e Entertainm­ent, lors du récent Forum sur la relève entreprene­uriale présenté par le RJCCQ.

Le Québec inc. a marqué l’économie québécoise au 20e siècle grâce à ses entreprene­urs déterminés et visionnair­es, dit-il. D’autres, aujourd’hui, prennent le relais et se font déjà valoir, cette fois bien au-delà des frontières. Le nouveau Québec inc. comporte une multitude d’entreprene­urs audacieux venus d’ailleurs. Qui pourrait s’en plaindre ? Et pour ceux que ces révélation­s sur la contributi­on des immigrants à la constructi­on permanente de l’économie du Québec pourraient indisposer (il y en a mais, que voulez-vous, il faut de tout pour faire un monde), voici un message : vous êtes aussi bien de vous y habituer, parce que je n’ai pas fini d’en ajouter.

En passant, l’argument selon lequel les immigrants pèsent lourdement sur nos finances publiques parce qu’ils sont mal qualifiés, ou mal intégrés, tient de moins en moins, d’après l’Institut de la statistiqu­e du Québec. Celui-ci analyse les données pertinente­s depuis 2006, année où elles sont devenues accessible­s, et vient de nous indiquer qu’ils participen­t plus que jamais au marché de l’emploi. En 2016, leur taux de chômage est passé pour la première fois sous la barre des 10 %.

Vrai, le taux global au Québec, en janvier, n’était que de 6,2 %. Essentiell­ement parce que la population active est en déclin.

Nous avons du travail à faire pour véritablem­ent mettre à profit ces travailleu­rs et ces entreprene­urs venus d’ailleurs qui peuvent soutenir notre société vieillissa­nte. Pouvons-nous le reconnaîtr­e une fois pour toutes ?

Une nouvelle génération est à nos portes. Ses patronymes sont différents, mais ses ambitions, elles, sont tout aussi intenses.

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