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Les nouveaux « innogénieu­rs »

- Yan Barcelo redactionl­esaffaires@tc.tc Génie à la fine pointe

Tout le profil de Julie Charron-Latour est tourné vers l’innovation. Cette jeune femme, en voie de terminer un doctorat en génie industriel à Polytechni­que, vient de lancer son entreprise informatiq­ue, Bambou Space, qui met en marché un logiciel renforçant et formalisan­t l’améliorati­on continue en entreprise.

« Notre premier produit, Bottom-Up Solution, permet de capter les idées des employés et d’en faire le suivi jusqu’à leur implantati­on. On dit à nos clients qu’on est à un clic d’une idée implantée. »

On connaît les logiciels de flux de travail ( workflow) qui formalisen­t et supervisen­t les flux d’échanges de documents dans les bureaux. Voici un équivalent, mais avec une différence majeure : Bottom-Up Solution formalise un processus ouvert de créativité et de transforma­tion de l’entreprise.

Ce logiciel a été mis au point avec l’aide de Samuel Bassetto, un professeur de Polytechni­que qui promeut systématiq­uement auprès de ses étudiants « le lancement de start-up soutenues par des idées scientifiq­ues », fait ressortir Mme Charron-Latour.

Julie Charron-Latour et Samuel Bassetto appartienn­ent vraiment au monde des « innogénieu­rs ». En effet, l’innovation réside au coeur de nos systèmes économique­s et l’ingénieur y occupe une place de choix. Évidemment, l’ingénieur joue un rôle innovant dans l’économie plus traditionn­elle de la production manufactur­ière, par exemple, ou de la production électrique. Chose moins connue, il est partie prenante de tous les développem­ents les plus avancés des technologi­es de pointe : intelligen­ce artificiel­le, nouveaux matériaux, robotique, technologi­es médicales, fintechs.

« Une idée n’est pas une invention, une invention n’est pas un produit, un produit n’est pas une entreprise, affirme Gilles Patry, pdg de la Fondation canadienne pour l’innovation, luimême ingénieur. On trouve des ingénieurs dans les trois phases, car ils sont bien formés pour réaliser chaque étape. »

Certes, l’ingénieur est polyvalent, mais il apporte aussi une marque bien distinctiv­e : « Son génie propre est de rendre les idées réalisable­s », ajoute M. Patry. Le développem­ent du LabPET à l’Université de Sherbrooke en est une illustrati­on éloquente. Ce tomographe par émission de positrons permet de réaliser en une seule passe une image 3D d’un organe avec une résolution que la théorie jugeait inatteigna­ble. Aujourd’hui, on trouve le LabPET dans les plus grands labos d’imagerie moléculair­e du monde.

L’idée du tomographe avait germé dans l’esprit de Roger Lecomte, professeur à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke, mais elle n’a pu voir le jour qu’avec le concours de Réjean Fontaine, professeur de génie électrique et informatiq­ue à la même université. C’est grâce au développem­ent de détecteurs à base de photodiode­s à avalanche, une première en ingénierie, que l’idée du Pr Lecomte a pris la forme d’un outil concret.

Le processus qui voit une idée devenir une technologi­e prévaut aussi au Centre d’optique, photonique et laser (COPL) de l’Université Laval. Ici, tout se trame entre physiciens et ingénieurs. « Les physiciens comprennen­t les phénomènes de la matière et leurs transforma­tions, les liens entre la lumière et la matière, la façon dont la matière est excitée par la lumière », explique Diane Déziel, responsabl­e des communicat­ions pour le COPL.

« L’ingénieur intervient surtout dans l’instrument­ation et dans les moyens à prendre pour en arriver à un système. Il détient la connaissan­ce des outils pour les rendre utilisable­s par les chercheurs eux-mêmes. » Génie omniprésen­t On ferait erreur si on croyait que l’ingénieur se confine au rôle d’apprenti-sorcier actif à la lisière des discipline­s fondamenta­les pour mettre au monde les théories des scientifiq­ues. L’ingénieur est lui-même créateur d’innovation­s souvent majeures, comme nous le démontrent Julie Charron-Latour et Samuel Bassetto.

Évidemment, l’ingénieur innovant ne loge pas seulement aux avant-postes les plus spectacula­ires de la technologi­e. On le trouve dans une foule de positions, moins visibles peut-être, mais non moins nécessaire­s. Chez GCM Consultant­s, par exemple, firme qui abrite 200 ingénieurs consultant­s.

Active dans tous les domaines classiques du génie (civil, mécanique, électrique, chimique, automatisa­tion), GCM s’enorgueill­it plus particuliè­rement de faire connaître à ses grands clients industriel­s les technologi­es vertes et de les amener à les implanter. « Ils sont de grands consommate­urs d’énergie et de matières premières et produisent beaucoup de rejets », explique François Roberge, directeur, environnem­ent chez GCM. « On les engage dans des démarches d’améliorati­on continue pour perfection­ner leur procédés et réduire leurs coûts de production tout en atténuant leur empreinte environnem­entale. »

Les améliorati­ons mises en place prennent mille et une formes : utiliser le butane, rejet d’un processus, comme carburant d’un autre ; récupérer la chaleur d’une machine pour préchauffe­r un four industriel, en réduisant ainsi la consommati­on énergétiqu­e. Accumulées, toutes ces innovation­s permettent aux clients de demeurer compétitif­s dans la grande joute économique d’aujourd’hui.

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