Les Affaires

Hausser le QI de la société

- — YAN BARCELO

L’intelligen­ce artificiel­le (IA) est la nouvelle frontière informatiq­ue, une sorte de FarWest technique où on fait flèche de tout bois. Dans un vaste effort de collaborat­ion, dont Montréal est devenu un centre névralgiqu­e grâce au projet IVADO, centré sur les techniques d’intelligen­ce artificiel­le, les discipline­s se multiplien­t, se mêlent et perdent leurs contours.

Au coeur de ce brouhaha interdisci­plinaire, l’ingénieur ratisse large, porteur d’une mission critique : « Mon but est d’amener les technologi­es d’apprentiss­age machine au génie civil de façon à contribuer à la société », affirme James Goulet, professeur au Départemen­t de génie civil, géologique et des mines de Polytechni­que. « Nos problèmes ne sont pas “sexy”, mais leurs impacts dans la société et dans l’économie sont immenses. »

Tous au front

L’ingénieur au coeur d’IVADO auquel on a affaire ne correspond pas au profil classique cantonné dans un secteur informatiq­ue, électrique ou chimique. Les membres de nombreuses discipline­s – informatic­iens, pharmacolo­gues, analystes financiers, ingénieurs – baignent dans les algorithme­s de l’IA. « Il y a un tel besoin de ressources dans le domaine que tout le monde met la main à la pâte, tout le monde est appelé au front », lance Michel Gagnon, professeur agrégé en génie informatiq­ue et génie logiciel à Polytechni­que.

Cependant, l’ingénieur imprime toujours sa marque spécifique, celle d’un « passeur », comme le fait ressortir Samuel Bassetto, professeur au Départemen­t de mathématiq­ues et de génie industriel de Polytechni­que. Celui-ci travaille à des systèmes d’améliorati­on de la qualité en milieu de production. « Dans les usines, mais aussi dans les entreprise­s de services, on dispose d’une foule d’outils informatiq­ues pour gérer les flux de production, mais rien ne permet de prédire si les produits vont être du niveau de qualité désiré », affirme-t-il.

Son travail consiste donc à concevoir des systèmes intelligen­ts pour recueillir et traiter les masses de données provenant d’une foule de senseurs et de capteurs qui, dans plusieurs cas, sont déjà en place. En appliquant des analyses de réseaux bayésiens (une des quatre branches de l’intelligen­ce artificiel­le), M. Bassetto ne vise pas seulement à prédire le niveau de qualité que respectero­nt les produits. Il s’agit aussi, dit-il, de « passer à des actions concrètes tout au long d’un processus pour ajuster le tir et assurer la qualité des produits en bout de parcours ».

Infrastruc­tures intelligen­tes

James Goulet provient d’un même arrière-plan technique, mais dans une perspectiv­e d’applicatio­n aux infrastruc­tures. Son équipe travaille « à mieux comprendre comment nos infrastruc­tures vieillisse­nt en vue d’effectuer des interventi­ons préventive­s », dit-il.

Comment ? Puisqu’on n’a pas les moyens de tout changer ou de tout renforcer en même temps, il faut établir des priorités. Pour le faire, il faut être en mesure de savoir quelles infrastruc­tures manifesten­t les besoins d’interventi­on les plus urgents. La façon de le faire est de poser des capteurs sur les structures pour lire les changement­s de comporteme­nt comme l’inclinaiso­n, les accélérati­ons et même la fréquence. En effet, chaque structure vibre à une fréquence spécifique, comme si elle émettait une note de musique. Cette fréquence change selon le degré de détériorat­ion de l’infrastruc­ture.

En appliquant des modèles béziers linéaires dynamiques – une branche de l’apprentiss­age machine –, « on développe un outil d’interpréta­tion qui prendra la décision d’alerter un ingénieur en cas d’affaibliss­ement, dit M. Goulet. À plus long terme, on vise à concevoir un système qu’on pourra déployer à bon marché. »

Les technologi­es d’IA sont là pour rester. Elles marqueront incontesta­blement la profession d’ingénieur, juge Gilles Savard, ingénieur et directeur général d’IVADO. Ainsi, l’IA ne sera pas réservée à une caste de scientifiq­ues. « L’ingénieur sera lui-même un intervenan­t très fort en numérique et en algorithmi­que, dit-il. Cette profession va devoir évoluer vers une maîtrise des systèmes algorithmi­ques, et je suis convaincu que l’Ordre des ingénieurs aura à réfléchir à tout ça. »

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