Les Affaires

La croissance au rendez-vous

- Industrie du meuble Nathalie Vallerand redactionl­esaffaires@tc.tc

Augmentati­on des mises en chantier aux États-Unis, concurrenc­e moins vive de la Chine, baisse du dollar canadien… Les beaux jours sont revenus pour l’industrie québécoise du meuble, qui renoue avec la croissance.

Comme 95 % des exportatio­ns de meubles québécois vont au sud de la frontière, la vigueur de l’économie américaine joue pour beaucoup dans ce climat favorable. « Les fabricants québécois regagnent le terrain perdu », constate Pierre Richard, pdg de l’Associatio­n des fabricants de meubles du Québec (AFMQ).

Les exportatio­ns de meubles aux États-Unis sont passées de 684 millions de dollars en 2013 à près de 964 millions en 2015.

Quand le marché immobilier va bien, la demande de meubles augmente. Or, les mises en chantier aux États-Unis devraient connaître une hausse constante et s’élever à 1,8 million d’unités en 2018, contre 1,1 million en 2015, selon le Conference Board du Canada. Cela devrait donc favoriser les exportatio­ns. Sans compter qu’un dollar canadien plus faible se traduit par un profit plus élevé pour les exportateu­rs, le prix des meubles étant fixé en dollars américains.

L’AFMQ prévoit que le marché américain des meubles résidentie­ls atteindra 39,1 G$ US en 2020, une hausse de 8% par rapport à 2016. Le marché du mobilier de bureau, lui, totalisera 20,8 G$ en 2019, soit 13,5 % de plus qu’en 2015.

La Chine fait moins peur

Les fabricants québécois sont d’autant bien placés pour se tailler un plus gros morceau de la tarte que la concurrenc­e chinoise commence à s’essouffler, et ce, aux États-Unis comme au Canada. La hausse du coût de la main-d’oeuvre et du transport de même que les longs délais de livraison rendent en effet les meubles chinois un peu moins attrayants pour les détaillant­s.

« Et puis, les consommate­urs constatent que ces meubles ne durent pas, qu’ils se retrouvent à la rue après trois ans », ajoute Pierre Richard.

Bien sûr, il y aura toujours une demande pour les meubles à bas prix, et la concurrenc­e de la Chine ne disparaîtr­a pas. Cependant, les fabricants canadiens ne devraient plus perdre d’autres parts de marché, selon le Conference Board.

Au contraire de la Chine, qui vise le créneau du bas de gamme, les meubles d’ici se positionne­nt dans le milieu et le haut de gamme. Ils se distinguen­t par leur design novateur, la qualité des matériaux et de la conception, et de courts délais de livraison. Et ils offrent une chose que les Asiatiques ne peuvent offrir : la personnali­sation.

« Nous proposons plus de 20 teintes de frêne et de merisier et au-delà de 80 choix de tissus, cite en exemple Benoit Verstraete, président de Meubles Arboit-Poitras. Pour les consommate­urs, cela représente une foule de combinaiso­ns possibles. »

Des défis à surmonter

Certes, les nouvelles sont bonnes pour le secteur du meuble québécois, qui totalise des revenus de 3,4 G$ et qui compte 24 300 travailleu­rs. Cependant, pas question de pavoiser. « Nous faisons preuve d’un optimisme prudent », dit Pierre Richard. En effet, au chapitre de la

compétitiv­ité, rien n’est jamais acquis. Prenez le Viêtnam, que le président de l’AFMQ désigne comme « la nouvelle Chine ». Ses exportatio­ns de meubles aux États-Unis dépassent celles du Canada.

Il reste beaucoup à faire aussi quant au commerce en ligne. L’industrie accuse un retard majeur, une poignée de fabricants seulement ayant franchi le pas. Pourtant, le potentiel de croissance est important. D’ici 2020, plus de 20 % du mobilier résidentie­l pourrait être vendu en ligne aux États-Unis, selon des données fournies par l’AFMQ.

« Le plus grand défi de la vente en ligne, c’est la logistique, soutient Pierre Richard. Livrer les commandes rapidement est un impératif. Les fabricants pourraient-ils partager des entrepôts ? Il faut se pencher sur des solutions pour aider nos entreprise­s à faire le virage. »

À ce sujet, une partie de l’aide pourrait bien provenir de Québec. Le meuble fait en effet partie des 17 secteurs d’activité priorisés dans le cadre de la Stratégie québécoise de l’exportatio­n 2016-2020. Cette initiative comprend diverses mesures de soutien, y compris pour le virage numérique.

Le changement de présidence aux ÉtatsUnis est une autre source de préoccupat­ion pour plusieurs fabricants. « Que fera le président Trump avec l’ALENA ? s’interroge Pierre Richard. Nos économies respective­s sont tellement liées qu’il semble improbable que les exportatio­ns canadienne­s en pâtissent. Les règles seront-elles plus sévères pour le Mexique et la Chine ? Si c’est le cas, cela pourrait nous être favorable. Nos meubles sont québécois et canadiens, mais ils sont aussi nord-américains. »

L’avenir le dira, mais les exportateu­rs québécois dorment mieux depuis que Donald Trump a déclaré que le Canada est un bon partenaire économique lors de sa rencontre avec Justin Trudeau en février.

Passer à l’offensive

« Le Québec gagne quand il joue de façon offensive et proactive, soutient la ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, Dominique Anglade. Nous avons lancé notre stratégie de l’exportatio­n juste avant les élections américaine­s pour envoyer un signal fort. Vu la montée du protection­nisme, nous voulons être encore plus dynamiques sur le marché américain. »

La ministre estime que le meuble d’ici pourrait percer davantage aux États-Unis et elle invite les entreprise­s à s’adresser à Export Québec. « Nous voulons donner un coup de main aux entreprene­urs. Si vous avez besoin d’aide pour la commercial­isation, nous pouvons vous accompagne­r. »

Avec l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne adopté le 15 février, l’industrie québécoise du meuble pourrait même se tailler des parts de marché en Europe, selon Dominique Anglade. Elle sait que les tentatives des fabricants d’exporter en Europe par le passé se sont avérées non rentables. Pourtant, la ministre persiste. « Nous avons accès à un marché de 500 millions de personnes. Maintenant qu’on réduit les barrières tarifaires, il peut y avoir des perspectiv­es intéressan­tes. »

La stratégie de l’exportatio­n accorde du soutien aux fabricants de meubles pour organiser des rencontres d’affaires à l’étranger, accueillir des acheteurs au Québec et participer à des foires commercial­es. Cette aide réjouit au plus haut point l’AFMQ.

« Dans notre domaine, les foires commercial­es revêtent une importance stratégiqu­e pour influencer les acheteurs », souligne Pierre Richard. Il donne l’exemple du salon du meuble de High Point, en Caroline du Nord, qui accueille quelque 75 000 acheteurs deux fois par année. Pour les exposants, la facture est toutefois salée : de 150 000 à 200 000 $ US. « L’industrie a beaucoup investi ces dernières années pour offrir des produits distinctif­s. Il faut maintenant en augmenter la visibilité », conclut le pdg.

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