Les Affaires

Le meuble, une affaire de famille

- Industrie du meuble — NATHALIE VALLERAND

Seulement 30 % des entreprise­s familiales réussissen­t le passage de la première à la deuxième génération. À la troisième, le taux de succès dégringole à 13 %, selon la Fondation des familles en affaires. Meubles Arboit-Poitras, pour sa part, en est à la quatrième génération.

Maude Verstraete, 23 ans, est l’arrière-petite-fille de Maurice Verstraete, qui a fondé en 1951 la PME de L’Épiphanie, dans Lanaudière. Elle épaule depuis bientôt deux ans son père Benoit, qui avait lui-même pris la relève de son paternel en 1989.

« Ma fille a un baccalauré­at en biologie médicale, mais elle aime beaucoup la vente, dit Benoit Verstraete. Ça l’a décidée à poursuivre la tradition familiale en vendant des meubles. »

Pour qu’elle puisse acquérir l’entreprise plus facilement, l’homme d’affaires s’apprête à faire un gel successora­l. Il présente aussi peu à peu sa fille à ses contacts d’affaires. Et il lui a confié la gestion des relations avec les détaillant­s et l’achat des matériaux qui entrent dans la fabricatio­n des meubles.

Une prospérité retrouvée

Maude Verstraete, qui suit des cours en gestion d’entreprise, est appelée à prendre la relève d’une entreprise qui a une histoire mouvementé­e.

Les deux premières génération­s de la famille sont à l’origine de deux entreprise­s, l’une spécialisé­e dans les meubles à petits prix et l’autre dans le haut de gamme. Cette dernière a déjà été vendue quand Benoit Verstraete arrive aux commandes, à 21 ans, à la suite du décès prématuré de son père. Il réoriente alors l’autre entreprise vers la fabricatio­n de meubles de meilleure qualité.

Les affaires vont bien, mais l’entreprene­ur a la piqûre pour la politique. En 2003, il est élu maire de L’Épiphanie et il vend sa PME. Au cours des années qui suivent, il voit avec un pincement au coeur les deux entreprise­s fondées par sa famille faire faillite. En 2010, il rachète les actifs.

« Je ne voulais pas sacrifier des emplois dont plusieurs étaient occupés par des employés du temps de mon père », dit celui qui a été maire pendant 11 ans.

Aujourd’hui, Meubles Arboit-Poitras a un chiffre d’affaires de plus de 6 millions de dollars et compte 70 employés dans deux usines, à L’Épiphanie et à Shawinigan. Ses meubles en merisier et en frêne de milieu à haut de gamme sont vendus dans les grandes chaînes de magasins partout au Canada.

Les États-Unis ? Benoit Verstraete y pense, mais il hésite à faire le pas. « L’entreprise est en bonne santé financière et n’a pas de dettes. Pour exporter, il faudrait faire des investisse­ments. Je ne veux pas agir dans la précipitat­ion. C’est peut-être avec Maude que la percée américaine se fera… »

Pour l’instant, sa priorité va au design et à l’innovation. Il a embauché un designer récemment et son entreprise fait partie de la troisième cohorte de l’Empreinte québécoise, une démarche collaborat­ive d’innovation pilotée par INÉDI, un centre collégial de transfert de technologi­e en design industriel.

« Parmi les voies qu’on veut explorer, il y a le mélange de matériaux et l’intégratio­n de la technologi­e dans les meubles. C’est en innovant qu’on se démarque. »

Deux frères, troisième génération

Chez Mobican, un fabricant de meubles de Saint-Jean-sur-Richelieu, les frères Mathieu et Nicolas Selmay, tous deux ingénieurs, sont déjà bien en selle. « Je n’ai jamais mis de pression pour qu’ils prennent la relève, dit leur père, Patrick Selmay. Je leur disais même que le meuble est une industrie difficile. J’ai été surpris de leur décision. » L’’homme d’affaires, lui aussi ingénieur, est visiblemen­t ravi. En 1988, il s’était associé avec son père pour acheter l’entreprise dont les meubles sont vendus dans les petites chaînes comme Maison Corbeil, JC Perreault et Mobilia.

Patrick Selmay assure laisser beaucoup de latitude à ses fils pour qu’ils fassent le tour de l’entreprise de 30 employés. « L’idée, c’est de voir comment leurs centres d’intérêt se développer­ont. »

Mathieu, 27 ans, a des affinités avec la vente et le design. Il scrute les tendances, visite des clients, imagine de nouveaux designs. Nicolas, 25 ans, s’intéresse pour sa part au processus de fabricatio­n. Il est à l’origine d’un projet de standardis­ation des composants qui a permis de réduire les coûts de fabricatio­n.

Leur père ne se sent pas bousculé par leur « entêtement à faire changer les choses pour le mieux ». Bien au contraire. « Les bonnes idées, je suis preneur. Ça me fait même plaisir d’être passager et de regarder le paysage ! » Les décisions majeures, comme l’achat récent de machines à commandes numériques, se prennent désormais à trois. « Ma relève est assurée », se réjouit l’entreprene­ur de 55 ans, qui prévoit bientôt ouvrir l’actionnari­at à ses fils.

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