Les Affaires

Recherche employés désespérém­ent

- — NATHALIE VALLERAND

Mobican essaie depuis des mois de recruter des rembourreu­rs. « J’ai mis des annonces et j’ai frappé à toutes les portes, sans succès », se désole son président, Patrick Selmay. Ce que vit la PME de Saint-Jean-sur-Richelieu est typique du manque de main-d’oeuvre qualifiée qui touche le secteur du meuble.

« Notre taux de placement est de 100 %, dit Martin Demers, directeur de l’École nationale du meuble et de l’ébénisteri­e. On a une cinquantai­ne de diplômés par année à nos campus de Victoriavi­lle et de Montréal, et c’est loin de suffire à la demande. »

C’est peu dire. Une étude du Conference Board du Canada estime que la demande de main-d’oeuvre dans le secteur des meubles en bois et rembourrés au pays devrait croître de 2 % par année d’ici 2019, ce qui se traduira par un gain de 4 600 emplois.

À lui seul, Groupe Lacasse a créé près de 100emplois depuis trois ans. Et il en créera une quinzaine d’autres sous peu, à la suite du transfert de ses activités américaine­s de fabricatio­n de sièges à son usine de Saint-Pie. À cela s’ajoutera le remplaceme­nt d’une soixantain­e d’employés qui prendront leur retraite d’ici cinq ans.

« Le plus grand défi dans l’atteinte de notre plan de croissance, c’est la disponibil­ité de la main-d’oeuvre », affirme Sylvain Garneau, président de l’entreprise de meubles commerciau­x et institutio­nnels de 500 employés.

Parmi les postes les plus difficiles à combler par l’industrie, le métier d’ébéniste figure au premier rang, selon une enquête du Comité sectoriel de main-d’oeuvre des industries des portes et fenêtres, du meuble et des armoires de cuisine. Viennent ensuite les postes d’installate­urs, le personnel d’usine (journalier­s, ouvriers) et les peintres.

Attirer la main-d’oeuvre

Le vieillisse­ment de la population, la méconnaiss­ance du secteur du meuble comme employeur potentiel et le peu d’intérêt des jeunes pour les métiers du meuble expliquent entre autres pourquoi les entreprise­s peinent à recruter.

Entre 2008 et 2012, la récession américaine a entraîné plusieurs pertes d’emploi. Ancienneté oblige, ce sont surtout les employés les plus jeunes qui ont écopé, selon Christian Galarneau, directeur général du comité sectoriel.

« Aujourd’hui, l’économie des États-Unis est dynamique et les exportatio­ns québécoise­s regagnent le terrain perdu. Les entreprise­s ont donc besoin de regarnir leur effectif au moment où elles doivent aussi remplacer les travailleu­rs qui partent à la retraite. »

Or, le domaine n’attire pas les foules. « Il reflète encore une image artisanale, constate Christian Galarneau. Les jeunes ne savent pas à quel point la fabricatio­n est automatisé­e. »

Deux des quatre programmes de l’École nationale du meuble et de l’ébénisteri­e, les DEP en finition et en rembourrag­e, n’ont pas démarré cette année, faute d’inscriptio­ns. « En rembourrag­e, nous n’avons eu qu’une inscriptio­n alors qu’il en faudrait une douzaine », indique Martin Demers.

Pour promouvoir les métiers du meuble, l’école a réalisé en février sa deuxième campagne d’affichage dans le métro. « L’an dernier, un visiteur sur deux qui s’est présenté à nos portes ouvertes avait entendu parler de nous de cette façon », dit le directeur, qui a aussi des projets pour faire connaître l’importance du design dans la conception de meubles.

Le peu de mobilité de la main-d’oeuvre immigrante, alors que la plupart des fabricants de meubles sont en région, est un autre facteur qui complique le recrutemen­t. « Les nouveaux arrivants sont les bienvenus dans nos usines, lance Sylvain Garneau. Le gouverneme­nt devrait en faire plus pour les attirer en région. » Son entreprise en a embauché quelques-uns avec l’aide de Forum 2020, l’organisme de régionalis­ation de l’immigratio­n de la MRC des Maskoutain­s. Des ressortiss­ants du Mexique, de la Colombie, de Cuba, de l’Algérie, et peutêtre bientôt du Pérou.

Formation sur le tas

Pour combler leurs besoins de main-d’oeuvre qualifiée, les entreprise­s se tournent aussi vers le compagnonn­age. Le Programme d’apprentiss­age en milieu de travail d’Emploi-Québec permet ainsi de former des ébénistes, des couturiers, des peintres, des rembourreu­rs.

Mobican en est à sa première expérience du genre. « On est en train de former un opérateur de machine CNC et on est très satisfaits, dit Patrick Selmay. On va refaire ce programme, c’est certain. »

Le recrutemen­t de personnel pour les postes nécessitan­t peu de qualificat­ions s’avère aussi difficile. Pour la deuxième année, le créneau d’excellence Meuble et bois ouvré a mis en place un programme de formation de manoeuvres destiné aux chercheurs d’emploi et financé par Emploi-Québec. Les cours sont offerts à l’École nationale du meuble et de l’ébénisteri­e.

« La formation est donnée selon un mode d’alternance travail-études, précise la directrice du créneau, Marie-Josée Boisjoli. Comme les participan­ts se familiaris­ent avec la réalité du travail, la rétention de ceux qui sont embauchés est meilleure. »

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