Les Affaires

Investir pour faire cent fois sa mise Le point sur les deux banques québécoise­s

- Philippe Le Blanc Expert invité Stéphane Rolland stephane.rolland@tc.tc srolland_la Investir

J’ai lu, il y a quelques semaines, le livre 100 Baggers, de Christophe­r Mayer. J’avais acheté ce livre après avoir lu un article qui le recommanda­it chaudement. Autrement, je ne crois pas que j’aurais été attiré par un livre qui porte un titre aussi accrocheur. Mon premier réflexe en voyant un titre de ce genre est de flairer la spéculatio­n et la promotion, des activités dont je me tiens aussi loin que possible. Imaginez : un investisse­ment dont la valeur se multiplie par 100 signifiera­it que votre investisse­ment de 10 000 $ se transforme­rait en 1M$ !

Toutefois, loin de prôner la spéculatio­n, ce livre incite au contraire à élaborer une philosophi­e d’investisse­ment axée sur le très long terme et sur la qualité des sociétés dans lesquelles on investit.

L’auteur a effectué une recherche pour trouver les titres de sociétés qui sont devenues des « 100-baggers » entre 1962 et 2014. Parmi la liste de plus de 15 000 sociétés, 365 ont vu la valeur de leur titre multipliée par 100 ou plus pendant la période. Plusieurs titres de cette liste sont très connus : Coca-Cola dont la valeur a été multipliée par 868, Colgate-Palmolive (814 fois), Disney (3 276 fois !) et General Electric (210 fois). D’autres le sont moins : Hillshire Brands (942 fois), Vulcan Materials (979 fois), Sundstrand (188 fois) et EQT Corp. (713 fois).

Si vous croyez que multiplier votre investisse­ment par 100est une chimère, le tableau qui suit devrait vous convaincre que c’est possible.

C’est d’ailleurs le premier constat qui me saute aux yeux : il aura fallu en moyenne 26 ans aux titres de ces 365 sociétés pour voir leur valeur multipliée par 100. On est bien loin du « day trading »! J’ai particuliè­rement apprécié que l’auteur recoupe plusieurs caractéris­tiques de ces « 100-baggers » afin d’aider l’investisse­ur à en dénicher de nouveaux : – Les « 100-baggers » sont le produit du temps et de la croissance. Pour obtenir la croissance, il est préférable d’investir dans des sociétés de moindre envergure qui ont un potentiel de croissance attrayant à long terme. Vous n’obtiendrez pas un « 100-bagger » avec Wal-Mart ou Apple. Les 365 « 100-baggers » cernées par M. Mayer affichaien­t des ventes médianes de 170 M$ et une capitalisa­tion boursière médiane de 500 M$. Donc, selon M. Mayer, il n’est pas suffisant de dénicher des titres peu chers pour obtenir des « 100-baggers », il faut aussi regarder vers l’avant, imaginer le genre de sociétés qui pourraient un jour devenir de grandes entreprise­s. À ses yeux, « décrocher un “100-bagger” nécessite une vision, de la ténacité et la capacité de croire en une idée qui pourrait ne pas être évidente à la seule analyse des états financiers ». – Un rendement de l’avoir ou du capital élevé en plus de la possibilit­é de réinvestir les profits à un taux de rendement élevé. – Une équipe de direction qui prendra les bonnes décisions pour investir le capital de la société. M. Mayer note que, dans bien des cas, les dirigeants qui prennent les meilleures décisions de manière constante, sans prendre de trop grands risques, détiennent beaucoup d’actions de leur société. « Dans l’ensemble, les gens qui mettent leur propre richesse à risque prennent de meilleures décisions que les dirigeants qui ne sont que de simples employés. » Les rachats d’actions font souvent partie d’une bonne répartitio­n du capital et peuvent magnifier les rendements s’ils sont effectués à un bon prix. Les dirigeants-actionnair­es ont aussi tendance à être plus opportunis­tes que les dirigeants-employés en plus d’accorder davantage d’importance à l’efficacité fiscale. – Un modèle d’affaires protégé par des barrières à l’entrée élevées. Une barrière à l’entrée est un avantage concurrent­iel soutenable qui protège le modèle d’affaires d’une société contre ses concurrent­s existants ou potentiels. Elle peut provenir d’une forte marque de commerce, de coûts d’exploitati­on inférieurs, de coûts de commutatio­n (« switching costs ») élevés, d’effets de réseau (Facebook) ou d’économies d’échelle. – Une forte croissance des profits à long terme est nécessaire, mais il préférable de payer un prix raisonnabl­e pour le titre au départ. M. Mayer parle de l’effet « double turbo » de la croissance et d’un prix raisonnabl­e : en plus de la croissance, le ratio cours-bénéfices augmente avec les années.

Les « » existent bel et bien. De fait, vous en avez probableme­nt déjà détenu un ou deux dans vos portefeuil­les. Il est toutefois probable que vous les ayez vendus bien avant qu’ils atteignent le multiplica­teur de 100. La plus grande difficulté n’est pas de dénicher de tels titres, mais bien de les conserver assez longtemps pour qu’ils deviennent des « 100-baggers ». Le problème n’est pas que nous n’avons pas la patience de garder un titre pendant 25 ou 30 ans, mais bien de traverser des périodes difficiles sans le vendre. La grande majorité des titres dont la valeur a été multipliée par 100 ont connu des périodes où ils ont fortement corrigé pour rebondir tout aussi fortement dans les années qui ont suivi. En cette nouvelle année, souhaitons-nous au moins un « 100- bagger » dans notre carrière d’investisse­ur ! La Banque Nationale (NA, 58,75 $) et la Banque Laurentien­ne (LB, 59,68 $) ont toutes deux réalisé des progrès quant à leur plan d’entreprise au premier trimestre 2017 (terminé le 31 janvier). Même si les nouvelles sont bonnes, la grande majorité des analystes préfèrent tout de même rester sur les lignes de côté. Banque Nationale : plus d’argent pour récompense­r les actionnair­es La marge de manoeuvre financière de la Banque Nationale s’est améliorée, ce qui permet d’attendre une augmentati­on du dividende « plus généreuse » qu’espérée pour le printemps.

Le ratio de fonds propres Tiers 1 s’est établi à 10,6 % à la fin du premier trimestre. À un seuil de 10,5 %, la sixième banque du pays affirme qu’elle serait en mesure de se montrer plus généreuse dans l’augmentati­on de son dividende. À 10,75 %, elle pourrait considérer le lancement d’un programme de rachat d’actions.

Cette nouvelle plaît à Darko Mihelic, de RBC Marchés des capitaux, un des rares analystes à émettre une recommanda­tion « surperform­ance ». Le ratio d’efficacité à 56,5 % s’est amélioré de 210 points de base. Autrement dit, générer un dollar de revenu coûte 56,5 cents à la banque.

Si les perspectiv­es demeurent bonnes dans les marchés des capitaux, la Nationale en profiterai­t davantage que ses concurrent­es, car cette division contribue dans une proportion plus importante à ses bénéfices, souligne M. Mihelic. Il bonifie sa cible de 61 $ à 62 $.

Doug Young, de Desjardins Marchés des capitaux, est moins enthousias­te par rapport à l’importance de la division « marchés des capitaux », qui est plus volatile. Cette caractéris­tique se trouve plutôt dans la colonne des risques, selon lui. Il dit aussi ne pas trop savoir quoi penser des plans d’expansion à l’internatio­nal. Pour cette raison, il croit que la Nationale mérite de s’échanger au rabais par rapport à ses pairs, et ce, même s’il est encouragé par l’améliorati­on des fonds propres et par les gains d’efficacité du côté des dépenses. Sa recommanda­tion demeure à « conserver ». Sa cible augmente de 56 $ à 59 $.

À plus long terme, Stephen Ellis, de Morningsta­r, prévient que la croissance de la Nationale sera appelée à ralentir. Au moment où l’endettemen­t des ménages franchit de nouveaux records, la croissance du portefeuil­le de prêts ne pourra pas se maintenir dans une fourchette de 7% à 10 %. Toutefois, la Banque devrait continuer d’obtenir davantage de revenus que son coût en capital, nuance l’analyste. Banque Laurentien­ne Pour la Banque Laurentien­ne, les résultats du premier trimestre ont été l’occasion de faire le point sur les projets de fusions de succursale­s. Celles-ci devraient survenir plus tôt que prévu. L’institutio­n financière a fusionné une succursale en décembre dernier. Elle prévoit effectuer 33 fusions d’ici la fin avril et sept autres d’ici la fin juin. De plus, 23 succursale­s deviendron­t des établissem­ents offrant uniquement des conseils.

Darko Mihelic, de RBC Marchés des capitaux, garde l’oeil ouvert. Même s’il maintient sa recommanda­tion « performanc­e de secteur », il croit que le titre pourrait devenir plus attrayant une fois que la direction aura respecté ses engagement­s. « Ce sont des échéances ambitieuse­s, commente-t-il. Cela pourrait nous forcer à revoir nos prévisions plus tôt que tard. » Sa cible est à 57 $.

Doug Young, de Desjardins Marché des capitaux, croit, lui aussi, que le plan de la Banque Laurentien­ne lui permettra d’afficher un meilleur ratio d’efficacité. « Cependant, nous croyons qu’il y aura quelques accrochage­s au passage. Le souhait d’augmenter le rendement sur l’équité à un seuil comparable à celui des grandes banques canadienne­s d’ici 2022 est ambitieux. » Il réitère une recommanda­tion « conserver » et sa cible de 59 $.

Si la direction a démontré ses aptitudes à contrôler ses dépenses, la croissance interne des revenus, pour sa part, laisse à désirer, juge Gabriel Dechaine, de Financière Banque Nationale. « En toute justice », la progressio­n des revenus de 8% ne souffre pas de la comparaiso­n avec les six grandes banques canadienne­s. Cependant, la croissance interne n’est que de 4 %. Cette augmentati­on est nourrie « en grande partie » par les secteurs liés au marché financier. Il maintient sa recommanda­tion « performanc­e de secteur ». La cible est réduite de 64 $ à 61 $.

Comme ses collègues, Lemar Persaud, de Valeurs mobilières TD, reste sur les lignes de côté. Pour que la Laurentien­ne soit plus généreusem­ent évaluée, il faudra que son rendement des capitaux propres s’approche davantage de celui des grandes banques canadienne­s, selon lui. La banque est sur une bonne lancée avec ses prêts commerciau­x, mais cela est contrebala­ncé par les risques d’exécution du plan de transforma­tion. La recommanda­tion est à « conserver ». La cible passe de 65 $ à 61 $.

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