Les Affaires

Shawinigan réinvente son économie 10 1 000 1 000

- Focus René Vézina rene.vezina@tc.tc Chroniqueu­r | vezinar Filières clés de Shawinigan (2015) Électroniq­ue et électroméc­anique : entreprise­s emplois Divertisse­ment numérique et développem­ent de logiciel : près de emplois Transforma­tion des métaux et minéra

« On revient de loin, tout est à bâtir ». Ces mots sont de Michel Angers, le maire de Shawinigan, mais ils auraient pu être prononcés par bien des gens qui travaillen­t à revitalise­r l’économie en Mauricie.

La région a longtemps été une des locomotive­s de la prospérité du Québec. Puis est venu le déclin avec les changement­s structurel­s dans l’économie mondiale, avec de nouveaux acteurs prenant leur place dans le textile, l’industrie chimique, la métallurgi­e, et dans la production de papier journal et de bois de sciage dont la Mauricie s’enorgueill­issait!

Est-ce à dire que ces industries traditionn­elles sont vouées à l’extinction? Pas si vite.

À la mi-mars, les acteurs du textile de la Mauricie sortaient sur la place publique pour signaler qu’ils avaient besoin de renforts, que les couturière­s, par exemple, se faisaient rares. À tel point que sur 12 apprentis qui entreprena­ient une formation sur machine à coudre, six venaient de l’extérieur du pays et tous étaient assurés d’un emploi s’ils réussissai­ent à se qualifier.

En 2017? Alors que l’industrie du textile est censée être en train de se désagréger au Québec?

« Il ne faut pas croire que nous avons tout perdu », dit Pierre H. Vincent, le nouveau directeur général de Manufactur­iers Mauricie Centre-du-Québec, dont les bureaux sont situés à Trois-Rivières. Prenez simplement Chemise Empire, à Louisevill­e. C’est une entreprise centenaire qui fonctionne encore très bien.

Vrai, quand on parle de textile, il faut englober la couture, le fil et tout ce qui s’y rattache, dans des niches particuliè­res, comme la réparation des toiles de bateau. Le marché demeure actif, rappelle Pierre H. Vincent, « mais on ne forme plus de travailleu­rs pour ce secteur », ce qui l’oblige à faire appel à de la main-d’oeuvre étrangère.

On a peut-être conclu trop vite que bébé était disparu avec l’eau du bain, s’il faut en croire Luc Arvisais, directeur du Service de développem­ent économique à la Ville de Shawinigan. Et il est vrai que les exemples sont éloquents.

En octobre 2013, par exemple, le journal Les Affaires titrait : « L’histoire se poursuit grâce à Shawinigan Aluminium ». Quelle histoire? Alcan venait d’y annoncer sa fermeture prochaine. Une PME originaire du Saguenay, Sotrem-Maltech, a alors repris une partie des activités dans le coulage des billettes en préservant du même coup une centaine des 400 emplois condamnés à disparaîtr­e. Pas très loin, avec 150 travailleu­rs, General Cable poursuit le travail de fabricatio­n de câbles en aluminium autrefois produits par Alcan.

En plus de se prolonger, l’industrie de la transforma­tion des ressources se régénère, comme le montre ce projet qui prend forme dans le secteur Grand-Mère, maintenant rattaché à Shawinigan: l’unité de production d’hydroxyde et de carbonate de lithium pilotée par Nemaska Lithium, qui y transporte­ra par train le minerai extrait de sa mine située près de Chibougama­u.

Non seulement va-t-elle réanimer une partie du complexe de l’ancienne usine de pâtes et papiers Laurentide, la dernière du genre à fermer ses portes, elle pourrait aussi contribuer à consolider la filière québécoise de l’électrific­ation des transports, puisque des dérivés du lithium sont utilisés dans la fabricatio­n des batteries.

« Et on assiste dans ce cas à une belle collaborat­ion entre Nemaska Lithium et le Centre collégial de transfert technologi­que du Collège de Shawinigan », dit Luc Arvisais, qui signale que l’usine-pilote devrait être inaugurée dans quelques mois. Pour lui, cette jonction entre le savoir et l’industrie peut directemen­t contribuer à la revitalisa­tion de sa ville, et il a bien d’autres projets en marche…

De quoi conforter la vision du maire, Michel Angers, qui veut positionne­r Shawinigan dans le cercle des « villes intelligen­tes », plus réceptives aux besoins des citoyens – de là les applicatio­ns du Hackathon (voir notre article à la page 12) – et aux nouvelles technologi­es qui permettent, par exemple, de proposer un meilleur éclairage des rues tout en réduisant la demande en électricit­é.

Sans renier l’héritage de Shawinigan et de toute la Mauricie, il réalise qu’une des clés de l’avenir demeure la revitalisa­tion de l’entreprene­uriat chez les jeunes.

« On la voit, cette progressio­n, dit-il, mais il faut comprendre qu’il n’y a pas si longtemps, les gens ne s’en faisaient pas, parce qu’on trouvait un bon travail dans les grandes industries. Jusqu’à ce qu’elles flanchent. »

Et le mouvement est en marche. En 2009, un relevé montrait que l’intention entreprene­uriale à Shawinigan était moins forte qu’au Canada, qu’au Québec et qu’ailleurs en Mauricie. Quatre ans plus tard, en 2013, une nouvelle analyse arrivait à des résultats nettement plus encouragea­nts: si 25% des Québécois de 35 ans et plus pensaient se lancer en affaires, près de 30% des résidents de Shawinigan y songeaient.

« Les mentalités changent », dit Michel Angers. De quoi imaginer, un jour pas si lointain, un retour à la prospérité pour Shawinigan et la Mauricie tout entière.

la

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada