Les Affaires

Un plan béton pour une retraite forcée

- Clinique retraite Daniel Germain daniel.germain@tc.tc daniel_germain Évolution des actifs de Martine

Cadre dans une industrie de pointe, Martine* a fait partie des victimes d’une restructur­ation de son entreprise l’année dernière. À 58 ans, elle se demande si elle ne devrait pas prendre sa retraite plutôt que de partir à la recherche d’un nouvel emploi. Cependant, cette perspectiv­e soulève bien des questions, à commencer par celle qui nous taraude tous: « Aurais-je assez d’argent? ».

La situation

Martine détient un peu plus de 800000$ en placements, essentiell­ement à l’intérieur du REER (REER: 735000$; CELI: 52000$; CRI/FRV: 25000$).

Elle est propriétai­re d’une résidence principale d’une valeur de 350000$ sur laquelle pèse encore une hypothèque de 48000$. Avec son conjoint, elle possède deux jumelés estimés à 510000$, mais qui sont hypothéqué­s de 162000$.

Son conjoint et elle semblent gérer leurs finances de manière indépendan­te. Nous nous sommes donc penchés uniquement sur sa situation personnell­e. Nous avons confié son cas à Robin Lévesque, CPA, CMA, Conseiller en placements au cabinet Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés.

La situation de Martine n’est pas alarmante, mais comme sa retraite s’annonce très longue vu l’âge auquel elle quitte le marché du travail, ses ressources semblent assez justes. Il est donc nécessaire d’explorer plusieurs avenues afin de trouver le scénario qui lui permettra de couvrir le plus longtemps possible son coût de vie de 40000$ par année. Nous avons retenu l’hypothèse d’un taux d’inflation de 2,15 % et d’un rendement de portefeuil­le de 4%.

Martine se demande si elle ne devrait pas profiter de cette première année sans revenu (2017) pour vendre un des jumelés ou les deux et encaisser les gains en capital sans être trop imposée. Elle compte demander sa rente du RRQ dès 60 ans. Est-ce la chose à faire? Non, selon Robin Lévesque. Il est possible de faire durer le capital et de lui assurer les revenus souhaités plus longtemps en empruntant d’autres chemins.

Le conseiller se penche d’abord sur les jumelés dont il veut faire ressortir les rendements. Ils rapportent des revenus bruts de 28800 $ par année et occasionne­nt des dépenses de 15400$, incluant l’intérêt sur l’hypothèque, mais sans le remboursem­ent du capital. Les revenus nets s’élèvent donc à 13400$.

Robin Lévesque poursuit ses calculs pour connaître l’impôt latent. Les jumelés ont été payés 260000$. Comme ils valent au- jourd’hui 510000$, on suppose un gain en capital de 250000 dollars. L’impôt payable s’élèvera à 46400$ approximat­ivement. La valeur nette du bien immobilier s’élève donc à 301600$ (510000 moins 46400$ moins l’hypothèque de 162000$).

L’immobilier procure donc un rendement de 4,4% (13400$ multiplié par 100, divisé par 301600$), observe Robin Lévesque. Il est plus élevé que le taux hypothétiq­ue du portefeuil­le.

Le conseiller élabore plusieurs scénarios. La vente rapide des jumelés permet à Martine de tenir le rythme de dépenses de 40000$ par année plus longtemps que si elle conservait l’immobilier jusqu’à son décès (capital épuisé à 95 ans au lieu de 90 ans). C’est qu’elle obtient une quantité appréciabl­e de liquidités supplément­aires qu’elle peut utiliser.

Le scénario optimal consiste cependant à profiter des revenus immobilier­s le plus longtemps possible et à vendre les jumelés lorsque Martine aura presque épuisé ses comptes d’épargne. Cette stratégie suppose également qu’elle cesse dès maintenant de rembourser le capital sur l’hypothèque et qu’elle ne paie que les intérêts sur la dette.

Pourquoi?

Plusieurs facteurs militent en faveur de cette approche. D’abord, les sommes qui seraient consacrées au remboursem­ent du prêt seraient immobilisé­s dans l’immeuble, donc inaccessib­les pour financer le coût de vie de Martine. Celle-ci a besoin de son épargne et de tous les revenus immobilier­s.

Détail important, les intérêts payés sont déductible­s d’impôt, car le prêt sert à financer un investisse­ment immobilier. Elle pourrait utiliser une marge hypothécai­re pour puiser dans l’équité des jumelés, mais ce faisant, elle perdrait l’avantage fiscal. La marge de crédit sur un immeuble à revenu ne doit jamais servir à des fins personnell­es, sinon les intérêts ne seraient plus déductible­s.

Par contre, la marge de crédit est essentiell­e ici. En remboursan­t l’hypothèque à partir de la marge de crédit hypothécai­re, on évite d’immobilise­r les revenus de Martine dans le bien immobilier. À mesure que l’hypothèque diminue, la marge monte. Quand l’hypothèque est entièremen­t payée, il suffit de payer les intérêts sur la marge sans jamais la rembourser. La marge est perpétuell­e, ce qui n’est pas le cas d’une hypothèque.

Toutefois, il y a des désavantag­es à conserver l’investisse­ment immobilier, reconnaît le conseiller. Contrairem­ent à des actions et à des obligation­s, un immeuble exige qu’on s’en occupe. Et la délégation des tâches peut réduire sa rentabilit­é. Il relève aussi le risque de hausse de taux d’intérêt et de l’imposition sur le gain en capital.

Si Martine et son conjoint décidaient de vendre en cours de route, ils devraient s’assurer de le faire sans nuire aux prestation­s de la Pension de la sécurité de la vieillesse. En 2016, le seuil de récupérati­on débutait à 73756$. Au-delà, le retraité doit rembourser 15% de la PSV pour chaque dollar gagné. « Alors, il ne faudrait pas vendre les deux jumelés dans la même année fiscale », conseille Robin Lévesque.

Le scénario optimisé fonctionne si Martine repousse les versements des rentes du RRQ à 67 ans et celles de la PSV à 68 ans. En retardant les prestation­s, elles sont bonifiées durant toute la vie.

D’ici là, son REER, quelques retraits de son CELI et les revenus des jumelés combleront ses besoins.

Si Martine s’en tient à son plan de match, elle pourra remercier son employeur de l’avoir… remerciée. * Un pseudonyme a été utilisé.

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