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NATIONALE INTERNATIO­NAL La à l’

Louis Vachon explique comment la Banque Nationale compte profiter du dynamisme des marchés émergents, et il se prononce au passage sur l’impact social de la transforma­tion du secteur financier.

- LOUIS VACHON

les différente­s régions. Certains investisse­ments ne deviendron­t pas nécessaire­ment majoritair­es pour nous. »

À court terme, la Nationale ne prévoit pas faire d’autres acquisitio­ns. « Peut-être des investisse­ments de 5M$ à 10M$, mais ce ne serait que des investisse­ments tactiques, dit M. Vachon. Pour l’instant, la priorité, c’est d’opérationn­aliser nos investisse­ments majeurs. Au Cambodge, nos équipes apprennent à travailler ensemble. En Afrique de l’Ouest, on est en mode exploratoi­re. »

À plus long terme, la Banque Nationale désire concentrer son attention sur seulement deux ou trois endroits. « On ne veut pas être une banque internatio­nale, affirme le pdg. Avec la réglementa­tion, ça devient trop coûteux d’être implanté dans une centaine de pays. C’est pour ça qu’il faut choisir. »

Les analystes, pour leur part, restent sceptiques quant à l’incursion de l’institutio­n financière dans les pays émergents, selon les commentair­es consultés par Les Affaires. Mario Mendonca, de Valeurs mobilières TD, note que le rendement sur l’investisse­ment qu’obtient la Banque Nationale avec sa stratégie internatio­nale est près de deux fois supérieur à celui des activités américaine­s des grandes banques canadienne­s. Cela se fait toutefois au prix d’un risque politique et économique accru, selon lui. « Oui, mais c’est pour ça qu’on diversifie dans plusieurs régions, répond M. Vachon avec un léger soupir. Le profil de risque est un peu plus élevé, mais le profil de croissance l’est beaucoup plus. »

L’autre pilier : Credigy

L’autre pilier de la stratégie internatio­nale de la banque est à Atlanta, aux États-Unis. Credigy se spécialise dans le financemen­t de prêts et l’achat de portefeuil­les de prêts. La filiale a été acquise en 2006 par Louis Vachon au moment où il était le chef de l’exploitati­on de la Nationale.

La beauté de son modèle d’affaires réside dans sa flexibilit­é, estime M. Vachon. Le portefeuil­le de Credigy se gère de manière tactique. Selon les occasions, le prêteur varie les catégories de prêts de son portefeuil­le, le profil de risque et même les régions géographiq­ues d’où proviennen­t les créances. Par le passé, l’entreprise a eu des prêts au Brésil, en Espagne et à Porto Rico, par exemple, mais son portefeuil­le est « revenu massivemen­t » aux États-Unis.

Le savoir-faire technologi­que de Credigy, que M. Vachon identifie comme une fintech, est un autre atout, selon lui. La filiale américaine partage d’ailleurs son expertise dans la science de données avec la Nationale. « Leur équipe est capable d’analyser des portefeuil­les à grande échelle, très rapidement », affirme-t-il.

En prenant les prêts dont ne veulent pas les institutio­ns financière­s, Credigy peut mettre la main sur des emprunts plus risqués qui génèrent de meilleurs rendements. Cette filiale n’expose-t-elle pas la Banque Nationale à un risque plus grand au moment où le cycle de reprise économique aux États-Unis est déjà avancé ? Comment la banque gère-t-elle ce risque ? « D’abord, on diversifie. Ensuite, nous avons pris la décision délibérée de nous tourner vers des prêts qui n’ont pas de retard de paiement et dont les emprunteur­s ont un meilleur dossier de crédit. Nos modèles contiennen­t la probabilit­é d’une récession. On ne sait pas quand sera la prochaine: nous ne sommes pas devins. Mais nous nous assurons que Credigy pourra traverser la prochaine crise, comme elle l’a fait en 2008. »

Le risque de crédit

Credigy a réduit le profil de risque de son portefeuil­le. Par le passé, il a déjà contenu jusqu’à 90% de prêts non performant­s, soit des dettes qui ont connu des retards de paiement d’au moins 90 jours. Soulignons que le terme « non performant » ne signifie pas que l’institutio­n financière qui achète ce prêt d’une autre institutio­n n’obtiendra pas de rendement avec celui-ci. Maintenant, les prêts performant­s, soit ceux des prêteurs qui remboursen­t normalemen­t leurs créances, représente­nt à leur tour plus de 90% du portefeuil­le.

Ce changement est bien accueilli par Robert Sedran, de Marchés des capitaux CIBC, qui « n’a jamais débordé d’enthousias­me » pour le profil de risque de Credigy. Il réduira cependant le rendement sur l’actif, nuance l’analyste. Celui-ci est passé de 8,9% en 2011 à 3,8% en 2015. Par contre, les prêts de meilleure qualité ont une plus longue durée. Cela devrait apporter plus de « constance » dans les résultats, estime-t-il.

Les manchettes économique­s chez nos voisins du Sud font régulièrem­ent état du risque que représente­nt les prêts automobile­s et les prêts étudiants sur l’économie. Credigy y est-elle exposée? « À ma connaissan­ce, nous n’avons pas de prêts étudiants, répond M. Vachon. Pour ce qui est des prêts automobile­s, nous nous sommes concentrés sur les emprunteur­s de première qualité. Ça a été de très belles transactio­ns. Les portefeuil­les étaient de tellement bonne qualité qu’ils ont été remboursés plus rapidement que prévu. »

N’en déplaise à M. Sedran, qui redoute le profil de risque de Credigy, M. Vachon n’exclut pas que le risque augmente à nouveau dans l’avenir, si le contexte économique le justifie. En théorie, les prêts moins risqués sont plus indiqués lorsque la reprise est déjà bien en marche. À l’inverse, les prêts plus risqués peuvent devenir plus attrayants lorsqu’une crise est passée, que l’aversion au risque est élevée, mais que les conditions économique­s s’améliorent. « On s’ajuste selon le moment où l’on se trouve dans le cycle économique », précise M. Vachon.

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Louis Vachon, président et chef de la direction de la Banque Nationale du Canada
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